L’Hebdo Magazine – Joëlle Seif (photo Milad Ayoub-DR)
Dans les jardins de la magnifique Villa Daouk, qu’elle appelle avec une grande simplicité «la maison», Raya Daouk nous reçoit. Parmi la profusion de fleurs et de plantes, on a du mal à croire que nous sommes en plein cœur de Beyrouth, dans le quartier de Koraytem. «Avant, tout le quartier comportait des maisons semblables à la mienne. Cet endroit donne une idée de l’aspect de ce qu’était la vie avant que tout ne devienne commercial. Aujourd’hui, les choses ont changé. Tout repose sur le gain rapide».
Totalement libre de pensée et d’esprit, on ne peut limiter Raya Daouk à un lieu ou à une religion. «Je me trouve à Beyrouth par accident». Elle se veut laïque et se sent citoyenne du monde. Née dans une famille d’intellectuels druzes, les Takieddine, qui ont donné à la langue arabe onze auteurs dans plusieurs domaines, mariée à Omar Daouk, un sunnite, elle reçoit une éducation laïque au Collège protestant et fait des études de droit à l’Université Saint-Joseph, où elle obtient sa licence en 1965. Championne de ski et de natation, elle se démarque des filles de sa génération. «Je suis une femme sans tout à fait appartenir à cette catégorie. Je suis en harmonie totale avec un milieu social et intellectuel». A la fin de ses études, elle épouse «le fils d’une grande famille chargée d’histoire. Son grand-père avait formé le premier gouvernement arabe en 1918. On s’est marié dans cette demeure, entourés d’un éventail d’amis, venus des quatre coins du monde». Le prince héritier d’Arabie saoudite, Salman Abdel-Aziz, est témoin à leur mariage. Le prince Talal, très impliqué dans les affaires humanitaires et sociales, est également présent. «A travers lui, on a vu beaucoup de misères dans le monde. Mon mari et moi avons beaucoup voyagé en sa compagnie en tant que conseillers». De cette union naissent trois enfants: May, Mohammad et Talal. Raya Daouk est cinq fois grand-mère, mais n’hésite pas à dire que c’est une chimère de penser que les petits-enfants sont plus précieux que les enfants. «Je n’ai aucun complexe ni de ce que je fais ni de ce que je dis», dit-elle avec un large sourire. Dès son plus jeune âge, Raya Daouk est fortement impliquée, «par goût», dans l’humanitaire. Elle est encore étudiante lorsqu’elle est approchée par le doyen de la faculté de théologie pour fonder un centre social à la Quarantaine, qu’elle présida pendant seize ans.
Sans intermédiaire
Elle est contre toute forme de fanatisme et considère celui-ci comme une tare sociale. «Ce n’est pas la facette d’un esprit éduqué». Elle respecte le fond et la forme de pensée de tout être humain, mais, pour elle, nul besoin d’intermédiaire avec le Créateur. «Je suis née d’un père druze et d’une mère sunnite, mariée également à un sunnite ni par choix ni par conscience. Je n’appartiens à aucune communauté. Je me sens une femme éduquée, qui n’a pas besoin de la religion pour lui servir d’intermédiaire entre elle et le bon Dieu». Un jour, cachée dans un sous-sol à Lire le reste de cette entrée »