Du courant alternatif au sein de la majorité
Posted by jeunempl sur août 13, 2011
(Scarlett Haddad – L’Orient le Jour)
La fin houleuse de la séance parlementaire de mercredi continue à susciter des interrogations. Que s’est-il réellement passé dans les coulisses et quelle est la véritable raison du cafouillage entre les différentes parties de la majorité ? Autant de questions auxquelles il faut chercher des réponses, mais un petit rappel s’impose. Le projet de produire 700 mégawatts financés par l’ouverture d’un crédit de 1,2 milliard de dollars figure en réalité dans le plan global présenté par le ministre de l’Énergie Gebran Bassil au précédent gouvernement, qui l’avait d’ailleurs adopté, sans pouvoir le concrétiser, puisqu’il a très vite été paralysé par le dossier des faux témoins avant de tomber suite à la démission de onze ministres.
En principe, le ministre Bassil devait attendre que l’actuel gouvernement se saisisse du dossier et le reprenne à son compte, avant de le transférer en son nom au Parlement. Mais avec le chef du bloc du Changement et de la Réforme, il a décidé de le soumettre à la Chambre en tant que projet présenté par le général Michel Aoun. Sans doute Aoun et Bassil estimaient-ils avoir le droit de revendiquer la paternité de ce plan qui avait été longuement préparé par le ministre et de nombreux conseillers. En le présentant en son nom aux députés, Michel Aoun souhaitait aussi montrer à tous les Libanais que son bloc est sérieux dans sa volonté d’améliorer les conditions de vie des citoyens, et qu’avec son action et celle de ses ministres, les Libanais verront forcément la différence. Ce souci, tout à fait légitime puisqu’après tout c’est Gebran Bassil qui avait mis le plan au point, n’a pas plu à tout le monde. Il a d’abord déplu aux rivaux du chef du CPL sur la scène chrétienne qui ne veulent absolument pas le voir tirer profit d’une telle réalisation en disant aux Libanais dans un an, lorsque le plan se sera concrétisé : c’est moi qui ai fait en sorte que vous ayez du courant électrique, et ensuite au Premier ministre lui-même, qui estime que Michel Aoun et le ministre de l’Énergie auraient pu attendre que le gouvernement adopte le projet et le défère lui-même au Parlement. Pour Nagib Mikati, le gouvernement doit travailler en équipe et il ne doit pas y avoir de réussite et d’échec personnels, mais un travail collectif. C’est d’ailleurs pourquoi la défense du Premier ministre devant le tir groupé des députés, au cours de la séance parlementaire de mercredi, était assez faible. Il a en effet préféré laisser son ministre, épaulé par le président de la commission parlementaire des Finances Ibrahim Kanaan, se battre tout seul. C’est d’ailleurs une des rares fois où l’on a vu le président de la Chambre rabrouer Kanaan auquel il donne d’habitude volontiers la parole.
Autre élément qui a contribué au report de l’examen du projet, la position de Walid Joumblatt et de son bloc. Certes, le chef du PSP se trouvait mercredi à Damas, mais il avait visiblement conseillé à ses ministres (Alaeddine Terro, Ghazi Aridi et Waël Bou Faour) et aux députés de son bloc de ne pas assister à la séance. Un seul, Akram Chehayeb, est venu place de l’Étoile… pour développer une position hostile au projet de loi, sous prétexte qu’il est incomplet car on ne comprend pas par quels moyens la nouvelle dette pourrait être remboursée. Il était donc clair que Joumblatt était contre l’adoption de ce projet ce jour-là. Non pas parce qu’il ne souhaite pas que le Liban bénéficie du courant électrique 24h sur 24, mais parce que deux jours auparavant, au cours d’une conférence de presse, Michel Aoun avait répondu à une question sur un éventuel changement de position de Walid bey d’une façon qui aurait déplu à ce dernier. Il fallait donc l’empêcher de triompher mercredi au Parlement.
Ayant très vite compris qu’un jeu caché se déroulait dans les coulisses de l’examen de ce projet de loi, le président de la Chambre Nabih Berry avait envoyé le député membre de son bloc Yassine Jaber sonder les différentes parties et essayer de trouver un compromis acceptable. Au cours de ses investigations, Jaber a découvert que si Berry demandait un vote, le projet de loi serait rejeté avec un avantage de quatre voix pour l’opposition, en raison de l’absence des députés de Joumblatt et celle de certains députés de la majorité. C’est pourquoi le président de la Chambre a accueilli avec soulagement la proposition de Georges Adwan d’accorder un délai à durée déterminée au gouvernement pour reprendre le projet et le représenter doté des détails réclamés par les députés. Comme Ibrahim Kanaan protestait, Nabih Berry lui a sèchement demandé : « Voulez-vous vraiment que je procède au vote ? »
L’affaire en est restée là et le chef du législatif a trouvé une formule qui ne soit pas un désaveu pour le gouvernement, puisqu’il a gardé le projet à l’ordre du jour de la séance plénière tout en demandant au gouvernement de le compléter avant de le soumettre de nouveau à la Chambre. Cette formule arrange sans doute aussi le Premier ministre qui reprendra le projet afin de le présenter aux députés cette fois au nom du gouvernement, non via un bloc parlementaire.
Entre susceptibilités, tiraillements internes et volonté de ne pas laisser une partie marquer seule des victoires, le projet de loi sur l’ouverture d’un nouveau crédit au ministère de l’Énergie pour la production de 700 mégawatts a pris un peu d’eau. Mais il reviendra bientôt devant le Parlement dans une mouture plus acceptable pour tous ceux qui ne veulent pas laisser le CPL se présenter comme la seule partie soucieuse de l’intérêt des citoyens. Comme quoi, au sein d’un même camp, tout n’est pas toujours rose, mais les petites chicaneries ne remettent pas en cause les grands principes… Et si le ton est monté sitôt la séance parlementaire terminée, il ne remet pas en cause non plus les alliances de la majorité.
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