Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

Crimes sans châtiments : Beyrouth (se) meurt

Posted by jeunempl sur décembre 18, 2011

(May Makarem – L’Orient le Jour)

« Rue à caractère traditionnel », annoncent les panneaux de signalisation plantés dans de nombreux quartiers de la capitale. Que l’on arrête de jouer à l’autruche. Les anciennes bâtisses disparaissent l’une après l’autre, amputant la ville d’une partie de sa mémoire. Les députés, tous les députés, 14 Mars, 8 Mars ou centristes soient-ils (Note du MPLBelgique.org: le mot de passe pour publier dans l’Orient le Jour… accuser tout le monde des maux, bien que dans ce cas, la municipalité de Beyrouth ainsi que le projet Solidere, les deux acteurs majeurs de Beyrouth, sont entre les mains du 14 mars et du clan Hariri), n’ont qu’une alternative : devenir les fossoyeurs du patrimoine libanais ou bien ses sauveurs. Pour cela, il faut au plus vite promouvoir un projet de loi et le mettre en application si l’on veut protéger ce qui peut encore l’être…

Cela commence toujours ainsi : les propriétaires commanditent une incursion nocturne pour démonter les vitres, arracher les fenêtres, démolir une façade, casser une colonnade, éventrer le toit, et livrer la bâtisse aux caprices des vents et de la pluie qui inonde les lieux et les transforme en ruine… avant de tomber sous le couperet des démolisseurs. Les acteurs publics n’ont plus d’autre choix que de prendre acte.

Le lot 1824 à Zokak el-Blatt n’est pas un cas isolé. C’est aujourd’hui le sort de dizaines d’autres constructions de ce type à travers la capitale. À Aïn el-Mreissé, à la rue du Liban, à la rue Shéhadé, à Sodeco, à Mar Mikhaël, partout, on continue à dilapider le patrimoine et à réduire en poussière la personnalité d’une ville forgée dans un héritage illustrant près de deux siècles la mémoire sociale et architecturale de Beyrouth. Témoins du passé, ces vieilles demeures de chez nous, abandonnées, lentement dégradées et pillées, s’en vont victimes tantôt d’une espèce de conception frelatée de la modernité, tantôt, et c’est plus délicat, à cause de quotidiens de plus en plus difficiles à assurer.

La maison traditionnelle où le style arabe se combine à l’influence italienne, la maison des années 30 inspirée de l’art français et, au passage, le modèle ottoman en général disparaissent à un rythme effarant, et ce malgré la volonté répétée des ministres successifs de la Culture de briser cette spirale négative. De Michel Eddé à Salim Wardy en passant par Ghassan Salamé, Tarek Mitri, Ghazi Aridi et Tammam Salam, tous se sont dit « déterminés » à poursuivre la mobilisation en faveur de la protection et de la promotion de l’héritage historique, « symbole de notre identité, mémoire de notre passé ». Tous ont assuré qu’il n’y avait pas d’avenir pour un pays qui occulte ses racines et son patrimoine ; tous ont souligné que la seule solution pour mettre fin à ce massacre est une législation appropriée, qui préserve le patrimoine et respecte les droits des propriétaires.

Élaboré, (ré)élaboré, pertinemment ciselé, un projet de loi en ce sens a été ignoré pendant une décennie avant d’être approuvé en 2010 par le Conseil des ministres. Depuis, il est entre les mains d’une commission parlementaire chargée d’en étudier les clauses. Ou alors tout simplement jeté au fond d’un tiroir, comme s’il était une entrave au développement de la ville.

Qui délivre ?

Contrairement à ce que l’on avance souvent, à savoir qu’on ne veut pas d’une capitale figée dans le passé, les défenseurs du patrimoine auraient souhaité une ville offrant un paysage urbain riche en contrastes. Une ville vivante, moderne, dynamique sur le plan économique, fière de ses édifices d’époque, de toutes les époques, et qui pourraient être magnifiquement agencés en bibliothèques, en musées, en sièges pour entreprises innovantes. En somme, un espace où deux villes d’âges différents s’intègrent et vivent au même rythme : l’éclat est alors éternel.

En attendant que la loi soit votée, on continue donc à abattre les vieilles pierres, à couler la ville dans du béton, prenant pour modèle les métropoles pétrolières. En 40 ans, on a détruit ce qu’on a construit en 150 ans. Dès lors, n’est-il pas légitime, voire impératif, de savoir qui délivre les permis de démolir ? Est-ce à l’initiative du ministère de l’Intérieur ? De la Culture ? De la municipalité ? Du mohafez ? Tous se contentent de dégager leur responsabilité et de rejeter la faute sur les « autres ».

Pour tout dire, l’hécatombe du patrimoine est un acte de plus à ajouter à la dégradation du discours politique, aux dérapages sécuritaires et au malaise social.

Qu’est-il prévu aujourd’hui ?
Nous n’en savons rien, mais il est probable qu’en l’absence d’un cadre juridique, la préservation des maisons traditionnelles (ou du peu qui en reste…) devient chimérique. Et pour bâillonner les défenseurs du patrimoine, on adopte le « façadisme », un procédé architectural qui consiste à conserver la façade du bâtiment ancien pour l’accoler ensuite, par exemple, à une tour. Ce qui donne un bien curieux résultat.

Quoi faire ? Transformer chaque édifice en grotte de Jeïta et rameuter la planète ?
Fonder une association de préservation du patrimoine foncièrement agressive, à l’instar de ce que fait Greenpeace pour l’environnement ? Attendre, jusqu’aux calendes grecques, qu’un responsable inspiré déclenche une opération coup de poing ? Ou regarder la ville mourir ?

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