Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

Des questions légitimes autour de « Vous puez »

Posted by jeunempl sur septembre 1, 2015

Tayyar-intishar – Mohammad Ezzedine

Lebanon You StinkRévolution citoyenne ou dernière étape de l’ «automne arabe» ? Le site de la diaspora libanaise Tayyar-Intishar.org, pose quelques questions autour du mouvement «Tol3et Ri7etkon» ou «Vous puez».

Depuis la mi-juillet une grande partie de la population libanaise est en ébullition, elle bat les pavés de la capitale Beyrouth, quasi quotidiennement, faisant face aux hordes de casseurs, ainsi qu’à des agents des Forces de sécurité intérieure quelque peu zélés et faciles de la matraque ou de la gâchette.

Qui sont donc ces Libanais prêts à braver le danger et quelles sont leurs revendications ?

Pour y répondre il convient de faire un bref retour en arrière de quelques semaines, au commencement de la crise des déchets qui sévit toujours à Beyrouth, dans ses deux banlieues, ainsi qu’au Mont-Liban et dans plusieurs autres régions du pays.

Fin juin, la décharge de Naameh ferme ses portes, sous la pression des habitants de la localité du Chouf, excédés par plusieurs années de pollution ordurière. Ouverte en 1997 pour recevoir les détritus de la capitale et de la montagne environnante pendant quelques années seulement, le temps qu’une solution globale et plus écologique soit trouvée, elle était toujours en activité dix-huit ans plus tard.

La décharge de Naameh qui devait accueillir au départ deux millions de tonnes de détritus en a finalement reçu au cours de ces années plus de quinze millions de tonnes. Suite à la fermeture de cette dernière, les déchets se sont dans un premier temps amoncelés dans les rues des localités libanaises avant d’être jetés sauvagement dans des espaces vides ici et là, au centre ville même de Beyrouth.

Et pour ne rien arranger à la situation, quelques jours plus tard le contrat qui liait l’Etat libanais à la compagnie privée de ramassage de déchets, Sukleen, arrivait également à son terme. Incapables de s’entendre sur les parts du gâteau des ordures à se partager, qui s’élèveraient à plusieurs millions de dollars par mois, selon l’ancien ministre des Télécoms Charbel Nahas, interviewé ce dimanche 30 août par la chaîne de télévision OTV, des leaders des pôles politiques du 8 mars et du 14 mars, à leurs têtes Nabih Berri (Amal), Walid Joumblatt (PSP) et Hariri (Courant du Futur), faisaient échouer toute solution acceptable à la crise des déchets dans son ensemble.

Outrés par l’absence fantomatique de l’Etat, et par l’incurie d’une partie de la classe politique locale, des citoyens lambda, des artistes, des acteurs de la société civile, inconnus du grand public, se sont rassemblés spontanément dès la fin juillet place Riad Solh, au centre ville de Beyrouth, en face du Grand Sérail gouvernemental. Au fils des jours, les rassemblements citoyens spontanés ont très vite laissé place à un mouvement plus spectaculaire et plus organisé, qui s’est appelé «Tol3et Ri7etkon», «Vous puez», en français.

Or, la nature du mouvement n’est pas le seul à avoir changé au gré des jours et des semaines. Les slogans du début appelant à la résolution de la crise des ordures ont vite laissé place à des slogans plus radicaux demandant la démission expresse du Premier ministre Tamam Salam et de son gouvernement.

«Un Printemps libanais» ?

Malheureusement, ceci aurait pour effet de pérenniser encore d’avantage le vide politique au sein du pays, laissant le champ libre à une révolution chaotique qui serait la dernière étape du «Printemps arabe».

Le quotidien «israélien» Yadaot Ahranot a d’ailleurs consacré son éditorial du samedi à la situation politique chez son petit voisin. On peut ainsi y lire : «Le Printemps arabe arrivera bientôt au Liban et se transformera d’abord en un «hiver islamiste» puis en une guerre civile, qui rappellera aux Libanais celle qu’ils ont vécu précédemment et qui a coûté la vie à plus de cent-cinquante mille personnes».

Le quotidien « israélien », qui est l’un des plus lus dans l’entité sioniste, révèle même le sort peu enviable de la jeunesse libanaise dans un avenir qui s’annonce plus proche que l’on ne pense: «A l’instar des jeunes syriens, les jeunes libanais qui n’auront alors plus rien à perdre seront en première ligne de tous les combats et de tous les soubresauts que le pays connaîtra à l’avenir. Que les Libanais se préparent, la situation actuelle n’est rien comparée à ce qu’ils vont vivre dans quelques temps».

En effet, depuis quelques jours une partie de la foule présente place Riad Solh tente sans relâche d’envahir le Grand Sérail gouvernemental, sous l’impulsion de mystérieux meneurs, entraînant de véritables scènes de guerre civile entre celle-ci et les agents de sécurité, causant chaque soir des dégâts matériels importants à Beyrouth.

Outre la violence galopante du mouvement «Vous puez», celui-ci semble également se radicaliser et s’isoler du reste de la population libanaise, suite au refus de ses organisateurs de permettre à certaines factions de la population d’y adhérer ou simplement prendre part, tout en réclamant dans des sacs de poubelles les têtes de tous les leaders politiques, surtout ceux qui ont et qui combattent encore la corruption, tel le Général Michel Aoun et ses partisans.

Le Général Michel Aoun a d’ailleurs mis en garde contre les dérives des organisateurs du mouvement «Vous puez», lors d’une conférence de presse donnée à Rabieh, ce dimanche 30 août : «Accuser tout le monde de corruption, alors qu’ils font partie aussi de ce tout, serait-il pour préserver et innocenter le vrai responsable de cette corruption ?».

Human Rights Watch

Le 19 octobre dernier, les manifestants de «Tole3it Ri7etkon» ont subi les assauts des forces de sécurité intérieure, de la même manière que les manifestants du Courant patriotique libre le 8 juillet dernier. A la différence que cette fois, l’organisation internationale Human Rights Watch y a consacré un communiqué demandant aux forces de l’ordre de ne pas toucher aux manifestants de cette organisation. Mystérieusement, pas un mot sur le 8 juillet dernier…

La main de puissances occidentales

Il n’en reste pas moins que le pays est paralysé, les citoyens libanais sont au bout du rouleau et de facto prêts à en découdre pour en finir avec le statu-quo, d’où ces grandes masses de gens qu’on n’avait plus vu se réunir depuis 10 ans. Que l’on ne s’y trompe pas, les prémices d’un «Printemps libanais» semblable à ceux de Tunisie, d’Egypte, de Libye et de Syrie, se font déjà sentir. Ici comme là-bas les manifestations bon-enfants du début risquent de laisser place au désordre généralisé et à des initiatives politiques hâtives.

Ici comme là-bas, le «Printemps» est conduit par des personnalités et des organisations improvisées jusqu’alors inconnues. Il est ainsi inquiétant de constater que le leader d’un mouvement qui se veut apolitique, n’est autre qu’Asaad Dabyan, un activiste forcené du Parti Progressiste Socialiste de Walid Joumblatt et du 14 mars. Cherchez l’erreur.

harakat el arfaninEncore plus inquiétant, le poids que prend l’organisation des «Dégoutés», «Al-Qarfenin», au sein du mouvement «Vous puez». Inquiétant car, lorsque l’on se penche sur le logo de cette organisation, une constatation frappe rapidement l’esprit : le signe de la main fermée prête à frapper et à causer des dégâts irréparables partout où elle passe.

C’est, en effet, le signe de ralliement des «révolutionnaires» du monde entier, financés et soutenus par l’organisation américaine National Endowment for Democracy, organisatrice de nombreuses révoltes violentes de par le monde, surtout dans les pays opposés politiquement aux Etats-Unis.

Bien sûr, nous ne pouvons pas généraliser ou réduire ce mouvement à ces facteurs négatifs, d’autant plus que les citoyens qui manifestent sont pleins de bonnes intentions. Néanmoins à ce stade, ce type de mouvement est vulnérable, il s’agit d’indices qui doivent nous rendre vigilants… et surtout qui laissent penser à un remake du scénario de 2005.

A l’époque, les véritables résistants à l’occupation syrienne étaient mis de côté par les ex-collaborateurs de l’occupation… ceux qui s’étaient retournés la veille du retrait syrien pour profiter de l’instant révolutionnaire qui animait les consciences libanaises, tout en prenant soin d’écarter le fer-de-lance de cette lutte, le Courant patriotique libre.

Assisterait-on aujourd’hui au même scénario ? L’avenir seul nous le dira.

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