Mouvement pour le Liban

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L’affrontement n’a jamais cessé De Souk al-Gharb à Taëf

Posted by jeunempl sur septembre 1, 2011

L’Hebdo Magazine – Arlette Kassas

La cassure entre Michel Aoun et Walid Joumblatt a longtemps dominé la scène politique. Si la rivalité entre les deux hommes a atteint son paroxysme durant les élections législatives de 2005, leurs relations ont toujours été marquées par des différends fondamentaux. Retour sur l’histoire.

De nombreux points séparent Michel Aoun et Walid Joumblatt. L’un est militaire et ne pardonne pas aux politiciens d’avoir aidé à la scission de l’armée au début de la guerre de 1975. L’autre a, depuis toujours, été destiné à hériter du leadership d’une communauté qui n’a jamais été attirée par les militaires. Or, depuis qu’il a assumé des responsabilités dans l’Armée libanaise, Michel Aoun a eu à affronter Walid Joumblatt.

Pour le général, l’Armée était la seule solution. Il affirmait que les Libanais ne voulaient pas le divorce mais y avaient été poussés de force. En 1980, Aoun est chef d’une brigade en poste, le long de la Ligne de démarcation entre l’ouest et l’est de la capitale. Lorsqu’Israël envahit le Liban en 1982, le lieutenant-colonel Aoun mobilise un bataillon pour défendre le palais présidentiel de Baabda. Quelques mois plus tard, il prend le commandement de la 8e brigade mise sur pied le 1e janvier 1983.

Progression de la 8e brigade

En septembre de la même année, la 8e brigade affronte les miliciens du parti socialiste progressiste (PSP), les milices palestiniennes et les auxiliaires pro-syriens à Souk el-Gharb. Elle repousse l’assaut de cette coalition. La guerre de la Montagne bat son plein et Souk el-Gharb, dernier verrou de défense du régime libanais, revêt une grande importance. Ce fut alors le premier affrontement direct entre les deux hommes, qui laisse une certaine amertume à Walid Joumblatt.

Michel Aoun avait échappé de justesse à un piège tendu par les Israéliens, après leur retrait de la Montagne en 1983, alors qu’il explorait le terrain pour sonder les possibilités d’un déploiement de l’Armée libanaise. Après la défaite des Forces libanaises dans la Montagne, à l’automne 1983, une réunion regroupe au ministère de la Défense le président de la République, Amine Gemayel, le commandant en chef de l’armée, Ibrahim Tannous, et quelques personnalités libanaises qui convinrent de déployer l’armée dans la zone de Jamhour-Wadi Chahrour, aux alentours du ministère de la Défense et du palais présidentiel, l’armée n’ayant pas la capacité d’aller plus loin. La mission est confiée au colonel Aoun. La 8e brigade se déploie dans les régions ainsi déterminées. Mais Aoun exerce des pressions sur le commandement en chef de l’armée et avance en direction de Souk el-Gharb. Les positions de l’armée dans cette localité sont la cible d’un bombardement quotidien. La bataille dure du 10 au 23 septembre, date du cessez-le feu. Le général Aoun devient pour la presse étrangère «le petit général».

Le lobbying de Joumblatt

Après son succès à Souk el-Gharb, Aoun est nommé Commandant en chef de l’Armée, le 23 juin 1984. Walid Joumblatt avait rencontré le général Aoun une seule fois au palais présidentiel de Baabda, sous le mandat du président Gemayel, pour discuter du plan de déploiement de l’Armée dans la région du sud à travers l’Iqlim el-Kharroub. Les occasions de rencontre entre les deux hommes étaient rares durant la guerre.

En 1988, à la fin du mandat du président Amine Gemayel, Aoun a le regard tourné vers Baabda. Joumblatt, qui ne voit pas d’un très bon œil l’accession du général au pouvoir, demande une entrevue au président syrien Hafez el-Assad à qui il dit: «Nous [l’opposition] n’acceptons pas de militaire à la tête de l’Etat, surtout pas un militaire répondant aux spécifications du général Aoun. Cet homme est un fasciste», (propos rapportés par Carole Dagher dans son livre Les paris du général, 1992, p.98-99). De son côté, Marwan Hamadé précise: «Devant Assad, Walid Joumblatt a démoli Aoun. Après cette entrevue, le président syrien a révisé son jugement et écarté l’idée d’agréer l’accession d’Aoun à la présidence. L’envisageait-il d’ailleurs réellement? On le dit… Je sais pourtant que les Syriens n’ont jamais porté Aoun dans leur cœur».

La phase des deux gouvernements

En septembre 1988, le mandat du président Amine Gemayel arrivant à terme, ce dernier le désigne à la tête d’un gouvernement militaire chargé d’organiser une présidentielle. Le chef du gouvernement sortant, Salim Hoss, dénonce l’illégalité du gouvernement Aoun et soutient celle de son cabinet. Le pays entre dans la phase des deux gouvernements et Joumblatt apporte son soutien à celui de Hoss.

Michel Aoun tente alors de s’opposer aux Forces libanaises et, après un premier essai en 1989, il se retourne contre les milices du Parti socialiste progressiste et d’Amal. Le 9 février 1989, le responsable des négociations entre druzes et chrétiens pour le retour des réfugiés, Anouar Fatayri, est assassiné. Les deux camps échangent les accusations. Un autre incident était survenu quelques jours plus tôt. Un lieutenant de l’armée avait pris un hélicoptère et l’avait conduit vers les régions dites de l’ouest. Aoun s’est montré franchement dérangé, Joumblatt avait pris alors la décision de ramener l’avion vers la caserne de l’Armée libanaise de Hammana.

Le 11 février 1989, le gouvernement Aoun crée une chambre d’opération maritime chargée de fermer les ports illégaux. Cette initiative marque le début de l’affrontement direct entre l’armée et les milices. Il s’est opposé à Joumblatt et à Nabih Berry. La riposte de Joumblatt ne se fait pas attendre, il ordonne le bombardement de tout navire accédant au port de Beyrouth, sous l’autorité de Aoun. Il traduit ses menaces par quelques obus sur le port de Beyrouth.

Joumblatt affirme, dans une interview accordée au journaliste Ghassan Charbel, que Aoun a déclenché le conflit en déclarant la guerre dite de libération. Il ne nie pas la popularité du général due, dit-il, à l’idée de libération du Liban qu’il a lancée, en se jouant des sentiments de ceux qui nourrissaient une hostilité certaine à l’égard de la Syrie. Durant cette guerre dite de libération, le palais de Moukhtara est la cible des bombardements. Le palais de Beiteddine aussi était visé. Joumblatt raconte qu’il a envoyé un message à Aoun par l’entremise de l’ambassadeur de France, lui disant que le palais de Beiteddine est un site historique et qu’il serait dommage de le détruire. Mais Aoun ne tenant pas compte du message, a continué à bombarder mais le palais n’a pas été touché.

Aoun échappe à un attentat

Le 29 mai 1989, Michel Aoun échappe à une tentative d’assassinat à Chypre, menée par un groupe libanais dirigé par Kamal el-Awar, en étroite relation avec le PSP et les Syriens. Le groupe est arrêté avant d’exécuter son plan, et ses armes, composées pour la plupart de lance-roquette B7, sont confisquées. Kamal el-Awar et ses compagnons sont emprisonnés. Mais au cours d’une visite du président chypriote en Syrie, le président syrien a demandé leur remise en liberté qui lui fut accordée.

Toujours en 1989, Joumblatt et Aoun se retrouvent face à face à Souk el-Gharb. L’Armée libanaise, après des combats farouches, empêche l’avancée des troupes syriennes et des milices du PSP vers les régions est.

Dans une interview diffusée sur al-Jazeera, Joumblatt a affirmé plus tard que le poids du travail militaire à Souk el-Ghareb incombait dans sa majorité au PSP face à l’armée et aux Forces libanaises. Suite à cette bataille, un délégué français est dépêché à Damas. Il fut entendu de tenir une conférence de dialogue en Arabie saoudite, au cours de laquelle l’accord de Taëf a vu le jour. Cet accord devait créer un nouveau différend entre les deux hommes. Aoun l’avait rejeté et Joumblatt l’avait accepté pendant une certaine période avant de le critiquer.

Dans le livre d’entretiens avec Frédéric Domont (*), Aoun explique les raisons de son initiative: «La guerre de libération a été déclarée suite à des provocations politico-militaires successives de la part des Syriens et de leurs milices locales […]. De plus, la Syrie agressait militairement le Liban depuis le 1e septembre 1983, en refusant de retirer ses troupes suite à la demande du gouvernement».

En 2005, avant le retour de Aoun de Paris, une rencontre unique a réuni Joumblatt et Aoun dans la résidence parisienne de ce dernier. L’entretien a duré 15 minutes et les différends opposant les deux hommes n’ont pas été résolus. L’enfant de l’institution militaire supportait mal l’autorité du bey et ce dernier est allergique à tout leader maronite réellement populaire. Et lors des législatives, Walid Joumblatt effrayé par le poids électoral du général, avait mis en garde contre le «tsunami orange.» Arlette Kassas

Aoun rassure Gemayel
Michel Aoun raconte, (selon le livre de Ghassan Charbel Où étais-tu pendant la guerre), qu’en septembre 1983, le président de la République Amine Gemayel était dans l’abri du palais présidentiel de Baabda, vu l’ampleur du bombardement qui le visait et craignait avec ses conseillers la chute de Souk el-Gharb. Le colonel Aoun est venu lui-même au palais pour rassurer le président, que le petit village près de Aley ne tombera pas.

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