Entretien du Général AOUN: « une loi pour défendre les droits et non pour la division »
Posted by jeunempl sur février 24, 2013
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), le Général Michel Aoun, a affirmé vendredi soir que la loi du Rassemblement orthodoxe va mener à l’unité du Liban. « Les chrétiens sont ‘colonisés’ depuis 1989 et aujourd’hui, ils réclament leur indépendance », a dit M. Aoun dans une entrevue avec la chaîne al-Manar.
« Je suis laïc de la tête aux pieds, a-t-il assuré. Les objectifs que je veux atteindre à travers cette loi ne peuvent pas être considérés comme étant discriminatoires d’un point de vue confessionnel ». « J’insiste pour que les chrétiens soient représentés avec 64 députés au Parlement, je ne vais pas me contenter de moins que cela », a-t-il encore ajouté.
Commentant les critiques formulées par le Courant du Futur qui ont qualifié la loi comme étant un « cadeau offert à l’ennemi israélien », M. Aoun a dénoncé un « chantage politique ». « Ces remarques sont absurdes et désolantes », a-t-il dit.
« Ceux qui refusent la loi orthodoxe sont corrompus parce qu’ils sont en train d’ignorer les droits d’une catégorie de Libanais », a encore ajouté M. Aoun.
Le Général a cependant proposé une alternative à la loi orthodoxe, celle proposée au tout début par son bloc, à savoir le Liban une seule circonscription et le vote sur la base de la proportionnelle. Pour le Général, c’est la preuve que son action n’est pas motivée par des raisons confessionnelles mais pour rétablir un équilibre véritable tel que prévu par la constitution libanaise. Par ailleurs, cette proposition alternative est la meilleure pour faire abstraction totale de tout communautarisme et tout confessionnalisme. « Nous sommes prêts à nous mettre d’accord avec tous les autres et nous souhaitons cet accord, mais il ne sera pas au dépend des droits ».
Le Général de rajouter « depuis 1989, l’accord de Taef a donné aux chrétiens 64 députés. Depuis cette date, jamais les chrétiens n’ont pu élire la totalité de leurs députés et il est temps qu’ils puissent le faire».
Le Général a confirmé que cette action n’est pas une manœuvre. Il avait d’ailleurs prévenu tous les acteurs depuis le 12 aout dernier lors d’une intervention à Beyrouth en précisant que s’ils refusaient les autres propositions (une seule circonscription ou des circonscriptions moyennes avec la proportionnelle), il ne restera que la loi du « Rassemblement Orthodoxe » à défendre.
« Je n’ai pas l’esprit de concessions, mais de défense des droits. Toute concession va se faire au dépend des droits de la communauté chrétienne ». Le Général a lancé l’idée de faire les élections sur la base de la loi « orthodoxe » pour une fois et l’assemblée qui sera élue sera considérée comme constituante. Elle pourra mettre en place les bases futures de l’état comme le souhaite les libanais.
Le Général Aoun a précisé que ses critiques vont contre le Courant du Futur et Joumblat, mais jamais contre les sunnites et les druzes.
Le Général a confirmé qu’il avait soutenu la loi dite « de 1960 » pour les élections précédentes afin d’annuler la loi qui était en cours, celle de Ghazi Kanaan, la pire qu’a pu connaître le Liban. Avec la loi « 1960 », 23 sièges de députés ont été libérés. « Maintenant, nous continuons le travail pour libérer le reste ».
Il a également accusé le chef de l’État Michel Sleiman d’engager une « pression préventive » sur le Conseil constitutionnel afin qu’il invalide le projet de loi qui a été approuvé par plusieurs partis chrétiens, dont les Kataëb, les Forces libanaises, le CPL, ainsi que par le Hezbollah. « Le président doit rester neutre », a-t-il assuré, tout en appelant le président à ne pas user de son influence pour faire échouer la loi du Rassemblement orthodoxe.
Le Général a répondu à la question concernant son éventuelle candidature aux prochaines élections présidentielles libanaises en disant : « Cette maison où j’habite me suffit. A chacun un rôle et un statut. Si le statut aide le rôle, pourquoi pas. Mais dans mon cas, j’ai un rôle que j’assume et qui m’éloigne du statut évoqué selon la conception politique libanaise ». « La priorité pour moi reste le changement et la réforme. Etant à la tête d’un grand bloc parlementaire et au sein d’une coalition majoritaire, je pourrai mieux assumer cette tâche et mettre en exécution ce que je promets aux citoyens ».
Le Général a confirmé qu’il était rassuré de la position de ses alliés avec lui, refusant de commenter les rapports internes entre les composantes du « 14 mars » et le pronostic sur son avenir.
Michel Aoun a précisé que son alliance avec le Hezbollah n’a pas de limite dans le temps, surtout que la situation au sud du Liban et avec Israël n’a pas changé et que les deux parties sont sur la même longueur d’onde concernant la lutte contre la corruption. « Nous avons parfois des différends sur les priorités tellement les problèmes sont nombreux, mais nos actions se complètent. »
Le Général a réitéré son refus à proroger le mandat du parlement. « Selon l’étude du Pr. Drago, en cas de fin de mandat du parlement, le gouvernement pourra assumer le pouvoir législatif le temps de faire les élections, ce qui évite la vacance du pouvoir ». Et de préciser « je suis pour le respect strict des durées des mandats, que ça soit du parlement, des chefs des services militaires (armée, FSI) ou de la présidence de la république ».
« Je refuse le chantage. Le Droit et le crime sont devenus au Liban des points de vue. Il faut commencer par respecter les textes ».
Le Général est revenu sur le livre édité par le Bloc du Changement et de la Réforme « Le Quitus Impossible » qui répertorie les malversations et les détournements de fonds de la part des anciens gouvernements. Face aux menaces, il a redit qu’il incite ses détracteurs à éplucher tous les comptes de l’état, y compris sous sa présidence du gouvernement. « Ils ont d’ailleurs épluché tous mes papiers et mis la main sur tous mes comptes. Depuis le temps, s’il y avait une aberration, ils n’auraient jamais hésité à la mettre en avant ». « Ce livre doit être pris en compte par la justice comme information et des mesures doivent être prises ». « La lutte contre la corruption commence par le haut de l’immeuble et non par le bas ».
En réponse à l’interrogation du journaliste, le Général précise « Je m’appelle Michel Aoun et je ne suis pas comme les autres hommes politiques qui ont laissé le Liban atteindre ce stade de décomposition et de corruption. Je continuerai ma lutte jusqu’au bout. Je ne sers pas le pays pour vivre ou pour faire fortune. Même cette maison ne m’appartient pas ». Il a mis au défi tous ses détracteurs d’apporter des preuves sur de supposées corruptions touchant les ministres de son bloc.
Concernant les supposées attaques de l’Armée syrienne libre contre le Hezbollah, le Général a considéré que ce n’étaient que des allégations non fondées puisque nous n’avons vu aucune image ni aucune trace de ces attaques.
Le Général est revenu sur l’attaque contre l’armée perpétrée à Ersal. Il a réitéré sa demande à l’état de prendre ses responsabilités pour assurer la sécurité dans cette région. « Le vide crée le chaos qui appelle le crime ».
Par ailleurs, le Général a revalorisé la visite du Cardinal Raï à Damas qui était de très haute importance pour les chrétiens d’Orient, notamment les maronites de l’évêché de Damas qui dépendent de Bkerké et qui n’ont pas été visités depuis 70 ans. « L’aura de cette visite peut dépasser le cadre pastoral mais ce n’est pas la faute du patriarche ».
Il a rappelé sa propre visite à Damas et ses pèlerinages à Brad, réfutant les accusations de chercher à créer l’alliance des minorités. « Ces minorités sont en état de se défendre et non en phase de former des alliances ».
En synthèse, le général a souhaité rappeler qu’il soutenait la loi électorale basée sur la proportionnelle, soit pour tous les libanais ensemble (une seule circonscription) soit pour chaque communauté seule.
Le journaliste a résumé cet entretien par trois positions clés énoncées par le Général :
1. Concernant la loi électorale : soit une loi transcommunautaire (celle du Liban en une seule circonscription sur la base de la proportionnelle), soit la loi du « rassemblement orthodoxe. Et le journaliste de préciser : « Vous mettez au défi tous vos détracteurs d’accepter la première s’ils sont vraiment contre le vote communautaire ».
2. Vous êtes contre toute prorogation de mandats et pour le respect des délais constitutionnels.
3. Vous demandez au président de la république de ne pas exercer des pressions sur le conseil constitutionnel et de ne plus afficher ses positions préalables concernant la loi électorale.
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