Le zajal, forme de joute oratoire populaire en arabe dialectal qui a connu son âge d’or au Liban avant la guerre civile (1975-1990), est l’objet d’un nouvel engouement dans le pays, avec quelques milliers de fans sur Facebook et YouTube.
Le zajal, « l’art d’émouvoir avec la voix », pouvait attirer avant la guerre plus de 30.000 personnes par soirée, et ses pratiquants, les zajalistes, étaient élevés au rang de poètes. Mais au fil des ans, il est tombé en désuétude, et son public s’est réduit à une poignée de nostalgiques.
« Cet art était en perte de vitesse, avec peu d’admirateurs parmi la jeune génération », affirme Ziad Abi Chaker, un passionné du zajal qui veut mettre en ligne la plus grande collection d’archives télévisées pour « préserver ce bel héritage ».
Présent également sous d’autres formes dans le patrimoine syrien, égyptien, palestinien, jordanien mais aussi émirati et saoudien, c’est le zajal libanais qui était le plus en vogue au XXe siècle, avec des thèmes centrés sur la patrie et la femme.
Se lançant mutuellement des défis syntaxiques ponctués par des instruments à percussion traditionnels tels que les tambourins, cymbalettes ou dérbaké (tambour arabe), les zajalistes bombardent le public de vers improvisés ou appris par coeur, tantôt grivois, tantôt à connotation politique et religieuse.
« A la nuit tombée/à l’insu des parents, je m’approche ivre de ma bien-aimée/j’embrasse ses lèvres enflammées/puisse-t-elle réchauffer mes lèvres gelées! », scande ainsi Joseph el Hachem, connu sous le pseudonyme de « Rossignol du Damour », du nom d’une localité au sud de Beyrouth.
Aujourd’hui âgé de 80 ans, il continue de participer à des soirées.
« Impie, je le suis à l’infini/ du système et des chaînes je me suis affranchi/ ma religion est celle-ci/ la religion de la raison et de la vie », clame un poème de Khalil Roukoz, connu pour son audace qui choquait les autorités religieuses du pays durant la période de l’avant-guerre.
Le réseau social Facebook compte désormais plusieurs pages consacrées au zajal, où les amateurs expriment toute leur admiration.
Depuis quelques temps, les annonces publicitaires pour des spectacles se font plus nombreuses. Si les joutes se tenaient jadis dans des théâtres, la mode d’aujourd’hui est plus « festive » et le billet comprend un menu alléchant.
Au rythme des quatrains, on déguste des mezzés (assortiment de petits plats), le tout arrosé d’arak (jus de raisin distillé en eau-de-vie), avant d’applaudir ou de répéter en cadence le dernier vers énoncé par le zajaliste, à l’instar des chanteurs qui l’accompagnent sur scène.
Ce renouveau est notamment dû à une émission de télévision locale, une sorte de Lire le reste de cette entrée »