Par Marie-Josée Rizkallah – Libnanews
Le sort des Libanais, ou de leurs ancêtres phéniciens, au fil des siècles, a toujours été compromis à un assortiment d’imprécations variées. Il suffit de remonter au temps du prophète Moïse avec la malédiction de Canaan (1) et de relire un peu l’Histoire du pays des cèdres dans plusieurs ouvrages historiques de qualité si possible – à défaut d’un simple manuel d’histoire destiné aux écoliers dont la rédaction s’éternise en phase de gestation – pour comprendre ce triste fatum.
Dans la série des infortunes, la capitale semble subir actuellement la malédiction de Vénus. Ce suave prénom évoquerait pour la plupart la charmante déesse romaine de l’amour, dérivant de notre Ashtart locale. Cependant, détrompez-vous ! Vénus est le sobriquet que s’est attribuée une agence immobilière obstinée à saccager les vestiges d’une installation portuaire phénicienne constituée de deux cales sèches et de leurs rampes d’accès, remontant au Ve siècle av. J.-C.
L’absurdité et le drame de la situation actuelle ne peut qu’orienter les esprits, même les plus rationnels, à admettre tant bien que mal l’hypothèse de la fatalité. Comment peut-on expliquer le fait que plus de quatorze spécialistes locaux et internationaux dans le domaine de l’archéologie attestent la découverte d’infrastructures navales phéniciennes uniques en leur genre sur le terrain 1398 de Minet El-Hosn, et que ces vestiges finiraient par être détruits pour l’érection abjecte de trois tours résidentielles insignifiantes, en dépit des rapports scientifiques et de trois propositions peu coûteuses suggérées par le ministre de la Culture précédent, M. Salim Wardi, et qui ajouteraient une plus-value au projet : désaxer une des tours, la déplacer, ou incorporer les vestiges au sous-sol et au rez-de-chaussée de cette tour ? Sans oublier le fait que le ministère de la Culture en cours semble être aux abonnés absents dans cette affaire, du moins face à l’opinion publique.
Ce silence de marbre de la part des autorités actuelles, présage vraisemblablement une issue funèbre à ce port. Le scénario saugrenu proposé par VRE avec le débarquement du nouveau ministre M. Gaby Layoun en juin 2011 risquerait fort de se produire dans les prochains jours. À savoir, la proposition de « conservation » du site en procédant à son démantèlement en blocs de 5 et 8 tonnes pour faciliter leur transfert vers les espaces verts du projet (2). Comment « conserver » ce qui est taillé dans le roc ? Comment déplacer ces cales de 30m de long et 4m de large ? Leur solution « scientifique » proposée est de sectionner et scier ces cales-sèches en tranches parallèles, qui seraient elles-mêmes sciées en 3 morceaux, ce qui représenterait un pur sabotage qui occasionnerait des coûts exorbitants, alors que la solution est simple : désaxer une tour et conserver ce port in-situ. Ce que Vénus semble réfuter catégoriquement, ce qui est d’autant plus aberrant.
Depuis la conception du projet Vénus et la découverte de ces cales de radoubes antiques, il a été convenu de préserver sur place ce port unique au Levant, qui avait été classé par le ministre M. Salim Wardy en avril 2011. Mais sur le terrain, les démolitions quasi quotidiennes des bâtiments et sites classés prouvent que les autorités libanaises sont passées maîtres en matière de déclassement de sites historiques, et ce ne sont pas les preuves qui manquent (3).
Pourquoi remettre en cause une décision déjà prise de classement du port phénicien ? Les avis des archéologues internationaux tel Marguerite Yon, Jean-Yves Empereur, Kaliopi Baika, David Blackman, et Anna-Maria Busilla, ainsi que des spécialistes locaux tels Martine Francis Allouche, Hicham Sayegh, Anis Chaaya, Jeanine Abdelmassih, Eric Gotwalles, Laure Salloum, Leila Badre et Nadine Panayot Haroune compteraient pour des prunes ?
Dans un article fraîchement publié sur le quotidien électronique elnashra, l’ancien ministre de la culture estime que le nombre conséquent des professionnels pour la sauvegarde du port in-situ ferait largement pencher la balance de leur côté, face à la voix de Hans Curvers, l’archéologue qui travaille pour le compte de Lire le reste de cette entrée »
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