Mouvement pour le Liban

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Le Printemps arabe : Un automne islamiste

Posted by jeunempl sur octobre 31, 2011

Walid Raad – L’Hebdo Magazine

Avec la mort de l’héritier du trône en Arabie saoudite, le prince Sultan Ben Abdel-Aziz Al Saoud, le royaume se trouve confronté, pour la première depuis sa création, à un sérieux problème de succession. Ce développement intervient au moment où la Tunisie, la Libye et l’Egypte connaissent des changements accélérés de leurs systèmes politiques et sociaux. Le printemps arabe est-il en train de se transformer, progressivement, en automne islamiste?

Bien que la maladie du prince Sultan Ben Abdel-Aziz n’était plus un secret, le fait que l’héritier du trône ait décédé avant le roi est sans précédent dans le royaume. Par le passé, les différends, qui pouvaient exister entre les princes, n’avaient aucune importance, car le monarque choisissait son héritier sans devoir rendre de comptes à personne. Les temps ont changé. Depuis 2006, le roi Abdallah a mis en place une nouvelle assemblée: La Bayaa. Présidée par le prince Mechaal Ben Abdel-Aziz, elle est formée de 35 membres, représentant chacun une branche de la famille Saoud. C’est cette assemblée qui aura le dernier mot dans le choix crucial du prochain numéro deux du royaume. Bien que Abdallah conserve son droit de présenter un candidat qui devra obtenir le soutien du conseil, les membres peuvent quand même voter autrement durant une période ne dépassant pas les trente jours. Il est cependant clair que, cette fois, la situation est plus complexe. Le choix ne sera pas limité à l’héritier du trône, qui sera probablement couronné roi dans un proche avenir, en raison de la maladie de Abdallah, âgé de 86 ans.

Les candidats pour la succession de Sultan ne sont pas très nombreux. Parmi eux, figure un favori, le prince Nayef Ben Abdel-Aziz, ministre de l’Intérieur et second vice-Premier ministre. Agé de 78 ans, en poste depuis 1975, il est perçu comme un conservateur qui n’aime pas trop bousculer le pays par des réformes qu’il considère inutiles. Ainsi, en 2009, il a publiquement critiqué l’entrée des femmes au Conseil consultatif et souligné qu’il n’était pas nécessaire que les membres du conseil soient élus par le peuple. Une position radicale que le roi Abdallah n’a pas pris en compte en décidant, il y a quelques semaines, de permettre aux femmes de voter et de se présenter à la Choura. Nayef est aussi connu par son sens de la sécurité et pour sa fermeté face à toute protestation. Son fils Mohammad, vice-ministre de l’Intérieur et chargé du Service de contre-espionnage, tient d’une main de fer la capitale Riyad et ce sont ses services qui mènent la chasse aux membres d’al-Qaïda. Beaucoup d’observateurs pensent que la décision du royaume, en janvier dernier, de recevoir le dictateur tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et sa femme, avait été prise par Nayef en personne. Ces observateurs notent aussi son enthousiasme pour l’envoi de troupes saoudiennes à Bahreïn. Depuis plusieurs mois, Nayef prend les décisions importantes en l’absence de ses deux frères Abdallah et Sultan, soumis à des traitements médicaux et subissent des opérations chirurgicales.

Si la nomination de Nayef est presque acquise, le nom du prochain prince héritier pose problème. Car, pour la première fois depuis la fondation du royaume, le trône échoira non pas à un fils du fondateur Abdel-Aziz mais à l’un de ses neveux. Mais lequel?

La Charia en Libye

En Libye, les événements prennent une tournure prévisible, mais que beaucoup ne veulent pas encore reconnaître: le pays bascule dans l’islamisme. Après l’exécution du colonel Mouammar Kadhafi, les festivités organisées par le Conseil national transitoire à Benghazi, et non pas à Tripoli, ressemblaient plus à une cérémonie religieuse organisée par les Talibans qu’à un meeting politique. Le président du CNT, Moustafa Abdel-Jalil, ancien ministre de la Justice de Kadhafi, a choisi de dévoiler son vrai visage, le 23 octobre 2011, en citant, dans le discours prononcé pour l’occasion, des versets coraniques, assurant que la Charia sera la seule source des lois. Le pays de Omar al-Mokhtar, qui n’a jamais connu la démocratie et qui est passé de la colonisation italienne à la monarchie, puis à un système qui n’existe nulle part ailleurs, la Jamahiriya, semble confronté à un avenir incertain. Abdel-Jalil a été très clair dans son discours à Benghazi. Il a assuré que «les mesures prises par le tyran pour bannir la polygamie seront annulées. Nous vivrons dans un Etat islamique sous la Charia. Toute loi qui contredit ces principes sera considérée nulle et non avenue». Ces propos, qui ont choqué de l’autre rive de la Méditerranée, n’auraient pourtant pas dû surprendre, car les rebelles libyens n’ont jamais caché leur appartenance religieuse et leur désir de bâtir un Etat islamique. Durant les dernières semaines, les groupes salafistes armés se sont acharnés sur les tombes et les mausolées soufis à travers la Libye, les faisant exploser, tout comme l’avaient fait les Talibans afghans, en mars 2001, avec la statue géante de Bouddha!

Ces groupes détiennent le pouvoir réel et pourraient consolider leurs positions dans des élections d’ici à huit mois. Ils ne font face à aucun défi de la part de partis nationalistes ou laïques, car il n’en existe point, le pays étant divisé sur des bases tribales et régionales, avec un élément unissant tout ce monde: l’islam.

Les islamistes en Tunisie

En Tunisie voisine, les élections du 23 octobre ont surpris par leurs résultats et le taux de participation, qui a dépassé les 90%. Le parti islamique el-Nahda a passé en tête avec près de 40% des voix, alors que ses détracteurs n’ont pas dépassé la barre des 12%. Un score qui a choqué, car la Tunisie, exemple de modernité dans le Maghreb et le monde arabe, semble revenir à des décennies en arrière. Si certains se demandent encore s’il faut avoir peur des islamistes au pouvoir, la réponse est claire: lisez leur programme. Le fait de légaliser la polygamie (interdite en Tunisie tout comme en Libye), d’interdire l’alcool, d’imposer la Charia et de fermer les banques non islamiques, ne semble pas être un programme moderniste ou avant-gardiste. Même si le cheikh Rached Ghannouchi tente de rassurer l’opinion publique, en présentant sur les listes de son mouvement des femmes non voilées et en assurant que son parti ne présentera pas de candidats lors de la prochaine élection présidentielle, il n’en reste pas moins que les principes d’el-Nahda sont bien connus de tous. Banni sous la dictature de Ben Ali, le parti, très proche des Frères musulmans, souhaite tout simplement que la société tunisienne musulmane soit gouvernée par les lois religieuses. En d’autres termes, Ghannouchi souhaite rayer d’un coup de plume tous les acquis de la femme tunisienne sous l’ère Bourguiba, dévoilant sans le vouloir, quelques jours seulement avant les élections, le visage non démocratique de son parti. A 70 ans, le cheikh, qui aurait déjà pris en secret une seconde femme de nationalité syrienne, a menacé que si son parti devait perdre les élections, il n’accepterait pas les résultats des urnes et appellerait à des contestations pour faire annuler le scrutin. Avant que les Tunisiens ne se rendent aux bureaux de vote lors des premières élections démocratiques de leur histoire, les proches de Ghannouchi émettaient des fatwas très controversées. Selon les imams d’el-Nahda, voter pour les partis de gauche, surtout pour le parti communiste connu sous le nom de Parti des ouvriers, est un péché. Ces partis ont été humiliés et battus, ce qui nécessite un éveil républicain pour tenter d’empêcher el-Nahda d’appliquer son vrai programme.

Incertitude en Egypte

Entre-temps, l’Egypte, qui tremble toujours après les affrontements entre l’armée et les Coptes place Maspero, le 10 octobre, tente de se réconcilier avec elle-même. Ainsi, la réunion du pape Chénouda III avec le chef du Conseil militaire suprême, Mohammad Tantawi, visait-elle à tourner la page de ces événements sanglants et à remettre les compteurs à zéro. Les généraux ont accordé une concession, toute modeste qu’elle soit, en permettant la reconstruction de l’église détruite à Asouan, qui a provoqué les dernières émeutes. Mais cela veut-il dire que les Coptes d’Egypte sont désormais rassurés par les intentions de la majorité musulmane?

Les élections, prévues le mois prochain, risquent d’être décisives, voire fatales, pour la communauté chrétienne. En effet, tous les sondages montrent que le parti Justice et liberté, la branche politique des Frères musulmans, obtiendra la majorité dans la nouvelle Assemblée. Pendant ce temps, la société se radicalise avec des fatwas, pour le moins surprenantes. La dernière en date est l’interdiction à toute musulmane d’épouser un ancien membre du Parti national démocratique, qui a gouverné le pays sous le régime Moubarak et qui comptait plus de trois millions de membres. Contrairement aux fatwas précédentes émises par des cheikhs salafistes, l’auteur de celle-ci n’est autre que Omar Stouhi, l’une des figures religieuses les plus connues d’al-Azhar.

Le printemps arabe, porteur de tant d’espoirs, se transforme, dans plusieurs pays de la région, en un automne islamiste, mettant ainsi en danger les acquis des révolutions. Hassan Choubassi, professeur à l’Université internationale libanaise, déclare à ce sujet à Magazine: «La démocratie n’a jamais eu une vraie opportunité dans le monde arabe et les peuples de la région viennent juste de se libérer du poids de la dictature qui, dans certains cas, a duré plus de quarante ans. L’oppression des régimes a rendu impossible la création de partis politiques soudés et bien organisés. Résultat, ce sont les partis islamiques qui tireront le plus grand profit dans les urnes et cela ne devrait surprendre personne. Il ne faut pas pour autant regretter la vague de changements qui touchent les pays arabes, car le système démocratique reste le plus juste».

Les dictateurs déchus ne sont nullement regrettés, même si les islamistes réussissaient à remporter les élections dans tous les pays arabes. Car accepter les lois de la démocratie, c’est aussi savoir accepter la défaite. Mais il est désormais nécessaire que tous les mouvements civils et laïques, au Maghreb et au Levant, se réveillent, car les foules semblent attirées par les slogans islamiques. Vu la grande diversité qui existe dans le monde arabe, il est inquiétant d’imaginer ce que l’imposition d’une seule doctrine sur la société pourrait engendrer comme résultats catastrophiques sur nos pays et notre avenir.

La vidéo ne ment pas

Les photos ne mentent pas, et c’est bien vivant que Mouammar Kadhafi a été capturé, le 20 octobre, par les rebelles, alors qu’il tentait de fuir la ville de Syrte. Mais les avions de l’Otan, plus précisément la chasse française, ont mis terme à la cavale du dictateur libyen qui durait depuis sa fuite de Bab el-Aziziya, le 22 août. Le roi des rois d’Afrique n’avait pas bonne allure, entouré d’hommes barbus qui semblaient vouloir le dévorer vif. Ses supplices et ceux de son fils Mouttassem ne furent pas écoutés. Avant sa mort, le dernier appel effectué par le guide fut à une femme non identifiée en Syrie, sans doute sa dernière conquête féminine. Quant à sa fille Aïcha, elle a eu la mauvaise surprise d’avoir, au bout du fil, l’un des bourreaux de son père qui l’informa qu’Abou al-chafchoucha avait été liquidé!

Les Saoud

L’Arabie saoudite n’est pas juste un pays gigantesque d’une superficie de 2 millions de kilomètres carrés et de 25 millions d’habitants. C’est aussi un pays qui porte le nom de la famille qui l’a fondé, en 1932, ce qui montre la particularité de ce royaume. A la suite de la mort du roi fondateur Abdel-Aziz Ben Saoud, en 1953, ce sont cinq de ses quarante-quatre fils qui lui ont succédé au trône. A la tête de la hiérarchie actuellement, le roi Abdallah, demi-frère de l’avant-dernier roi, Fahd.

La famille, comptant quelque 7000 princes, a toujours formé un groupe soudé face aux grandes menaces, malgré la séparation des fils dem Abdel-Aziz en plusieurs clans, le plus puissant étant celui des Soudayri. Le numéro deux et l’héritier du trône était, jusqu’il y a peu de temps, Sultan, suivi par le prince Nayef, second vice-Premier ministre depuis mars 2009. Les autres frères, fils et neveux sont présents dans le gouvernement et occupent les postes les plus influents, tels les ministères de la Défense ou des Affaires étrangères, tandis que les autres sont nommés gouverneurs de province. Un autre frère du roi, le prince Salman, est gouverneur de Riyad, alors que le fils du roi Fahd, Mohammad, est gouverneur d’al-Dammam et ainsi de suite.

Le tableau en Tunisie

Si ce n’étaient les restrictions imposées par le gouvernement transitoire dans la loi électorale, le parti el-Nahda aurait sûrement remporté l’écrasante majorité des 217 sièges au sein de l’Assemblée constituante. Les islamistes, dont les listes sont passées en tête dans les vingt-sept provinces tunisiennes et même à l’étranger, ont infligé une cinglante défaite aux partis de gauche et aux mouvements laïques. El-Nahda, fondé en 1981 par son président actuel Rached Ghannouchi, ancien membre des Frères musulmans, a annoncé qu’il était prêt à tendre la main et à s’allier aux autres mouvements politiques pour travailler ensemble au sein de la nouvelle Assemblée.

Le bloc al-Takattol, dirigé par l’opposant historique Moustafa Ben Jaffar et le Congrès pour la République de Moncef Marzouk n’auront réussi à récolter, chacun, que près de 11% des suffrages.

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