Refusé au Festival de Cannes par toutes les sections (de la Sélection officielle à la Semaine de la critique en passant par la Quinzaine des réalisateurs), Lebanon s’est imposé quelques mois plus tard comme un Lion d’or indiscutable à la Mostra de Venise. Voilà qui relativise le jugement sacro-saint des sélectionneurs, et prouve en même temps qu’aucun film ne fait jamais tout à fait l’unanimité, chacun ayant ses raisons de plébisciter ou de rejeter l’oeuvre en fonction de critères qui sont affaire de goût, de subjectivité, d’idéologie.
Ce film, le premier réalisé par Samuel Maoz, se situe dans le sillage d’autres oeuvres retraçant, comme lui, la première guerre du Liban d’un point de vue israélien. Les plus connus sont Beaufort (2007), de Joseph Cedar, qui, dépeignant les derniers jours d’une forteresse israélienne assiégée par le Hezbollah, reçut l’Ours d’argent au Festival de Berlin. Et Valse avec Bachir (2008), d’Ari Folman, qui retraçait, par le biais du cinéma d’animation, l’invasion israélienne du sud du Liban en 1982 et la nuit du massacre des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila.
Le terme « point de vue israélien » n’est pas tout à fait exact. Lebanon et ces deux précédents films ont ceci de commun qu’ils adoptent le regard des soldats israéliens, et non celui de leur gouvernement. Charges contre la guerre et son absurdité en général, ces films se gardent bien d’émettre des jugements politiques (ce qui leur a été reproché), se polarisent sur le traumatisme que cette campagne a provoqué dans des consciences. Il s’agit moins de films historiques que d’expériences individuelles, de mémoires intimes, de chocs psychiques générant des cauchemars privés. Lire le reste de cette entrée »
VENISE — La Mostra accueillait mardi « The white space » de l’Italienne Francesca Comencini sur un Lido mis en effervescence par la venue de l’acteur George Clooney, tandis qu’un film israélien sur la guerre du Liban, « Lebanon », s’imposait comme le premier grand coup de coeur du festival.
Depuis le début du Festival de cinéma de Venise (2-12 septembre) si deux films politiques, signés par les Américains Michael Moore et Oliver Stone ont provoqué de vifs débats, aucun long métrage en compétition n’a semblé faire l’unanimité, hormis « Lebanon ».
Nourri des douloureux souvenirs de son réalisateur, Samuel Maoz, 47 ans, originaire de Tel Aviv, le film fait vivre intensément le début de la première guerre du Liban en 1982, à travers la meurtrière avancée d’un tank israélien.
A l’instar de « Valse avec Bachir » le superbe film d’animation présenté au Festival de Cannes 2008 par Ari Folman, auquel nombre de critiques comparaient « Lebanon » mardi, il approche la guerre avec une radicale nouveauté.
Enfermés dans un tank, quatre jeunes soldats israéliens ne voient du Liban que les massacres qu’ils y perpètrent : âne éventré agonisant, femme au bord de la démence après la mort de son enfant, vieillard au regard figé par la haine, assis dans la rue face à son ami foudroyé en pleine partie d’échecs…
L’horreur de ces scènes, ajoutées au confinement et à la cruelle absurdité des ordres reçus, fait monter la tension entre les hommes. Lire le reste de cette entrée »
Le film israélien sur le massacre de Sabra et Chatila circule sous le manteau.
BEYROUTH, de notre correspondante ISABELLE DELLERBA
La porte de fer claque. Les retardataires resteront dehors. La galerie d’art beyrouthine, transformée pour un soir en salle de projection, est déjà comble. Elle ne pourra accueillir, ce soir-là, tous ceux qui, curieux ou sceptiques, veulent voir comment «l’autre», l’ancien soldat israélien devenu réalisateur, Ari Folman, relate l’une des pages les plus sombres de leur propre histoire : le massacre de Sabra et Chatila, commis en septembre 1982 par les phalangistes chrétiens au lendemain de l’assassinat de leur chef, Béchir Gemayel, alors que les troupes de l’Etat hébreu encerclaient le camp palestinien.
Le film d’animation Valse avec Bachir, Golden Globe Award et césar 2009 du meilleur film étranger, n’est pas diffusé dans les cinémas libanais. Le visionner est même illégal. Le Liban boycotte en effet tous les produits israéliens. «Je comprends parfaitement cette politique mais je trouve absurde de prohiber une œuvre d’art», lâche Ralf, appareil photo en bandoulière – «au cas où les forces de l’ordre interviendraient pour mettre fin à la projection».
Au premier rang, un couple de quinquagénaires BCBG a prévu des sandwiches «pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent si nous sommes arrêtés». Lire le reste de cette entrée »
CULTURE – Et pas n’importe lequel. Celui réalisé par le directeur de l’animation de «Valse avec Bachir»…
Il ne se tourne pas les pouces, Yoni Goodman, directeur de l’animation de «Valse avec Bachir», le formidable film sur la guerre du Liban qui a obtenu le Golden Globe et le César du meilleur film étranger. Il vient de réaliser un court-métrage d’1 minute 35 pour le compte d’une association israélienne Gisha. Une séquence vidéo sans parole, intitulée «Closed zone» (zone close) qui montre un jeune homme bloqué dans la bande de Gaza. Dès qu’il veut bouger, une main de géant lui barre le passage. Même quand il fuit les bombes qui tombent à quelques mètres. Même quand il tente de fuir par la mer.
Selon Gisha, qui demande à Israël la libre circulation des habitants de Gaza, le but de cette vidéo est de montrer «les résidents de la bande tels qu’ils sont vraiment – un million et demi d’êtres humains qui ne peuvent pas circuler librement». Commentant le making-off de la vidéo, Yoni Goodman a expliqué qu’il espérait que les spectateurs de ce court-métrage arriveraient à surmonter le traditionnel clivage entre les gentils et les méchants, qui anime les deux pays depuis des années.
Difficile de ce rendre compte du caractère exceptionnel de cet évènement. Ayant remporté le César du meilleur film étranger en 2008, il semblerait presque normal qu’il soit diffusé dans les salles du pays du Cèdre, mais cela serait sans tenir compte de la loi : « aucun produit israélien n’est autorisé sur le territoire ».
Propriétaire du Art Lounge café, où se déroulait la diffusion en hébreu sous-titrée anglais, Nino avait l’air surpris lorsque je lui ai dit qu’il était interdit de diffuser ce film. « Je fais ce que je veux dans mon café ». Pas peur d’avoir des problèmes ? « Non, c’est une salle privée ». Pourquoi la presse est là ? « Ils l’ont su, mais c’est pas grave ». Inconscience, naïveté, ou peut-être qu’il me faisait juste marcher, je ne le saurai jamais…
Toujours est-il que dimanche soir, sur la Quarantaine à Beyrouth, non loin du quartier où nombre de phalangistes résident, était montré à une petite centaine de personnes, Valse avec Bachir. Durant la séance, tout le monde était attentif, concentré. Tout le monde savait qu’une fois les lumières rallumées, il allait falloir commenter le film, justifier ses propos… Et quand ce fût le cas, les visages étaient fermés, les esprits retournés, on pouvait entendre les voix susurrer : « T’as aimé ? »
Par manque de place, Rana était assise à la droite de l’écran sur un plot noir. Elle, elle n’a pas aimé le film : « les Israéliens ont l’air tellement innocent. A croire qu’ils n’ont rien fait. Ils se déculpabilisent complètement dans ce film ». Rana a grandit à Beyrouth pendant la guerre, et a vécu l’invasion israélienne. Lire le reste de cette entrée »
Personnellement, je trouve le film exaspérant, inquiétant, scandaleux et trompeur. Il mérite un Oscar pour les illustrations et l’animation, mais une marque d’infamie pour son message. Ce n’est pas par accident que lors de la cérémonie du Golden Globe, Folman n’a même pas mentionné la guerre de Gaza qui faisait rage au moment où il acceptait ce prix prestigieux. Les images en provenance de Gaza ce jour-là ressemblaient étonnamment à celles de son film. Mais il a gardé le silence. Aussi, avant que nous ne chantions les louanges de Folman, louanges que nous nous adresserions bien sûr à nous-mêmes, nous ferions bien de nous rappeler que ce n’est pas un film contre la guerre, ni même un film qui critique Israël en tant que puissance militariste et occupante. C’est une tromperie et une escroquerie d’auto congratulation, qui nous dit à nous et aux autres combien nous sommes adorables.
Par Gideon Levy
Hollywood sera sous le charme, l’Europe applaudira et le ministère israélien des affaires étrangères enverra le film et ses réalisateurs dans le monde entier pour montrer le pays sous son beau jour. Mais en vérité, c’est de la propagande. Ses réalisateurs ont de la classe, ils sont sophistiqués et doués et ils ont du goût, mais le film est de la propagande. Un nouvel ambassadeur de la culture rejoindra Amos Oz et A.B. Yehoshua et lui aussi sera considéré comme fabuleusement éclairé – à l’inverse des soldats assoiffés de sang aux postes de contrôle, des pilotes qui bombardent les quartiers résidentiels, des artilleurs qui tuent les femmes et les enfants, et des ingénieurs de combat qui défoncent les rues. Ici, vous avez le tableau opposé. Et qui plus est, en dessin animé. C’est un bel Israël, éclairé, angoissé et moralisateur, qui danse une valse avec et sans Bachir. Pourquoi aurions-nous besoin de propagandistes, d’attachés, de commentateurs et de porte-paroles pour diffuser « l’information » ? Nous avons cette valse. La valse repose sur deux fondements idéologiques. Le premier est le syndrome « nous avons tué et nous pleurons » : oh ! Qu’est ce que nous avons pleuré et pourtant nous n’avons pas de sang sur les mains. Ajoutez une pincée d’holocauste sans lequel il n’y a pas d’introspection israélienne qui vaille. Et une larme de victimisation- autre ingrédient absolument essentiel dans le discours public national- et c’est fait ! Vous avez le portrait trompeur d’Israël en 2008, en paroles et en images. Lire le reste de cette entrée »
Dans le court-métrage de Yoni Goodmann, un jeune palestinien tente en vain de sortir de la bande de Gaza
Yoni Goodman, le directeur de l’animation du film d’Ari Folman Valse avec Bachir qui vient de recevoir le César du Meilleur Film étranger, vient de livrer un court-métrage d’animation intitulé Closed Zone [Zone fermée], dans lequel il dénonce le blocus israélien imposé à la bande de Gaza depuis juin 2007 après la prise de pouvoir des islamistes du Hamas, rapporte Yediot Aharonot.
« J’ai commencé à travailler sur ce film avant l’opération Plomb durci et l’entrée de l’armée israélienne dans la bande de Gaza [27 décembre–17 janvier]. Par la suite, le contenu du film a beaucoup évolué », explique Yoni Goodman, qui avait lui-même participé à l’opération Raisins de la colère lancée contre le sud du Liban en 1996. « Au début de cette opération, nous étions convaincus de l’action militaire que nous entreprenions. Mais quand il y a eu la tragédie de Kfar Kana [lors de l’opération menée du 11 au 27 avril 1996, plus de cent civils ont été tués suite à un bombardement israélien sur le village de Kfar Kana où ils s’étaient réfugiés dans une base des forces des Nations unies], j’ai compris que nous étions en train d’écrire notre propre tragédie. La même situation et les mêmes sentiments se sont reproduits lors de la dernière opération militaire israélienne contre la bande de Gaza. » Lire le reste de cette entrée »
Valse avec Bachir a été distingué par de nombreuses nominations, dont plusieurs prix, dont un Oscar et un César
La censure dont a été l’objet le film d’animation israélien Valse avec Bachir par les autorités libanaises, prouve que ces dernières illustrent fidèlement l’adage qui dit que le propre des imbéciles est de détester tout ce qu’ils ignorent. Il suffit qu’un film soit de production israélienne pour l’interdire et le fuir comme la peste, sans même le visionner pour forger sa propre critique et à ce moment-là opter pour un rejet ou pour une acceptation. C’est d’ailleurs cette politique suivie depuis plus d’une décennie dans le pays des cèdres : les dirigeants bac + 1 et les héritiers des sièges politiques de leurs parents ou de leurs aïeux qui pensent à la place du peuple et décident de ce qui peut être ou ne pas être accessible au commun des mortels.
D’ailleurs, interdire un film ces jours-ci émane de l’ignorance elle-même, puisqu’il suffit d’un écran d’ordinateur, d’une connexion et de quelques clics afin d’avoir le produit du 7ème art à portée de main.
Voilà comment, avec la curiosité de voir dans quel contexte le nom de l’ancien dirigeant des Forces Libanaises a été évoqué dans une production de l’état hébreu, nous avons pu nous procurer facilement ce film qui nous ont renvoyés à une époque où le Liban saignant de la guerre civile a été témoin d’un affreuxmassacre de civils palestiniens, celui de Sabra et de Chatila, mais vu par les yeux d’un juif. Lire le reste de cette entrée »
L’œuvre d’animation du cinéaste israélien Ari Folman « Valse avec Bachir » qui vient tout juste d’obtenir le Golden Globe du meilleur film étranger, a été adaptée sous une nouvelle forme : une BD qui sortira le 14 janvier aux Editions Casterman.
Après le cinéma, voici donc la version bande dessinée de « Valse avec Bachir ». Elle est directement issue des images du film sous la supervision de son réalisateur Ari Folman et de son directeur artistique David Polonsky.
Malgré les apparences, l’exercice de la « retranscription » est périlleux. Il est difficile, en effet de garder intacte l’intensité dramatique du film. « Raconter cette histoire en utilisant un autre medium semblait tout à la fois naturel et intéressant », confie David Polonsky le directeur artistique du film.La tâche fut assez complexe dans la mesure où le cinéma et la BD offrent des outils narratifs totalement différents. Parmi eux, la bande son qui donne des informations qui seront retranscrites de manière différente au sein de la BD. Lire le reste de cette entrée »