L’héritier toujours planqué
Posted by jeunempl sur juin 13, 2011
Lina Tayeb Kennouche – Al Balad
Depuis des mois, la scène politique libanaise connaît une situation de crise. Institutions paralysées, incapacité à former un gouvernement, anomalies de certains hauts fonctionnaires qui se placent au-dessus des lois, le tout dans un contexte d’incertitude régionale et d’instabilité du régime syrien qui pourrait à n’importe quel instant avoir des prolongements au Liban.
Le conjoncture ne semble pas inquiéter le Premier ministre par intérim, le binational Saad Hariri, de retour depuis deux mois dans son pays natal, qu’il a dû abandonner contre son gré, quand l’heure de la relève a sonné. L’héritier fut parachuté à la direction de l’Etat libanais, mais n’étant pas suffisamment armé, le petit protégé s’est avéré incapable de gérer les dossiers un peu compliqués.
En effet, le promoteur et défenseur des idéaux d’indépendance et de souveraineté avait passé près de la moitié de son mandat auprès de ses alliés. Le bâtisseur de « l’état » pourfendeur du Hezbollah, à qui il reprochait d’avoir édifié un « Etat dans l’Etat », a fini par faire les frais de sa servitude à l’étranger : le 12 janvier il est jugé indigne de sa responsabilité, la démission du 11ème ministre allait entraîner la chute du gouvernement qu’il présidait.
A ce jour, il assure l’intérim en attendant la nomination d’un nouveau gouvernement. Il a l’obligation de gérer les affaires courantes, toutes les questions simples qui ne s’appuient pas sur l’adoption d’une nouvelle loi ou d’un nouveau décret et qui ne nécessitent pas une approbation du conseil des ministres.
Mais comment expédier les affaires normales si, depuis deux mois, au Royaume d’Arabie, le vassal est parti?
Pour sa défense, il faut préciser que constitutionnellement, il n’existe pas de texte exigeant sa présence. Mais c’est avant tout une question d’éthique, sans compter que sa présence aurait pu être bénéfique pour expliquer à son ami Rifi un principe qui semble loin d’être acquis : il faut respecter la hiérarchie. Le maître des FSI, fidèle de Hariri, a lancé un assaut qui s’est soldé par un fiasco. Un épisode risible : le fonctionnaire enfreint la loi, et c’est au supérieur hiérarchique de faire valoir ses droits. C’est avec effroi que le citoyen découvre le respect reconnu par le clan Harifi à l’autorité de l’Etat.
L’absurdité de la situation fait qu’un problème administratif dont le traitement devrait relever de la voie hiérarchique normale se transforme en affaire macro-politique, nécessitant la mise en place d’un gouvernement pour régler le différend.
Il en faut davantage pour impressionner le premier ministre par intérim qui n’est toujours pas décidé à rentrer travailler. Il serait injuste d’acculer un homme que rien ne prédestinait à gouverner un pays aussi compliqué que le Liban, Etat tampon dans la région.
Il y a des évènements plus graves que la crise institutionnelle, la paralysie gouvernementale, le démembrement de l’état sur arrière-fond de basculements régionaux. On murmure que l’hériter serait en mauvais termes avec l’entourage de sa majesté depuis qu’il aurait fâcheusement offensé le fils du ministre de l’Intérieur saoudien, Nayef Ben Sultan.
Pour les conspirationnistes, Hariri est en mauvaise passe, outre ses problèmes financiers, il est incommodé par le volte-face d’un roi Abdallah qui aurait repris contact avec Damas et exprimé son soutien au Premier Ministre désigné Najib Mikati.
M. Hariri se serait donc rallié au clan des Sudairi. Quelles que soient les difficultés auxquelles le chef du gouvernement par intérim est confronté, son absence confirme que ses priorités ne se situent pas dans la bonne marche de l’Etat libanais. Le milliardaire qui depuis son entrée en politique, a fait allégeance à d’autres entités, ne dissimule même plus son désintérêt pour le gouvernement qu’il est encore censé représenter. Les envolées déclaratoires sur la nécessité de construire un Etat indépendant, le discours souverainiste et le tomber de chemise, ne sont que de piètres mises en scène qui masquent mal la mainmise sur le Liban de ses partenaires pérennes.
Votre commentaire