Les Coptes d’Egypte dans l’œil du cyclone : La discrimination doit cesser!
Posted by jeunempl sur octobre 15, 2011
Quelques semaines à peine après le renversement du régime de Hosni Moubarak, la colère de la majorité musulmane s’est retournée contre la minorité copte. Les incidents et les agressions contre les chrétiens d’Egypte ont culminé, avec le massacre commis dans la nuit du 9 octobre, en plein cœur du Caire, avec la participation et la complicité des forces armées, censées être garantes de la transition démocratique.
Tout a commencé avec la décision prise par le gouverneur d’Aswan, le général Moustafa al-Sayyed, de détruire l’église Saint-Georges, en construction dans le petit village de Marinab. Le prétexte des autorités était que les travaux se déroulaient sans permis, ce qui nécessitait, à leurs yeux, la démolition du bâtiment. Alors même que la signature d’Al-Sayyed n’avait pas encore séché, les forces de police avaient déjà complètement détruit la petite église.
Le gouverneur était déterminé à en finir avec les «caprices» des Coptes. «Le nombre de chrétiens vivant dans le village où l’église a été bâtie, ne nécessite pas une telle construction. D’où la décision que j’ai prise à ce sujet», se défend-il.
Il est difficile pour un chrétien d’Egypte de pratiquer normalement ses croyances, alors que le vingtième siècle et le vent des révolutions arabes, auraient dû introduire dans le pays des pharaons, les principes de tolérance et non pas ceux de l’exclusion. Or la loi qui régit les pratiques religieuses, en place depuis de longues décennies, a justement été imaginée, pour priver les Coptes de leur droit à construire librement des lieux de culte. Si la fenêtre d’une église dans un village d’Ismaïlia est brisée, le prêtre devra patienter des mois, voire des années, avant d’être autorisé de réparer les dégâts. Ces exigences n’auraient pas été aussi répugnantes, si elles n’étaient pas uniquement imposées aux chrétiens. Les musulmans, eux, peuvent construire leurs mosquées et minarets, sans être inquiétés et c’est ce sentiment d’injustice qui a poussé des centaines de Coptes à descendre dans la rue, dimanche dernier, face à la chaîne de télévision d’Etat, à Maspero, pour exiger l’arrêt de ce type de discriminations. Mais la répression d’une violence inouïe a provoqué des incidents dans d’autres provinces du pays. Pour les vrais descendants des pharaons, trop c’est trop, et il fallait réagir.
Appels à des contre-manifestations
Contrairement aux manifestations organisées par les Frères musulmans à la place Tahrir, durant lesquelles l’armée n’intervient pas, cette fois-ci, les autorités avaient décidé de réprimer les protestataires avec les chars et les blindés, pendant qu’une speakerine de la télévision d’Etat appelait à des contre-manifestations, pour «protéger les forces armées agressées par les manifestants coptes!».
Le conseil militaire, qui ne s’est pas montré à la hauteur des événements, a décidé de pratiquer la politique de l’autruche, en affirmant que ces incidents étaient dus à un «complot étranger». Ce sont les mêmes termes qui avaient été utilisés par le régime de Hosni Moubarak, l’année dernière, suite à des incidents similaires. Les généraux n’ont cependant pas identifié les partis ou les Etats impliqués et quels étaient leurs objectifs. Plus grave encore, s’il y’a vraiment eu complot, pourquoi le conseil militaire a-t-il contribué à sa réussite, en matant dans le sang des manifestations pacifistes? Pourquoi avoir cédé devant les Frères musulmans et les autres groupuscules islamistes qui exigent que les Coptes soient interdits de construire toute sorte de bâtiment religieux?
Plus inquiétant est le fait qu’un parti supposé être modéré et centriste, comme le Wafd, ait accusé les Etats-Unis et Israël d’être responsables de «ce complot odieux». Le Premier ministre Issam Charaf a, quant à lui, demandé à toutes les parties de préserver le calme, sans pour autant condamner la brutalité utilisée par l’armée contre les Coptes. Il a également repris le refrain du complot destiné à semer la zizanie dans le pays. Cependant, l’Eglise copte, et pour la première fois depuis plusieurs décennies, a décidé de réagir fermement contre cette boucherie, en appelant ses adeptes à observer un deuil de trois jours. La dernière fois qu’une telle décision avait été prise, c’était vers la fin des années 70.
Protection internationale?
Ces incidents ont mis du pain sur la planche des Coptes de l’étranger, qui en ont profité pour réclamer une protection internationale. Ces appels, qui restent minoritaires, ont trouvé de sourdes oreilles dans les capitales européennes et à Washington. D’ailleurs, les Américains ont tout de suite répondu qu’ils n’avaient nullement l’intention d’envoyer des forces pour protéger les églises coptes d’Egypte, et personne ne s’attendaient réellement à ce qu’ils le fassent. Mais le problème reste le même: la persécution des chrétiens d’Orient en général, et d’Egypte en particulier, se fait sous le prétexte qu’ils sont des agents de l’Occident ou des espions implantés dans le monde arabe. Or non seulement les chrétiens sont les premiers habitants de cette partie du monde, sept siècles avant l’islam, mais en plus l’arabité moderne n’aurait pas été bâtie sans le rôle primordial joué par des chrétiens tels Gergi Zeidan, Adib Ishak, les Yazigi, Michel Aflaq et autres. Cependant, cet argument n’a aucune valeur aux yeux des islamistes qui considèrent que ce qui les unit est leur appartenance à la religion, et non pas à des principes nationaux.
Ce dilemme n’est pas né après la révolution du 25 janvier, mais bien avant, depuis que le président Anouar el-Sadat a décidé de remplacer les idées de panarabisme par les principes religieux. Les islamistes qui ont eu leur liberté d’action, grâce à Sadat, l’ont ensuite assassiné, et le conflit qui les a opposés à Moubarak s’est terminé par un match nul. Le raïs avait finalement toléré les activités sociales, religieuses et politiques des mouvements islamistes, tant que ceux-ci ne portaient pas les armes.
Faut-il pour autant regretter le vent du Printemps arabe comme le pensent certains? Le cheikh égyptien Youssef al-Qardawi, connu dans le monde grâce à al-Jazeera, réfute cet argument. «Il est inacceptable de dire que les révolutions arabes ont produit un état d’insécurité. Vivre en sécurité veut dire rentrer dormir, tout en sachant que sa famille, ses enfants et sa maison sont en sécurité. Or, ce n’était pas le cas sous la dictature», dit-il. Ces propos qui se veulent rassurants ne le sont pourtant pas pour les Coptes qui attendent toujours que leur gouvernement les traite sur un pied d’égalité avec leurs concitoyens musulmans. Un journaliste copte qui a préféré garder l’anonymat a dit à Magazine: «Avez-vous jamais entendu les musulmans se plaindre de ne pas pouvoir construire une mosquée? Nous sommes traités comme des citoyens de seconde catégorie. Cette injustice dure depuis trop longtemps, on ne peut plus supporter cela. On étouffe».
La couverture des médias officiels égyptiens de ces événements était scandaleuse. Ils ont tout simplement accusé les Coptes d’être les seuls responsables du bain de sang. Ce sont les mêmes propos tenus à l’antenne, sous l’ère Moubarak, après chaque incident à connotation communautaire. Le régime égyptien a-t-il réellement changé?
Huit millions de Coptes
L’Eglise copte d’Egypte est une Eglise orientale. Ses fidèles rassemblent le plus grand nombre de chrétiens au Moyen-Orient. Estimés à près de 10% de la population, ils seraient quelque huit millions de personnes. L’écrasante majorité de cette communauté est sous l’autorité du pape Chenouda III, avec une petite minorité de Coptes-catholiques et de protestants. Les chrétiens égyptiens se trouvent sur les deux rives du Nil, depuis l’aube du christianisme, alors que l’Egypte et la Palestine faisaient toujours partie de l’empire romain. Ils sont considérés comme les descendants de la dernière dynastie de pharaons, celle des Ptolémée.
Le danger de l’inconnu
Le vrai nom de Chenouda III est Nazir Raphael. Figure historique des chrétiens d’Egypte, il dirige l’Eglise copte depuis 1971. En confit avec Anouar al-Sadat, qui l’a exilé pendant des années dans un couvent du désert, le pape a été parfois critiqué pour ses relations avec Hosni Moubarak. Ses détracteurs notent que lors de la révolution du 25 janvier, le chef de l’Eglise a maintenu jusqu’à la dernière minute son soutien au raïs. Son appui aux Moubarak, père et fils, ne fait pas oublier ses positions historiques en faveur du peuple palestinien. En réalité, ce que le pape craignait le plus était de voir des éléments fanatiques pendre le pouvoir. Pour lui, le plus grand danger qui menace les chrétiens demeure l’inconnu.
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