Confusion autour des pèlerins chiites libanais enlevés en Syrie
Posted by jeunempl sur août 25, 2012
La chaleur est oppressante dans ce petit bureau d’une société de pèlerinage, à Hay Selloum, l’un des quartiers les plus populaires et les plus peuplés de la banlieue sud de Beyrouth. Visages fermés, les proches des otages libanais enlevés par des rebelles en Syrie en mai hésitent d’abord à parler. Jeudi 23 août, ils ont rencontré pour la première fois le ministre de l’intérieur, Marwan Charbel. Celui-ci, en visite à Ankara quelques jours plus tôt, s’est dit « optimiste » quant au sort des otages.
Les familles des onze Libanais de confession chiite kidnappés par des rebelles dans le nord de la Syrie, par laquelle ils transitaient, de retour d’un pèlerinage en Iran, n’ont cessé de dénoncer le manque d’implication de l’Etat libanais pour parvenir à la libération des otages. L’annonce de la relaxe des otages, peu après leur enlèvement, s’était soldée par un fiasco.
Le désespoir des proches, depuis le kidnapping, s’est traduit par des protestations. Le 15 août, leur colère avait été exacerbée par la nouvelle erronée diffusée par des médias libanais, affirmant que plusieurs otages avaient été tués lors du bombardement d’Azzaz (nord de la Syrie) par les forces syriennes. [Note du MPLBelgique.org : nouvelle qui s’est à nouveau révélée être une désinformation organisée par la milice de l’Armée Syrienne Libre, avec une mise en scène dantesque d’Abou Ibrahim plein de ketchup pour simuler la scène.]
TIMIDES CHANGEMENTS
Aujourd’hui, les familles des otages, tout en restant réservées, ont le sentiment d’assister à de timides changements. Un comité de suivi a été mis en place par les autorités libanaises le 16 août. Surtout, estiment les proches, les contacts entre le Liban et la Turquie se sont multipliés au sujet des kidnappés. « Peut-être est-ce parce qu’il y a aujourd’hui un otage turc au Liban? », s’interroge l’un des proches. Ce ressortissant turc a été enlevé, en même temps que des citoyens syriens, le 15 août, par un puissant clan armé chiite, exigeant la libération de l’un de ses membres enlevé en Syrie quelques jours plus tôt.
Or pour les familles, la Turquie, qui soutient la rébellion armée en Syrie, est un acteur-clef dans l’affaire des otages. « Les rebelles reçoivent armes, argent et vivres à travers la Turquie. La zone où nos parents ont été enlevés est si proche de la frontière que si les services turcs voulaient agir, ils le pourraient », accuse Ali Ammar, 36 ans, dont le père, chauffeur de taxi, fait partie des kidnappés.
Tous en sont persuadés: « Les otages sont en Turquie, pas en Syrie. Ils ne traversent que pour rencontrer les journalistes », affirme Hajjé Siham, dont le mari a été enlevé fin mai.
Sur l’écran de son téléphone, elle montre trois numéros: ceux d’Abou Ibrahim, le chef des ravisseurs. Des numéros turcs. Jusqu’il y a une dizaine de jours, elle a pu, comme les autres proches des otages, parler avec son mari; depuis, silence radio. Ali Ammar dit même avoir rencontré les kidnappés en Syrie, en accompagnant des journalistes libanais partis interviewer les otages. « En une semaine, je n’ai pas réussi à comprendre les revendications des ravisseurs.
A quoi cela a-t-il servi d’enlever des Libanais? A créer une fracture entre communautés au Liban, puisque les ravisseurs sont sunnites et les otages chiites? », demande cet homme, très critique envers les insurgés syriens.
LES OTAGES ONT AFFIRMÉ SOUTENIR DÉSORMAIS LA RÉBELLION
Les preneurs d’otages, qui s’étaient réclamés de l’Armée syrienne libre (ASL) avant que celle-ci ne démente, ont dit exiger des excuses du Hezbollah, principale formation chiite libanaise, pour son soutien au régime de Bachar Al-Assad. « Pourquoi le Hezbollah devrait-il s’excuser? Qu’a-t-il à voir avec les otages?, objecte, dans un autre bureau de pèlerinage de la banlieue sud, Saïd Jamil Saleh, dont le père a été enlevé. Pour se donner du poids, les ravisseurs ont prétendu que les otages appartenaient au Hezbollah, mais c’est faux. » Plusieurs fois interrogés par la presse, les otages ont affirmé soutenir désormais la rébellion contre le régime des Assad et demander au Hezbollah de prendre ses distances avec son allié syrien. « Mais de tels propos ont-ils la moindre valeur, quand les kidnappés s’expriment sous les yeux de leurs ravisseurs? », note Saïd Jamil Saleh.
Pour les familles des otages, pas question d’impliquer le parti dans les tractations. « Les kidnappés sont des Libanais, avant d’appartenir à une confession, c’est donc à l’Etat d’agir pour leur libération. Et puis si le Hezbollah participait aux négociations, cela ne ferait que compliquer l’affaire », juge Ali Ammar.
Cheikh Abbas Zoghaib, chargé par le Conseil supérieur chiite de suivre le dossier, écoute les familles des otages. L’un de ses cousins a aussi été enlevé. Quand il prend la parole, c’est pour pointer le rôle de Paris: « La France soutient l’opposition syrienne, et dit défendre les libertés. Ne devrait-elle pas dénoncer plus fermement l’enlèvement de civils innocents et accentuer les pressions pour leur libération? »
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