Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

Beyrouth : Une ville très polluée

Posted by jeunempl sur février 27, 2012

Anaïs Bard – L’Hebdo Magazine

Que ce soit dans les ruelles ou les grandes artères, le flot continu des voitures n’épargne aucun recoin de Beyrouth. La sérénade jouée en permanence par les klaxons ne manque pas de confirmer cette forte affluence de véhicules, embourbés dans des files à rallonge. Mais le bruit n’est que le moindre des désagréments engendrés par cet encombrement. Une grande bouffée d’oxygène prise avenue de La Sagesse suffit à en prendre conscience: l’air de Beyrouth est très pollué.

L’unité de recherche sur la qualité de l’air (AQRU), créée par le Conseil national libanais de la recherche scientifique (CNRS) pour analyser la qualité de l’air à Beyrouth, a rendu des résultats pour le moins inquiétants. A partir de 26 sites de mesures, disséminés dans toute la ville, l’AQRU a montré que le taux de dioxyde d’azote (NO2), un polluant provenant entre autres du trafic routier, dépassait largement la valeur limite des 40 microgrammes par m3 fixée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec des moyennes annuelles de 53 et 58 microgrammes par m3 en 2009 et 2010.

Il en va de même pour les particules en suspension. Appelée PM10 pour les plus grandes et PM2,5 pour les plus petites, ces particules fines sont présentes dans l’air, à l’extérieur comme à l’intérieur. A Beyrouth, la moyenne annuelle des PM10 dépasse de 175 à 275% la valeur limite fixée par l’OMS à 20 microgrammes par m3, la moyenne annuelle des PM2,5, quant à elle, atteint le double du taux de 10 microgrammes par m3 recommandé par l’OMS.

Des chiffres et des composants chimiques qui semblent abstraits et dont l’impact sur la santé, moins explicite et direct qu’une oreille qui siffle au bruit des klaxons, est méconnu de la population. Pourtant, la pollution de l’air présente de nombreux risques. Dans un rapport publié le 26 septembre dernier, l’OMS estime que plus de 2 millions de personnes, dont près de 1,3 million dans les villes, meurent du fait de l’inhalation de particules en suspension. Celles-ci «peuvent pénétrer dans les poumons, entrer dans la circulation sanguine et provoquer des cardiopathies, des cancers du poumon, des cas d’asthme et des infections respiratoires». Un bilan très lourd, dû au non respect des valeurs de références conseillées par l’OMS. 80 des 91 pays, ayant transmis des informations sur la qualité de l’air, dépassent ces taux. Et le Liban figure en bonne place parmi ces mauvais élèves.

A Beyrouth, les études sur la qualité de l’air et sa composition sont très récentes. Les premières mesures systématiques, c’est-à-dire 24/24H, 7/7J, n’ont été réalisées qu’en 2004. Aujourd’hui, plusieurs équipes scientifiques s’intéressent à la mesure et au diagnostic de l’air beyrouthin, dont celle du professeur Wehbé Farah, chercheur au sein de l’AQRU, composé de scientifiques de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et de l’Université Saint-Joseph (USJ). «Nous avons placé différents capteurs dans la ville, en veillant à ce qu’ils mesurent la qualité de l’air sur ce que l’on appelle des «sites de fond», assez éloignés des sources immédiates de pollution. Pour éviter la surestimation des valeurs, chaque capteur est situé à au moins 150 m des voies de circulation à flux important et à au moins 30 m des voies à flux moyen», explique le professeur Farah, physicien en charge de la partie technique de cette étude. Car la pollution est dynamique et les sources de pollution sont souvent loin des zones d’impact.

Les voitures, coupables

«Comprendre la chimie qui gouverne la qualité de l’air à Beyrouth, les mouvements des composants, leur concentration, c’est aussi identifier les sources de pollution», comme l’explique Charbel Afif, chercheur à l’USJ dans un autre projet d’étude sur la qualité de l’air appelé ECOCEM. En l’état actuel des recherches, les voitures ont été identifiées comme étant la source principale de la médiocrité de l’air. La nature des composants trouvés dans l’air mais aussi la cartographie de la pollution confirme cet état de fait: «A Beyrouth et banlieues, la zone rouge, c’est-à-dire la plus polluée, recouvre les collines d’Achrafié et de Hazmié ainsi que l’axe qui les relie. Là, où se situent les grandes artères de circulation», décrit Wehbé Farah.

A l’inverse, les zones les plus propres sont situées en bord de mer. La circulation peut y être importante mais les gaz ne restent pas enfermés entre les immeubles. En effet, le potentiel polluant de l’imposant parc automobile beyrouthin est décuplé par l’urbanisme. Rue étroites et grands immeubles forment des «rues canyons», qui emprisonnent les gaz et les conservent à hauteur de nez. L’absence de catalyseur sur toutes les voitures, le mazout utilisé par les camions complètent la liste des facteurs qui font des voitures la principale cause de la pollution de l’air à Beyrouth.

Pour autant, nos chers quatre-roues ne sont pas les seuls responsables. Sur le tableau des coupables figurent aussi les générateurs électriques, l’activité industrielle, même si dans la capitale celle-ci est plutôt limitée, la poussière… Par exemple; l’entrepôt de carburant situé à Dora serait un des points importants d’émission de polluants organiques gazeux, comme le pentane et le l’Isopentane, du fait de l’évaporation de l’essence. La géographie joue également un rôle. La région méditerranéenne est une zone fermée. En particulier à l’Est, où les vents venant d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, cumulés à l’insolation intense, contribuent à piéger certaines masses d’air polluantes dans la région.

Voilà pour les sources les plus faciles à localiser et à mesurer. Mais il faut en ajouter d’autres, difficilement quantifiables: la pollution de l’eau, de la terre ou des déchets, sont elles aussi des causes de l’impureté de l’air. «Les déchets émettent des composants polluants, par exemple du CO2 ou du méthane, simplement en étant à l’air libre, sans subir de combustion. Idem pour les déchets présents dans la mer, qui, avec le mouvement de vagues, sont à l’origine d’émissions polluantes», remarque Charbel Afif.

Prévenir les pics

Pour l’instant, le dispositif mis en place par l’AQRU permet de fournir des moyennes annuelles des indicateurs de pollution recommandée par l’OMS. A terme, l’objectif est de pouvoir fournir, tous les jours, un indice atmosphérique de la qualité de l’air. Ce qui pourrait être réalisé dans un futur proche grâce à l’important parc de mesure mis en place sur Beyrouth.

Mais pour instaurer un système de prévision quotidien de la qualité de l’air, il faut d’abord dresser un diagnostic très précis de l’air en question. «Pour créer ce logiciel de prévision, il faut d’abord mesurer les polluants réglementés, mais aussi bien d’autres produits comme les polluants organiques, car tous ces composants interagissent entre eux. Dans le même temps, il faut dresser un cadastre des émissions, c’est-à-dire simuler les émissions des sources de pollutions connues et connaître les données météorologiques. Enfin, il faudra croiser toutes ces informations pour obtenir un résultat crédible de la nature de l’air», précise Charbel Afif, à propos du projet de recherche ECOCEM pour la prévision de la qualité de l’air, cette fois pour tout le Liban.

Ces deux recherches, celles de l’AQRU et ECOCEM, menées en parallèle, ouvrent la voie à la création de savoir dans ce domaine d’étude particulier de l’environnement, peu développé au Liban. Mais à quoi sert de savoir chaque jour quel sera le taux de pollution sur la ville? «Cela permettra de dire à la population, attention, aujourd’hui il y aura un pic de pollution. Il faut rouler moins vite, limiter les déplacements en voiture», répond Charbel Afif. Un projet de sensibilisation de la pollution donc, mais aussi de la classe politique. «Notre étude sur la qualité de l’air sera un support pour les décideurs qui auront les informations nécessaires pour faire de choix», conclut Wehbé Farah sur un ton optimiste.

Un problème de santé publique

Lorsqu’il s’agit de pollution, il s’agit d’environnement mais aussi de santé. A Beyrouth, la pollution de l’air est plus néfaste pour la santé qu’elle ne l’est pour la couche d’ozone. Du moins, la pollution en termes de gaz à effet de serre dont est responsable le Liban, environ 5% des émissions du Moyen-Orient, reste anecdotique par rapport à celle d’autres pays. Mais ici comme ailleurs, la pollution de l’air constitue un véritable problème de santé publique. Ce que confirme l’OMS, dans son rapport du 26 septembre 2011, affirmant que près d’1,1 million de décès auraient pu être évités dans le monde. «Si les pays contrôlent et gèrent l’environnement correctement, nous pouvons réduire considérablement le nombre de gens qui souffrent d’affections respiratoire et cardiaque et de cancer du poumon», a affirmé le Dr Neira, directrice du département santé publique et environnement de l’OMS, le jour de la publication du rapport. Comme souvent, les effets les plus graves de cette pollution de l’air s’observent chez les enfants, les personnes âgées et les personnes déjà malades.

Si la recherche confirme que la pollution de l’air est dangereuse pour la santé, ce type d’études très générales suffit rarement à sensibiliser les populations souvent insouciantes, sceptiques ou fatalistes vis-à-vis de ces problématiques de santé publique. La multiplication des cancers, dont les causes semblent infinies, multiples et mystérieuses, constituent une menace qui n’effraye plus. C’est pourquoi, des recherches déterminant l’impact réel de la pollution sur la santé au niveau local, à l’échelle de Beyrouth, sont nécessaires. Myriam Mrad, biologiste et diplômée d’un Master en environnement, vient de se lancer dans cette lourde tâche, choisissant de réaliser sa thèse sur ce thème. «Un projet ambitieux, qui est une première au Liban», salue Wehbé Farah, qui encadre aussi cette recherche. Asthme, maladies cardio-vasculaires, infarctus… «Pour l’étude, il faudra choisir les indicateurs de santé les plus pertinents mais aussi les plus réalisables, comme le nombre d’admissions aux urgences pour crise d’asthme et les chiffres de prescriptions de Ventoline», explique le Dr Nelly Ziadeh, épidémiologiste, qui assiste Myriam Mrad dans sa thèse. Même si les pathologies qui serviront d’indicateurs n’ont pas encore été précisées, car l’étude n’en est qu’à ses débuts, elles devront permettre de comprendre les effets à court terme de la mauvaise qualité de l’air à Beyrouth sur la santé. Car les problèmes de santé dus à la pollution n’attendent pas le nombre des années pour se déclarer. Un travail de longue haleine puisqu’il faudra collecter un grand nombre d’informations relatives à la santé et à la pollution, parfois difficiles à obtenir auprès des institutions. Résultats attendus dans trois ans.

Photo pollution de Beyrouth : Libnanews

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2 Réponses vers “Beyrouth : Une ville très polluée”

  1. Fouad Kamel said

    Un merveilleux article ,
    Tellement necessaire
    Et tellent plus valanle que
    Les tergiversations des politiciens

    Comment continuer en 2013
    A avoir le suivi necessaire
    Pour Meliorer la prise de conscience
    De tous les jeunes qui veulent etres
    Vraiment responsable de leur avenie

    Merci

  2. Demetra said

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