Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

Marwan Barakat, expert économique: Optimiste pour 2012, malgré quelques craintes

Posted by captaingeo sur février 5, 2012

Propos recueillis par Jenny Saleh – l’hebdo magazine

Conjoncture économique, croissance, livre libanaise, inflation, hausse des salaires, secteurs bancaire et immobilier, mais aussi conséquences des sanctions syriennes sur l’économie du Liban, le Dr Marwan Barakat, chef du département de recherches à la Bank Audi, livre ses perspectives pour l’année 2012.

Quelles sont les perspectives de croissance pour 2012 selon vous?
Nous croyons que l’économie pourrait croître de 3 à 4% en 2012. Au premier semestre 2011, nous avions enregistré une croissance nulle, alors que pour le deuxième semestre, elle est passée à 4%, consécutivement à la formation du gouvernement ainsi qu’au renouvellement du mandat du gouverneur Riad Salamé à la Banque centrale, ce qui s’est répercuté positivement sur la confiance relative des marchés libanais en général.

Par quoi sera portée la croissance?
Je crois que la croissance en 2012 serait tirée surtout par la consommation des ménages, notamment à cause de la hausse des salaires d’un côté, mais aussi parce que la consommation privée est en train de montrer un certain niveau de résilience vis-à-vis de la conjoncture. Ces derniers jours, nous avons vu un chiffre important: l’importation des biens à la consommation a augmenté de quelque 22% en 2011, générée par une forte demande de consommation interne. En outre, l’investissement privé a été affecté par les tiraillements politiques internes et par la crise régionale, l’importation de biens d’investissement ayant stagné en 2011. Les investisseurs sont en train de reporter leur décision d’investir, ce qui affecte la contribution de l’investissement dans l’économie. Le marasme de l’investissement est apte à continuer cette année aussi, vu les incertitudes politiques ambiantes.

Comment expliquez-vous que les Libanais continuent de consommer malgré la crise régionale?
Il s’agit d’incertitudes politiques et non pas de pressions monétaires ou financières, ce qui n’affecte pas leur décision de consommer. Ils investissent moins, à cause des craintes, mais ils consomment toujours à un bon rythme. La plupart des secteurs de la consommation, tels les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et autres se sont avérés défensifs vis-à-vis de la conjoncture économique actuelle.

Quels sont les impacts des développements en Syrie sur l’économie libanaise?
Il y a trois canaux essentiels à ce niveau, le tourisme, les investissements et les exportations. D’abord, le nombre de touristes au Liban a baissé de 24% en 2011. Le Liban a essentiellement connu un flux soutenu de la part de sa Diaspora, alors que le nombre de touristes arabes a diminué par rapport à 2010. Cela s’explique par le fait qu’une partie des Arabes originaires du Golfe ou des pays voisins se rendaient au Liban en voiture, en passant par la Syrie, mais du fait des craintes sécuritaires, certains ont finalement pris l’avion, et les autres ne sont pas venus. D’autre part, les développements en Syrie ont un impact sur l’investissement privé en général, puisque les investisseurs craignent une détérioration accrue de la situation en Syrie qui pourrait engendrer une dérive au Liban, son voisin direct. Enfin, au niveau des exportations libanaises, quelque 24% des exportations locales passent par la Syrie. Une part de 6% est directement destinée à la Syrie alors que 18% des produits sont acheminés vers les autres pays voisins. De fait, la demande syrienne pour les produits libanais a été moindre et les exportations libanaises ont été affectées. En revanche, les 18% qui ne font que transiter par la Syrie ne sont pour l’instant pas affectés étant donné que leur chemin est jusqu’à ce jour sécurisé.

Les banques libanaises, dont nombre d’entre d’elles ont des branches en Syrie, ont-elles été touchées ?
Il est vrai que les bilans des banques libanaises en Syrie ont été réduits considérablement. Cependant, pour ces grandes banques, la Syrie, ne constitue que 6 à 7% de toute leur activité. D’autre part, ces établissements ont adopté toutes les mesures nécessaires en termes de positionnement et de couverture de risque de façon à faire face à tous les scénarios.

Comment se porte le secteur bancaire libanais?
En 2011, la croissance de l’activité bancaire a été moins importante que les années précédentes, mais suffisante pour financer les besoins des secteurs privé et public de l’économie. En 2011, les dépôts bancaires ont augmenté de 8,5 milliards de dollars, contre 11 milliards en 2010 et 18 milliards de dollars en 2009. Les flux de capitaux à l’entrée ont accusé une baisse de 23%, sans doute à cause de la situation politique régionale. Contrairement à l’année 2009, où le Liban a profité de la crise financière internationale, le pays a raté l’opportunité de prendre avantage de la crise régionale. Pour deux raisons, la crise est dans notre région, donc elle a un effet direct sur le pays, et les tiraillements politiques internes ont fait que l’on n’a pas pu donner de signaux positifs aux investisseurs. Toutefois, le Liban n’a pas connu une récession, mais un ralentissement de la croissance.

Comment expliquez-vous que le Liban ait maintenu sa stabilité dans cet environnement?
Les développements régionaux se passent en une période où les facteurs de résilience des marchés sont à leur niveau le plus élevé. Les avoirs extérieurs de la BDL de 32 milliards de dollars, couvrent à 80% la masse monétaire en livres libanaises. Ces avoirs extérieurs sont considérés comme les munitions de la Banque du Liban, ce qui a fait que le taux de change livre/dollar est resté fixe. Je ne vois pas un scénario où 80% des Libanais viendraient changer en masse leurs livres pour des dollars. En 2005/2006, dans des phases bien plus instables, un maximum de 30% des Libanais ont converti leurs livres en devises. Autre fait, ce qui détermine la capacité à répondre aux transferts, ce sont les liquidités des banques, qui sont aujourd’hui à 50% des dépôts, c’est un des ratios les plus élevés des marchés émergents. Enfin, ce sont les résidants libanais qui détiennent 90% de la dette libanaise, ce qui exclut un scénario de retraits massifs sur le marché obligataire.

Concernant la dette justement, quelles sont vos craintes? Quel va être l’impact de la hausse des salaires?
Il faut garder à l’esprit que le marasme actuel suit 4 ans de boom économique, où la croissance a été élevée, de l’ordre de 8%. Cela a réduit le ratio d’endettement dette/PIB de 180%, en 2006, à 131% aujourd’hui. J’ai toutefois deux craintes pour 2012. Dans cette période où les investisseurs internationaux sont figés sur la situation des finances publiques des pays, après la crise européenne, ou plus largement celles des pays développés, on ne peut pas se permettre, au Liban, un pays où les ratios de dette et de déficit sont toujours bien élevés, de voir ce ratio-là se détériorer. La hausse des salaires a engendré 1000 milliards de livres de dépenses supplémentaires, qui, en plus des dépenses d’infrastructure prévues, risque de créer plus de déficit en 2012. Ma crainte c’est de voir en 2012 une croissance importante des dépenses sans pouvoir l’accompagner d’une croissance des recettes, surtout dans une année où les partis politiques ne sont pas prêts à augmenter le taux de prélèvement, avant les élections de 2013. Le déficit engendré pourrait accroître notre taux d’endettement et renverser la tendance réalisée sur les dernières années.
Ma deuxième crainte concerne le secteur extérieur. Pour la première fois depuis 9 ans, on a enregistré un déficit dans la balance des paiements de quelque 2,7 milliards de dollars sur les 11 premiers mois de 2011. Les flux financiers entrants ont baissé de 23%, notamment avec la baisse des investissements directs étrangers, et la hausse de la facture des importations. Il faut essayer à tout prix de renforcer et promouvoir les exportations, encourager la production locale à l’exportation, et aussi renforcer les produits de substitution à l’importation pour faire face au déficit commercial croissant.

Quel impact peut-on attendre de la hausse des salaires sur l’inflation?
Le taux d’inflation pour 2011 a été de quelque 6%, tiré par l’inflation importée. En 2012, on va au moins avoir deux points de plus d’inflation encore, ce qui nous fera entre 8 et 10% d’inflation. Ceci dit, je crois que l’accord sur les salaires entre le patronat et la CGTL reflète un compromis nécessaire entre deux parties.

Le secteur immobilier va-t-il rester stable, ou va-t-on assister à une nouvelle flambée des prix?
Entre 2010 et 2011, on a constaté 9% de transactions immobilières en moins, ce qui marque un ralentissement du secteur. La correction des volumes de transactions n’a pas été toutefois accompagnée par une correction au niveau des prix. Les prix restent stables, d’autant que l’offre est limitée et la demande non spéculative. La demande immobilière au Liban est liée à des besoins d’utilisation finale beaucoup plus qu’à des considérations de plus-values, ce qui évite une situation de ventes massives comme a été le cas à Dubaï par exemple. On n’est pas dans une bulle immobilière. Là où il y a problème, en revanche, c’est au niveau social. Les prix à Beyrouth sont inabordables pour les Libanais résidants, ce qui a entraîné une demande accrue vers les régions périphériques et les montagnes. Ceci dit, il n’y pas de craintes de débâcle immobilière au Liban. Les prix vont rester quasiment stables comme était le cas durant les périodes précédentes d’incertitude. Sur les deux dernières décennies, les prix de l’immobilier ont épousé une forme d’escalier. Ils montent puis stagnent pour une période puis rebondissent de nouveau, mais ne baissent presque jamais.

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