Mot de S.E. le Ministre Gebran Bassil à la conférence de presse du Club de la Presse Arabe
Posted by jeunempl sur novembre 26, 2012
Notre rencontre aujourd’hui coïncide avec le 69eme anniversaire de l’Indépendance du Liban.
Une indépendance ternie chaque jour par les agressions d’Israël qui, à travers son histoire, a toujours résolu ses problèmes en recourant à la logique de la force, mais qui a été vaincue dernièrement par la logique des droits défendus par les résistants du Liban et de Gaza.
Une indépendance qui est une valeur nationale plus difficile à préserver qu’à récupérer dans un pays où la classe politique est toujours prête à la marchander, comme il s’est avéré, encore une fois, pendant la crise actuelle en Syrie où les ingérences de certains Libanais risquent de justifier plus tard des ingérences syriennes et de menacer, par conséquent, cette indépendance ; ces ingérences renforcent les alibis de « ventre mou » et de « passage de complots » invoqués par la Syrie durant son hégémonie sur le Liban tandis que nous militerons toujours pour que le Liban constitue la « colonne dure » de la région et sa « barrière protectrice ».
Une indépendance d’un pays menacé par la montée d’un intégrisme dans une région riche en sa diversité dont l’élimination ne sera certainement pas sans conséquence fatale sur le monde entier et, en particulier, sur l’Europe et la France.
Mesdames et Messieurs,
Le soi-disant « Printemps Arabe » s’est révélé être un hiver glacial et une plongée dans l’ère des ténèbres. Ainsi, des dictatures sont remplacées par des gouvernements islamistes extrémistes et les mouvements inspirés par Al-Qaeda sont en plein essor. Les conséquences n’ont pas tardé à apparaitre : les propositions de législations islamistes en Egypte, du type application de la Charia ; la prohibition de certaines manifestations et activités artistiques et culturelles dans le Maghreb, l’apparition d’un fanatisme religieux tout-à-fait étranger au Liban et à sa société multiconfessionnelle et, enfin, les attaques terroristes, même contre les pays « parrains », qui nous font penser à une récidive façon Ben Laden.
Ceci dit, les expressions de surprise et de regret ne suffisent plus ; ce qui est exigé aujourd’hui c’est de changer les politiques occidentales qui nous menacent tous. Les manœuvres superficielles cherchant à absorber les radicaux dans des encadrements politiques larges et de les reconnaître afin de les apaiser ne résolvent pas le fond du problème mais l’accentuent.
Mesdames et Messieurs,
Dieu nous a offert le Levant. Un bassin plus humain que géographique ; ce Levant, englobant toutes les religions monolithiques bien qu’ayant donné naissance au Christianisme, se trouve aujourd’hui dépourvu de ses Chrétiens. Benoit XVI a précisé que « le Moyen-Orient sans Chrétiens, même avec peu de Chrétiens, n’est plus le Moyen-Orient ».
En effet, notre démographie a dramatiquement chuté durant les cinquante dernières années ; de 20% à 8% au Levant, et à moins de 4% au Moyen-Orient en général; de 53% à Jérusalem en 1922 à 2% aujourd’hui ; de 85% à Bethlehem en 1948 à moins de 12% actuellement.
Ceci n’est pas dû à un crash financier, non plus à un tsunami géant ou à l’impact d’un astéroïde qui nous a décimé!
La cause la plus pesante, c’est la politique de l’Occident qui a privilégié deux « axes d’intérêts »:
1. La sécurité d’Israël aux dépens des droits des peuples de la région.
2. La sécurité de l’approvisionnement du pétrole du Golfe, au prix du soutien des régimes autocratiques, parrains mêmes des mouvements takfiris.
Mesdames et Messieurs,
Face à cette triste réalité, et grâce à Dieu, dans son immense générosité, le Bassin du Levant nous octroie une nouvelle caractéristique, cette fois géologique, où il englobe des réserves gazières suffisantes pour changer la donne et offrir au monde une autre alternative, cette fois pétrolière, outre ses alternatives humaines longtemps ignorées, ce qui nous permet d’avancer une nouvelle vérité :
Le Liban promet des ressources hydrocarbures considérables dans le bassin méditerranéen et celles-ci se trouvent aux portes de l’Europe et de l’Asie. Ainsi, il pourra assurer l’approvisionnement gazier aux pays amis pour des décennies à venir sans les forcer à compromettre les valeurs humaines contre des valeurs matérielles, tels plusieurs cas dans notre région.
Cette nouvelle vérité, adjointe à d’autres facteurs de force accaparés par le Liban grâce a sa résistance, nous permet aussi de proposer la formule suivante:
• Nul ne peut garantir la sécurité d’un état, notamment Israël, lorsque son entourage plonge dans l’insécurité et la violence.
• Nul ne peut maintenir la prospérité économique d’un Etat, notamment Israël, lorsque son voisinage souffre de récession et de pauvreté.
Cette nouvelle donne, on veut l’investir positivement, c’est-à-dire s’en servir comme un facteur de stabilité pour le bassin entier et non une cause de conflits. Ainsi, il serait impensable qu’un pays jouisse de ses ressources tout en privant ses voisins des leurs, et il serait interdit d’interdire de tels profits. Donc tout le monde va en profiter.
Mesdames et Messieurs,
Cela étant dit, je prends l’occasion de détailler un peu plus la situation pétrolière au Liban et du progrès fait depuis notre avènement au ministère de l’Energie et de l’Eau.
Le Liban a toujours été un pays importateur de pétrole et sa facture énergétique s’élève a plus de 15% du PIB. Les routes maritimes à l’ouest et les oléoducs à l’est ont assuré notre ravitaillement en temps de paix et ont menacé notre sécurité énergétique en temps de crise. Ce qui nous a placé dans une grave incertitude énergétique provenant de notre dépendance totale. En conséquence, notre emplacement stratégique sur l’Est du bassin méditerranéen, nous a été une malédiction en l’absence d’une stratégie énergétique nationale. Afin d’en faire une bénédiction, notre nouvelle stratégie se base sur l’indépendance, la sécurité des ressources et la diversité des sources. Notre objectif est celui de toute autre nation sur terre : assurer notre autonomie énergétique et éviter les mauvaises répercussions des crises régionales et mondiales.
Dans cette optique, nous avons travaillé sur trois voies parallèles mais complémentaires, notamment :
I- L’exploration et l’exploitation de nos ressources pétrolières : Nous avons passé « la loi du pétrole » en aout 2010, et nous avons approuvé les Réglementations des activités Pétrolières dans les eaux maritimes libanaises en janvier 2012. Entre les deux, nous nous sommes mis à former nos cadres, nous avons préparé les règlements administratifs et organisationnels ainsi que les contrats-modèles, la délimitation des blocks maritimes et l’évaluation environnementale stratégique.
Notre dernier accomplissement fut la nomination du Conseil d’Administration du Pétrole, un passage obligatoire pour le lancement du premier tour d’appel d’offres qui se fera prochainement pour l’octroi des licences.
Le Liban est l’un des rares pays qui a couvert la totalité de ses eaux maritimes par des sondages géo-séismiques 2D et 3D. L’interprétation des données nous permet d’affirmer un ratio de succès des forages de 25%, ce qui fait raccourcir la phase d’exploration et accélérer les pas vers les premières découvertes. Nous avons de même lancé récemment l’acquisition de données géophysiques du sol libanais avec des compagnies européennes aussi.
Des dizaines de compagnies pétrolières internationales, et surtout européennes, ont acheté les données géophysiques pour un montant excédant 100 millions de dollars jusqu’à maintenant.
II- Le Gazoduc de distribution et le terminal de GNL : Nous avons achevé l’étude du gazoduc côtier qui devra relier nos centrales électriques, nos usines et nos villes principales au gazoduc arabe (AGP) et par la suite au réseau gazier Eurasiatique.
Nous avons également terminé l’étude de faisabilité du terminal de regazéifications du GNL sur la côte libanaise, et avec succès, nous avons achevé l’expression d’intérêt de cette station flottante suite à laquelle nous lancerons prochainement les appels d’offres et les négociations pour l’approvisionnement en GNL.
III- La réhabilitation et la valorisation de nos installations pétrolières : Nous avons achevé l’étude de réhabilitation des installations de stockage des produits pétroliers et, nous avons reçu les expressions d’intérêt des plus grandes compagnies internationales pour y investir dans l’exploitation. Il est aussi important de signaler que le ministère a reçu quelques demandes pour la réhabilitation et l’exploitation des raffineries qu’il est entrain d’évaluer. Ces projets feront du Liban un hub pétrolier sur la Méditerranée.
Mesdames et Messieurs,
A part cette caractéristique matérielle, mon pays, le Liban, présente un modèle humain unique au monde. Il pourrait être le point de collision de deux cultures : une, pluraliste qui reconnait le droit à la différence et une, suppressive qui refuse l’Autre culturel et religieux, l’Autre social et moral, l’Autre en fond et en forme. Comme il pourrait être le point de rencontre de ces deux cultures promouvant ainsi le dialogue, la coexistence et la paix.
Dans notre modèle, les chrétiens ne sont pas les descendants des rescapés des croisades ; ils sont les premiers chrétiens baptisés par les apôtres eux-mêmes, les premiers messagers du Christ et, les premiers fondateurs de la civilisation chrétienne. Dans notre modèle, les musulmans ne sont pas les descendants des rescapés des vagues d’invasions mamelouk, ottomane et autres régimes obscurantistes ; ils descendent des prophètes, ce sont des gens de paix et de miséricorde.
Nous avons averti, sans résultat, à plusieurs reprises de la gravité de la situation. Nous sacrifions notre « bien-être » et notre capacité d’adaptation et d’intégration dans les sociétés occidentales afin de promouvoir et de défendre un modèle universel en Orient. Cette défense ne concerne pas seulement les chrétiens dans leur existence au Moyen-Orient mais elle touche plutôt toutes les religions dans la région, voire dans le monde entier. Hélas, le monde n’a pas pu comprendre l’importance de ce modèle malgré les évènements du 11 Septembre et les attaques terroristes à Paris ou à Londres.
Oui, nous avons averti à maintes reprises :
En 1989, le General Aoun écrivit au Président Mitterrand : « …je crois que la confrontation entre l’occident et les islamistes sera sans aucun doute l’un des problèmes les plus importants à la fin de ce siècle… »
En 1995, dans sa lettre adressée aux dirigeants du monde, le General écrit une fois de plus, (et je cite) « … l’extrémisme religieux pourra plonger toute une civilisation dans les ténèbres… personne ne sera à l’abri de la violence que génèrera l’explosion des sentiments raciaux et fondamentalistes, aucune limite ou frontière ne pourra les contenir… Ces crimes pourront atteindre les gens-mêmes qui les ont laissé se développer… »
En 2010, dans sa lettre au synode, le General demande d’imaginer un Moyen-Orient sans ses chrétiens : « … C’est Alors que le Mal prévaudra dans le monde et annulera l’effet de la résurrection et, le monde ira à un massacre sans précédent… »
Mesdames et Messieurs,
Si cette vague de haine n’est pas contenue chez nous, elle ne tardera pas à atteindre vos côtes. Nul ne sera à l’abri ! Si le Liban tombe, la chrétienté tombe, les valeurs humaines tombent et le monde, que l’on voudrait diversifié, tombe. Les chrétiens de l’Orient sont stupéfaits des politiques adoptées par l’Occident ne faisant qu’empirer une situation qui a déjà englouti les Terres Saintes, l’Iraq, l’Egypte, maintenant la Syrie et, à Dieu ne plaise, le Liban.
Agir et agir à temps ! Un cri qu’on lance aux musulmans d’Orient et aux chrétiens d’Occident. Le bon modèle est toujours là, gardez-le vivant !
Merci Mesdames et Messieurs.
Gebran Bassil
Ministre de l’Energie et de l’Eau du Liban
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