Le voyage du Pape au Liban
Posted by jeunempl sur août 26, 2012
Le successeur de Saint Pierre ne sera-t-il pas chez lui, lors de son séjour au Liban, où il se rendra à Beyrouth, dans cette échelle du Levant, non loin de la Galilée natale du père des pontifes ?
On ne saura sans doute pas si cela a été décisif dans l’initiative de Benoit XVI de se rendre au Liban pour clore symboliquement le synode sur le Moyen Orient, mais il a choisi d’aller à Beyrouth au détriment du Caire, de Damas et de Bagdad. Au détriment encore de Ryad dont le roi a été reçu, pour la première fois dans l’histoire de l’Arabie Saoudite, au Saint Siège, le 6 novembre 2007.
C’est donc à Beyrouth que le Pape s’adressera non seulement aux libanais, mais encore à tous les arabes et à l’ensemble des peuples du Moyen Orient, de l’Atlantique jusqu’à la vallée de l’Indus. Et il espère que son message sera entendu de tous, sans distinction de religion. Le Pape compte même s’adresser personnellement aux musulmans, pour leurs délivrer un message de paix, qui devrait faire taire bien des gens malintentionnés, qui souhaiteraient susciter la discorde entre les musulmans et le Saint Père, comme en attestent les dernières rumeurs prétendant qu’il serait antisémite, quand il ne serait pas islamophobe.
Cette visite, à laquelle le Vatican travaille consciencieusement, pourrait mettre fin au quiproquo qui entoure le Pape chez les musulmans, et permettre au dialogue avec Al Azhar de reprendre sérieusement, ce qui aurait des effets sensibles sur le sort des chrétiens d’Orient, soient arabes, perses, berbères, turcs ou qu’ils vivent dans les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Espérons en ce sens qu’une rencontre entre le pape et le mufti du Liban sera à l’ordre du jour, car il s’agit du chef musulman le plus à même d’agir dans le sens de la reprise du dialogue que le Vatican et Al Azhar ont conduit depuis de nombreuses années, et qui a été suspendu par l’université sunnite en novembre 2011, suite aux déclarations du Pape, après les attentats dont les coptes ont été victimes le même mois.
La reprise de ce dialogue aurait, en effet, pour conséquence de freiner les effets de la montée du wahabo-salafisme au sein des sociétés du Moyen Orient, puisque cela obligerait les deux parties à plus de bienveillance l’une envers l’autre. Cela signifie en clair que les récents régimes arabes seraient surveillés de plus près et qu’ils auraient ainsi toujours plus de pression, non seulement de la part du Vatican, mais encore de celle des autorités musulmanes historiques, et probablement de l’Arabie Saoudite, qui est certes wahabite, mais qui est très engagée dans le dialogue inter-religieux, dont elle est à l’origine, et qui pourrait vouloir dépasser le wahabisme dans la décennie qui a commencé, car, si cette doctrine a permis la fondation du Royaume, elle menace aujourd’hui son avenir, au regard des attentats revendiqués par des groupes salafistes, dont le pays a été victime.
Cela pourrait également avoir des conséquences sur la politique étrangère du Vatican, qui, si elle a toujours été décidée dans l’avantage des arabes, n’en est pas moins devenue timide à l’endroit
d’Israël, que le Saint Siège ne reconnaissait pas jusqu’en 1993. Des récents accords avec l’Etat hébreu ayant trait à Jérusalem Est firent craindre, en effet, que le Vatican ne reconnaisse la ville
trois fois sainte comme la capitale d’Israël. Les arabes pourraient donc réclamer plus de fermeté de la part du Saint Siège à l’endroit de l’Etat hébreu et cela pourrait aboutir, in fine, au soutien plus affirmé du Vatican à l’adhésion à l’ONU de l’Etat palestinien. Et le Pape pourrait même être tenu de prononcer une diatribe à l’encontre d’Israël, dans le cas d’une reprise des violences entre le Hamas et l’Etat hébreu.
Mais on attend davantage de cette visite que le Pape réagisse aux printemps arabes, et qu’il se positionne sans ambiguïté, afin que les arabes chrétiens puissent jouer un vrai rôle dans l’avenir du monde arabe, alors qu’ils se cantonnaient jusqu’à aujourd’hui à une neutralité de façade. Il est important que les arabes chrétiens prennent position sur ce qui se passe dans leurs pays, et quelle que soit leur position. Sinon ils risquent de se mettre excessivement en retrait de la vie politique arabe et de s’exclure, ipso facto, de la communauté politique arabe, quand leur appartenance à cette communauté est déjà discutée. L’enjeu de cette visite est donc l’avenir des arabes chrétiens dans la communauté politique arabe. Pourront-ils continuer de s’en réclamer ? Ce qui signifie qu’il faudrait qu’ils participent pleinement à la vie politique arabe. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Où n’y ont-ils plus leur place ? Ils seraient, dans ce cas, condamnés à l’exode, ce qui entrainerait, et ce n’est ici que le premier niveau du problème, la perdition de leur communauté, car c’est leur identité qui serait mise en jeu, dont ils ne pourraient pas assurer la pleine continuité en Occident, où ils auraient alors trouvé refuge. Mais c’est surtout le christianisme qui plierait bagage de cette région où il est pourtant né. Et ce serait, in fine, et nous arrivons là au niveau le plus inquiétant du problème, le monde arabe qui en pâtirait le plus, car il perdrait toute sa diversité, qui repose essentiellement sur ses communautés chrétiennes, qui entretenaient une tension positive, une émulation avec l’Islam sunnite, majoritaire chez les arabes. C’est une émulation grâce à laquelle les deux religions ont grandi au cours de l’Histoire. L’une ayant donné naissance au plus grand empire de l’Histoire grâce au savoir des chrétiens qui habitaient sur ses terres, l’autre ayant connu la Renaissance grâce aux lumières de la première. L’exode des arabes chrétiens mettrait le monde arabe face à une situation nouvelle, qui est celle de l’exclusivité culturelle, avec un islam sunnite en monologue. Cela engendrerait forcément la mort de la civilisation arabe, qu’Adonis a déjà proclamé. Tout au moins, cela déboucherait sur un coma mortel de cette civilisation millénaire. Car nous observerions, avec l’exode des arabes chrétiens, un Orient en une irréversible décadence, puisqu’il faudrait, pour le renouveler, réformer l’Islam sunnite, et que cela serait difficile, pour avoir la décence de l’euphémisme, dans la mesure où cette croyance, quand elle n’entretient pas de tensions avec une autre religion, a tendance à refuser tout débat en son sein, puisque sa doctrine veut que le Coran soit incréé, c’est à dire qu’il soit l’exacte parole de Dieu, laquelle refuse naturellement toute exégèse critique, mais encore tout métaphorisme, ce qui la condamne à une lecture littérale ad vitam aeternam, alors que le progrès nous obligerait à dépasser le littéralisme, si l’on veut que le Texte soit universel et intemporel. La Raison n’a donc que peu de place dans l’Islam sunnite, et lorsqu’il n’est pas en concurrence avec une autre religion, qui l’interroge, son extrême dogmatisme freine le processus de civilisation et de progrès dans les lieux où il s’est établi, et a même tendance à provoquer une régression culturelle. Un monde arabe avec seulement l’Islam sunnite provoquerait donc son irréversible décadence. L’unique salut que l’on peut espérer ne pourrait ainsi venir que de la diaspora arabe de confession sunnite, qui en perpétuel dialogue avec le christianisme et sur les lieux dits de l’émulation intellectuelle, donc du progrès, serait en mesure de donner un nouveau souffle à l’Islam sunnite et d’en faire profiter sa terre d’origine, dont la civilisation pourrait alors renaitre. Mais après combien de temps et surtout après combien d’humiliations ? Il est cependant nécessaire d’ajouter une correction : tout l’Orient ne se trouverait pas dans une irréversible décadence. Il y aurait encore l’Iran, qui n’a jamais été en décadence grâce à sa religion, l’Islam chiite, qui tient l’intellect humain, lequel a une connaissance intuitive du Bien et Mal, en dehors de celle de la Révélation et de la Tradition, comme une des sources de sa jurisprudence et estime encore que la lecture du Coran doit être une lecture métaphorique, puisque, selon sa doctrine, le travail d’ijtihad doit être entretenu à chaque époque, et que l’interprétation d’un savant contemporain a donc autant d’autorité que celle des premières communautés musulmanes. Mais l’Iran est cette ennemie mortelle des arabes, du monde sémitique. Sa langue est même indo-européenne. Et les Perses avaient un esprit fort différent de celui des habitants du Croissant Fertile. Peut-on, donc, considérer que l’Iran soit oriental ? Cela reste une question ouverte. On peut dire la même chose de la Turquie, qui, de toute façon, souhaite clairement, s’intégrer à l’Europe, donc à l’Occident. Et quand bien même ces deux pays seraient orientaux, nous aurions au mieux un Orient divisé entre l’Ouest arabe et l’Est perse et turc, comme l’était autrefois l’Empire Romain, avec un ouest en perdition et un est triomphant, qui a, tout de même, fini par tomber. Car il n’était finalement que le poumon droit d’un corps qui se mourrait de son poumon gauche.
Le monde arabe aussi a deux poumons, et les chrétiens en sont un. Mais c’en est un de deux corps. Et c’est peut être cela le principal problème qui se pose aujourd’hui aux arabes chrétiens. Peuvent-ils être arabes tout en dépendant de Rome ? La visite du Pape au Liban est révélatrice de cela. Les arabes chrétiens se sentent devoir attendre l’aval du Pape pour agir. Or le Pape est un étranger pour la communauté politique arabe. Il représente même symboliquement l’Occident. Chacun sait que le Saint Père siège à Rome, le foyer de l’Occident, et que l’Eglise catholique apostolique se dit romaine, ce qui montre qu’elle n’est autre qu’une Église occidentale. Il est toutefois nécessaire de nuancer l’étendue du problème, que nous souhaitons pointer, car il ne concerne originellement que les arabes catholiques, mais dans le contexte du choc des religions, il s’est étendu à l’ensemble des arabes chrétiens, qui sont tentés de se rapprocher de Rome. Or en agissant sur les ordres du Pape, ils se font les agents du symbole le plus fort de l’Occident, et se rendent ainsi suspects aux yeux de leurs confrères musulmans, qui ne peuvent que finir par les rejeter, car un conflit d’intérêts est vite arrivé entre deux ennemis (Rome et le monde arabe), qui ne portent pas leur nom. Il est ainsi peut être nécessaire de rendre sa force au christianisme arabe, en soutenant l’indépendance administrative de toutes les Eglises orientales dépendant d’une autorité étrangère au monde arabe. Il serait également judicieux de penser l’union de tous les chrétiens d’Orient sous la bannière du catholicisme, comme cela a tendance à se faire, mais sous l’autorité administrative d’un patriarche arabe, et pas du Pape. C’est le seul moyen de permettre aux arabes chrétiens de pouvoir se vouloir être pleinement de la communauté politique arabe et de garantir, ipso facto, leur présence ad vitam aeternam dans leur patrie qu’est le monde arabe.
Le dernier point de cette visite du Pape au Liban, qui est certainement le plus important, est, si elle précède la reprise du dialogue entre le Vatican et Al Azhar, qu’elle pourrait amorcer un dialogue au sein même de l’Islam sunnite, qui pourrait aboutir sur une réforme comme celle qu’a connu le catholicisme avec le concile Vatican II suite au siècle des Lumières en Europe. Cette réforme a été, d’une certaine manière, amorcée par une lettre ouverte de 22 personnalités musulmanes, dont l’ancien mufti d’Egypte, datant du 24 janvier 2011, présentant un programme de renouvellement de l’Islam en 22 points, dont deux points sont importants pour les arabes chrétiens. Il s’agit des points 6 et 8 :
6. Expliquer le concept musulman de Djihad (la guerre intérieure et extérieure) et clarifier les normes et obligations qui la régissent.
8. Séparer la religion et l’Etat.
Ils pourraient, en effet, mettre fin à la persécution des arabes chrétiens par leurs confrères musulmans, qui luttent, dans le droit fil du Djihad, pour les chasser de leurs terres historiquement sous domination musulmane, et ils pourraient mieux trouver leur rôle dans une société laïque, où l’Islam ne serait plus la religion d’Etat et où l’islamité ne ferait donc plus partie de l’identité de la communauté politique que parce qu’elle deviendrait seulement un héritage historique.
Mais il serait tout de même dommage que le monde arabe devienne laïque. Entendons nous bien, il ne s’agit pas de défendre un régime religieux. Toutefois la laïcité est une forme extrémiste de
l’émancipation de la société civile du religieux, et elle est bien souvent un anticléricalisme, qui se transforme parfois en une inquisition contre le phénomène religieux, et peut intervenir contre la liberté de conscience et de croyance, au même titre que le ferait un régime religieux, en limitant les activités des religions qui ne sont pas la religion d’Etat, et parfois en les interdisant et en les persécutant. Il est donc préférable d’avoir, au lieu d’une société arabe laïque, une société arabe sécularisée – nous ne disons pas séculariste – où la plupart des valeurs sociales seraient passées du sacré au profane, mais où il y aurait encore une religion d’Etat. Cela garantirait la marche du progrès dans le monde arabe tout comme la pleine continuité du phénomène religieux. Et nous aurions donc une société moderne, civilisée, « sur la scène de l’Histoire », sans qu’elle ne soit athée, positiviste, c’est à dire bien plus qu’immorale, a-morale.
L’enjeu est donc aussi celui ci : définir un modèle de société sécularisée, mais qui ne soit pas sécuraliste. C’est à dire une société où la religion appartiendrait au domaine du privé, ce dont elle ressortirait plus authentique, mais où elle ferait partie de l’identité de l’Etat, en tant que religion d’Etat, la libérant donc d’un danger de recul dans la société face à la « profanisation » des valeurs sociales. Nous sommes les seuls à pouvoir relever ce défi, car en tant qu’enfants de Sam, nous sommes naturellement portés à défendre le phénomène religieux. C’est du moins ce que nous enseigne le Pentateuque, lorsqu’on lit : « béni soit le Dieu de Sam et que Canaan soit asservi à Sam! ». Cela signifie que nous sommes bénis de notre relation à Dieu, dont nous sommes les plus proches. Cela montre que nous sommes naturellement des mystiques, quand les fils de Japhet, les Européens, sont des fous de la raison. Et la Bible ajoute que c’est dans leur union avec nous qu’ils trouveront leur bénédiction et que nous seront heureux. Nous pouvons interpréter cela en disant que la bénédiction suprême arrivera d’une union de la raison et de la religion. Et c’est le défi qui se pose à nous, celui de construire une société sécularisée, mais non-sécuraliste.
Et il serait, de même, dommage que dans le monde arabe, l’Islam soit relégué au seul statut d’héritage historique, quand selon les mots de Michel Aflak, « il a été la pulsion vitale qui a révélé aux Arabes les potentialités et les forces latentes qui résidaient en eux, qu’il les a projetés sur la scène de l’Histoire et qu’il est finalement la meilleure expression du désir d’éternité et d’universalité de la nation arabe ». L’Islam a en effet son rôle à jouer dans la renaissance du monde arabe, et il doit continuer à animer l’arabisme, dont, toujours selon Michel Aflak, « il est l’âme ».
Mais il faut prendre conscience, pour cela, que l’Islam s’est perdu au même moment où le monde arabe s’est endormi. Il est donc essentiel de le restaurer et cela implique de remonter le cours de l’Histoire jusqu’à l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane, et donc de remonter au califat d’Al Mamoun. On remarque dès lors que l’Islam qui y est pratiqué est un islam pré-schismatique, que l’on appelle mutazilite. Son dogme est en tout opposé au sunnisme, et il est assez proche du chiisme. Il prétend en effet que le Coran est une création, ce qui en permet donc une exégèse critique, et ce qui met la raison au cœur de l’étude religieuse. On se rend compte que c’est au fur et à mesure que le sunnisme s’est imposé que la civilisation arabo-musulmane s’est éteinte. On en vient ainsi à en conclure qu’il est nécessaire de remettre en cause l’Islam post-schismatique, qu’il soit sunnite ou chiite. C’est d’ailleurs la position des descendants du prophète Muhammad, notamment celle des hachémites.
On se rend compte que cet Islam pré-schismatique a permis au Califat Abbasside, qui rassemblait les provinces qui forment aujourd’hui le monde arabe, de dominer le monde, grâce à l’activité culturelle qu’il encourageait et à l’émulation intellectuelle qu’il entretenait entre les différentes provinces du sa vie culturelle. Une nouvelle culture était en train de naître. Il s’agissait de celle qui allait définir l’identité d’un nouvel Orient. Elle était d’abord arabophone et musulmane, puis commerçante et, par effet de cause à conséquence, ouverte sur les autres cultures et donc amoureuse des lettres et des sciences. Il s’agissait de la meilleure expression du raffinement, c’est à dire dans le cadre d’une religion purement sémitique et de la plus complexe des langes sémitiques : l’arabe. Nous en venons donc à l’identité de ce nouvel Orient, qui est l’Orient sémitique ismaélien sous le commandement de l’Islam, la dernière religion révélée par Dieu, qui le fut en langue arabe, la plus pure des langues sémitiques ismaéliennes, à un prophète ismaélien.
Ce nouvel Orient est donc ouvert à tous les sémites, à l’exception des hébreux, qui sont les fils d’Isaac, et sont le seul peuple sémite à ne pas descendre d’Ismaël. Et il n’est pas nécessaire d’être musulman pour s’en revendiquer, puisque l’Islam reconnaît le zoroastrisme, le judaïsme et le christianisme comme les religions du Livre, et leur accorde un statut particulier, faisant de leurs fidèles des dhimmits. L’Islam ne pose donc en soi aucun problème aux chrétiens arabes, de même qu’aux juifs et aux zoroastriens arabes. Tout au contraire, il leurs assure une liberté de culte, que l’on retrouve dans les sociétés sécularisés, tout en voulant être la religion d’Etat. Comme au Royaume Uni l’anglicanisme est l’école officielle, et comme en Alsace Moselle le catholicisme est la religion d’Etat.
C’est la raison pour laquelle la laïcité, outre qu’elle serait dommage dans le monde arabe, n’est pas nécessaire en Islam, car il s’agit d’une religion qui tolère les autres croyances, du moins celles du Livre, et surtout parce que l’Islam, qui est en fait l’Islam pré-schismatique, est une religion qui met la Raison au cœur de son dogme, et qui permet à l’activité philosophique et scientifique de fleurir librement.
Le véritable problème pour les arabes chrétiens n’est donc pas l’Islam, mais l’Islam post-schismatique, et c’est aussi le christianisme arabe, qui n’a pas réussi à s’émanciper de Rome, et qui a, ipso facto, échoué à s’imposer en une Eglise pleinement arabe, contrairement au judaïsme arabe, même si ce n’est pas encore parfait. La visite du Pape, si elle ne risque pas de faire évoluer le christianisme arabe vers plus d’indépendance, c’est à dire vers plus d’arabité et in fine vers plus d’authenticité, pourrait permettre à l’Islam sunnite, si elle précède une reprise du dialogue entre le Vatican et Al Azhar, d’évoluer vers une critique interne de son dogme et d’aboutir en conséquence à un projet solide de réforme, qui pourrait déboucher sur la restauration de l’Islam pré-schismatique, comme l’ont appelé de leurs vœux les 22 personnalités musulmanes de la lettre ouverte du 24 janvier 2011, lorsqu’ils parlèrent d’un Islam plus authentique. Si un tel projet est mené, cela aurait pour conséquence d’améliorer sensiblement le sort des arabes chrétiens et d’arrêter leur exode, qui serait à l’origine de la disparition de la communauté chrétienne la plus ancienne et la plus originale, puisqu’elle se fondrait dans les Eglises occidentales, et qui serait encore à l’origine d’une irréversible décadence du monde arabe, en privant leurs confrères musulmans de la diversité, qui a toujours été la condition sine qua non de l’évolution des civilisations.
Nous pouvons donc penser que la mission du Pape, lors de sa prochaine visite au Liban, est de tout mettre en œuvre pour restaurer le dialogue avec Al Azhar et de faire connaître la lettre des 22 afin de lui donner la notoriété nécessaire pour qu’elle aboutisse à du concret, c’est à dire à un bureau d’étude pour la réforme de l’Islam sunnite au sein d’Al Azhar. Mais il y a une chose que le Pape ne pourra pas faire. Il s’agit d’encourager les arabes chrétiens à s’émanciper de Rome et à créer une Eglise chrétienne arabe indépendante et unie. Cela doit venir des arabes chrétiens, mais il faut, pour cela, qu’ils aient l’assurance de leur quiétude dans le monde certes arabe, mais surtout arabo-sunnite. Et en ce sens, il faut d’abord que l’Islam sunnite se réforme selon les 22 points de la lettre ouverte du 24 janvier 2011. Et nous pouvons presque avoir envie de dire : « Inscha’llah ! ».
This entry was posted on août 26, 2012 à 9:37 and is filed under Géneral, Régional. Tagué: Al Azhar, arabes, Arabisme, Benoit XVI, berbères, Beyrouth, Bible, catholiques, Chrétiens, Christianisme, Communautés, Dialogue, Gallilée, Histoire, Islam, Jérusalem-est, Jerusalem, Liban, Maronites, message, Moyen Orient, Mufti, musulmans, ONU, Paix, Pape, perses, Religions, Saint-Père, Salafisme, turcs, Vatican, Visite, voyage, wahabisme. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, ou trackback from your own site.
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