Les députés libanais ont nommé Nagib Mikati à 59 voix (contre 49 pour Saadeddine Hariri) lors de cette première journée de consultations parlementaires pour le choix du formateur du gouvernement, futur premier ministre du nouveau gouvernement. Il devrait recueillir entre 67 et 69 voix sur les 128 députés du parlement libanais. C’est Walid Joumblatt (7 députés) ainsi que le bloc Tripolitain (4 députés, à savoir Nagib Mikati, Mohammad Safadi, Ahmed Karamé et Kassem Abdel Aziz) qui a fait pencher la balance en faveur de l’opposition.
En réaction à cette expression démocratique, des centaines de partisans du Courant du Futur ont pris d’assaut les rues de Beyrouth, puis Tripoli, Saïda et… dans le Chouf à l’Iklim el Kharroub, dans une tentative d’intimidation à l’encontre des Druzes. A cette heure, les routes étaient encore bloquées et les automobilistes pris à partie.
A Beyrouth, plusieurs rues étaient bloquées d’abord autour de Tariq Jdidé, le fief sunnite de Hariri dans la banlieue de Beyrouth. Entonnant des slogans communautaires qui rappellent la guerre civile, les partisans de Hariri se sont ensuite attaqués aux automobilistes qui empruntaient les rues menant vers les régions chrétiennes du Nord de Beyrouth, par des pneus brûlés et des voitures incendiées. L’armée libanaise est ainsi intervenue pour rouvrir l’autoroute à hauteur du Forum de Beyrouth, au Nord de Beyrouth.
Ces évènements inquiètent les autres communautés du pays et rappellent les exactions que les Salafistes et partisans de Hariri avaient commis le 5 février 2006 lorsqu’ils avaient détruits un quartier chrétien de Beyrouth (église saccagée, voitures incendiées, quartier sans dessus dessous), en réponse à une caricature danoise…
La police est « dépassée » par les évènements. Et c’est donc l’armée libanaise qui gère la sécurité des Libanais. L’armée a mis en garde les partisans de Hariri et leur a conseillé de mettre fin à leurs représailles.
Malgré cette insécurité, le président de l’ensemble des écoles catholiques, Marwan Tabet, a déclaré que les écoles catholiques du pays resteraient ouvertes ce mardi.
Bien que le poste de premier ministre soit réservé à un Sunnite, et bien que Saadeddine Hariri représente une majorité de sunnites libanais, ce poste ne lui est pas garanti puisqu’il doit faire l’objet d’un consensus national. Nagib Mikati est la personne la plus populaire du Nord, ayant récolté la majorité des votes sunnites de cette circonscription lors des dernières élections législatives en juin 2009. Sa légitimité ne peut donc être contestée. Cela dit, on ne peut s’empêcher de penser qu’aujourd’hui, Hariri récolte les fruits de sa politique de marginalisation des Chrétiens. En 2007, il avait mené campagne contre le candidat chrétien le plus représentatif de sa communauté, le général Michel Aoun, pour la présidence de la république, un poste réservé à un chrétien maronite. Aujourd’hui, sachant que le bloc du Changement et de la Réforme présidé par le général représente près de la moitié des députés (27) opposés à la candidature de Hariri, c’est en quelque sorte le revers de sa propre médaille que recueille Hariri.
Reste à savoir ce qu’il se passera face à cette politique d’intimidation que le clan Hariri vient de lancer? Nagib Mikati va-t-il pouvoir passer cette première épreuve? L’ex-opposition va-t-elle céder sous le chantage de la guerre que brande le camp du 14 mars?
Les Libanais ne demandent qu’une chose: la fin de cette mascarade et la formation la plus rapide d’un gouvernement d’union nationale.