Tripoli et le Akkar, pertes et profits…
Posted by jeunempl sur mai 26, 2012
(Scarlett Haddad – L’Orient le Jour)
Des sources diplomatiques occidentales se sont étonnées récemment du fait que la situation au Liban soit restée stable pendant tout la période écoulée, c’est-à-dire depuis le déclenchement de la crise syrienne, il y a un an et quatre mois. Ces sources précisent que les pronostics étaient bien plus pessimistes, tant les analyses occidentales estiment que la situation des deux pays est étroitement liée. Elles considèrent d’ailleurs que « ce phénomène » est essentiellement dû à la présence de l’actuel gouvernement, qui, en dépit de ses divisions internes et de sa quasi-paralysie, a réussi à préserver le calme en évitant à chaque occasion d’adopter des positions en flèche et en cherchant constamment à absorber le mécontentement populaire ou partisan, en prenant soin de ne pas réagir à chaud, même au prix de sa propre crédibilité. Ces sources diplomatiques se déclarent agréablement surprises par la capacité du gouvernement actuel à évoluer entre les écueils et les sables mouvants de la crise syrienne qui devient chaque jour plus pesante sur l’intérieur libanais, doublée des pressions arabes grandissantes pour pousser le gouvernement libanais à sortir de sa neutralité affichée. Les sources diplomatiques ne manquent pas non plus de relever la position très ferme du Hezbollah et d’Amal refusant de se laisser entraîner dans tout conflit ou dans tout affrontement sur le terrain, y compris avec des parties sunnites, en dépit de la tension actuelle et des polémiques verbales.
De fait, même l’enlèvement en Syrie des pèlerins libanais qui rentraient d’Iran a été traité avec sang-froid, alors qu’il est intervenu au moment où la crise battait son plein au Akkar et à Tarik Jdidé. Les commandements chiites s’étant empressés d’appeler la base au calme, tout en donnant des instructions claires à leurs partisans de ne pas répondre à la moindre provocation à n’importe quel prix. C’est dire qu’en dépit des craintes actuelles et de la succession d’incidents sécuritaires et autres, le scénario de la discorde et du chaos interne se heurte à une véritable résistance de la part d’un acteur principal, le camp chiite dans ses deux composantes.
En réalité, les derniers événements au Nord (Tripoli et Akkar confondus) ont constitué une véritable secousse pour l’ensemble du pays et pour les différentes parties en présence. Si l’État et ses institutions en sortent affaiblis, ils ne sont pas les seuls, puisque le courant du Futur a aussi montré les limites de son influence sur la rue sunnite au Akkar et à Tripoli, apparaissant de plus en plus débordé par les courants islamistes, qui semblent désormais voler de leurs propres ailes, en coordination étroite avec l’opposition syrienne. D’ailleurs lorsque Ahmad Hariri a pris la parole au Akkar, il a été à peine entendu, les stars des lieux étant les cheikhs islamistes dans toute leur diversité. De plus, au moment de la remise en liberté de Chadi Mawlaoui, cheikh Salem Raféi a remercié le Premier ministre et le ministre des Finances, mais pas un mot sur le courant du Futur. En même temps, les incidents au Akkar ont montré une sorte de cafouillage entre les députés du courant du Futur, certains refusant d’attaquer l’armée et d’autres s’en prenant ouvertement à la troupe et à son commandement.
Un premier bilan des derniers événements montre aussi que le Premier ministre Nagib Mikati a réussi à calmer les islamistes et s’est senti suffisamment fort pour répondre clairement et directement aux attaques du courant du Futur.
Mais les plus grands gagnants sont certainement les courants islamistes qui ont réussi à s’imposer tant sur la scène populaire qu’au niveau de l’État, en obtenant la remise en liberté de Mawlaoui, mais aussi un rappel à l’ordre à l’armée.
Pourtant, ce dossier n’est pas encore clos, puisque après le refus d’une enquête militaire, les partisans de cheikh Abdelwahed restent pour l’instant discrets, alors que les investigations suivent leur cours.
Selon des sources proches de l’enquête, les événements se seraient déroulés de la manière suivante : le PSNS avait décidé d’organiser une cérémonie en commémoration de la tragédie de Halba en mai 2008 (il faut d’ailleurs noter qu’en 2008, après cette tuerie, le PSNS avait été contraint à quitter la région et il y est revenu au fur et à mesure au point d’y organiser un rassemblement).
Au dernier moment, Khaled Daher a décidé d’en faire de même, dans un lieu très proche de celui du PSNS.
L’armée avait reçu des instructions très strictes pour empêcher l’arrivée d’armes aux deux cérémonies. Une unité héliportée avait été envoyée sur les lieux pour veiller strictement à la sécurité des deux meetings. Elle avait d’ailleurs arrêté une voiture appartenant au PSNS et transportant deux revolvers.
Soudain deux 4×4 aux vitres teintées arrivent au barrage de l’armée. Elles sont sommées de s’arrêter. Cheikh Abdelwahed sort de l’une d’elles et parle aux soldats les invitant à fouiller la voiture de protection. Tout aurait pu bien se passer, mais un des responsables du barrage demande à fouiller la voiture du cheikh. Il y aurait eu alors un échange un peu vif et les gardes du corps auraient demandé au cheikh de monter rapidement dans l’auto, avant de tirer puis de démarrer brutalement.
Les soldats ont riposté, faisant ainsi deux morts.
De toute façon, 19 soldats sont encore arrêtés. Mais la campagne contre l’armée a baissé d’un cran et les soldats ont pu mener une opération réussie mercredi soir à Caracas qui leur a permis de découvrir un véritable arsenal et d’arrêter un militant d’el-Qaëda, à la faveur d’un incident isolé…
En même temps, le courant du Futur cherche à reprendre l’initiative… en mobilisant autour de lui le 14 Mars pour tenter une nouvelle fois de faire chuter le gouvernement, au moment où Walid Joumblatt réaffirme son attachement à la présente équipe.
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