Le fossé se creuse au Liban entre le camp du Premier ministre et le Hezbollah, le parti s’opposant au financement libanais du tribunal de l’ONU chargé d’enquêter sur le meurtre de Rafic Hariri, alors que Saad Hariri affirme qu’il refuse d' »oublier le sang » de son père.
Mercredi, un responsable Hezbollah, qui participe au gouvernement de M. Hariri, a affirmé à l’AFP que le parti chiite et ses alliés « (avaient) pris la décision de s’opposer à tout financement (libanais) du tribunal international ».
« Comment peut-on financer un tribunal qui est devenu un instrument israélo-américain et qui tente de provoquer une dissension dans le pays? », s’est interrogé Ghaleb Abou Zainab, membre du Conseil politique du Hezbollah, qui est soutenu par l’Iran et la Syrie.
Ses propos interviennent alors que le Premier ministre et fils de Rafic Hariri, Saad Hariri, a affirmé mercredi qu’il était « hors de question d’oublier le sang du martyr Rafic Hariri ».
« Les participants refusent tout compromis ou rétractation concernant le Tribunal », selon un communiqué publié par le mouvement du Premier ministre, qui est soutenu par Ryad et Washington.
Depuis quelques semaines, une crise politique se noue autour du tribunal spécial pour le Liban (TSL), créé par l’ONU en 2007 pour identifier et juger les assassins de l’ex-Premier ministre sunnite Rafic Hariri, tué dans un attentat à Beyrouth le 14 février 2005.
Le Hezbollah accuse le TSL d’être « à la solde d’Israël » et reproche à des proches de Saad Hariri d’avoir « fabriqué » des preuves pour impliquer Damas, ancienne puissance de tutelle, dans ce meurtre. De son côté, le camp de M. Hariri accuse le Hezbollah de vouloir « faire tomber le tribunal ».
Le « parti de Dieu » a dit en juillet qu’il s’attendait à ce que le TSL l’accuse d’implication dans l’assassinat, une éventualité non confirmée par le tribunal, basé près de La Haye (Pays Bas).
Cette possibilité fait craindre une crise comparable à celle qui a paralysé le pays de 2006 à 2008, également autour de la question du tribunal, et des violences entre des partisans du Hezbollah et de Saad Hariri semblables à celles qui ont fait une centaine de morts en mai 2008.
Un allié chrétien du Hezbollah, le député Sleimane Frangieh, avait averti récemment qu’un acte d’accusation mettant en cause le Hezbollah signifierait une guerre entre sunnites et chiites au Liban.
Le responsable des relations internationales au sein du Hezbollah, Ammar El Moussaoui, a qualifié mercredi l’acte d’accusation, dont la date de publication n’a pas encore été fixée, de « bombe à retardement ».
La Syrie, qui tente aux côtés de l’Arabie saoudite de calmer la tension dans le petit pays méditerranéen, a prévenu cette semaine des conséquences d’une mise en cause du Hezbollah.
« Nous sommes convaincus qu’une condamnation par le TSL du Hezbollah sera un facteur de troubles au Liban », a indiqué le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem, dans une interview au Wall Street Journal.
La tension est montée le 16 septembre, après que des députés du Hezbollah et leurs alliés ont refusé d’approuver une clause du budget 2010 sur le financement du tribunal, auquel Beyrouth participe à hauteur de 49%.
Bien que largement symbolique — le budget 2010 allant être prochainement ratifié au Parlement–, ce refus a été perçu comme une tentative de discréditer le TSL.
Mais lundi, le gouvernement d’union n’est pas parvenu à un accord sur la clause de financement du TSL pour le budget 2011, ce qui pourrait entraver l’approbation de ce budget en Conseil des ministres.
Si le Liban n’honore pas ses engagements, les pays donateurs couvriront les frais, selon la résolution de l’ONU qui a créé le TSL.