Rétablissement d’un équilibre perdu
Posted by jeunempl sur juin 11, 2011
Il faut prendre très tôt de bonnes habitudes, surtout celle de savoir changer souvent et facilement d’habitudes. (Pierre Reverdy – En Vrac)
Depuis l’accord de Taëf et l’invasion du dernier bastion libre du Liban en 1990 par les forces syriennes et leurs collaborateurs libanais, un nouvel équilibre s’est installé entre les 3 principales communautés libanaises et leurs représentants au pouvoir.
Cet équilibre, ou plus correctement, ce déséquilibre nécessitait sans cesse un tuteur pour maintenir sa survie. L’occupant de Anjar est alors devenu le mandataire et l’arbitre des petits conflits, et celui de Damas s’est réservé pour les plus grands conflits ou arbitrage.
Trois courants politiques se sont ainsi formés, en continuité et en représentation des courants régionaux : le premier étant celui du front de refus comme le Hezbollah et Frangieh, le deuxième étant celui des pro-saoudiens comme le courant de Hariri, et le dernier étant celui des opportunistes comme les députés cherchant le renouvellement de leur mandat.
Depuis 1990, les chrétiens, dans leur majorité, ne se sont ralliés à aucun de ces courants et sont restés exclus des gouvernements successifs. Le courant Hariri qui a formé la majorité de ces gouvernements s’est contenté de faire rallier les quelques superficiels des chrétiens cherchant à remplir ce vide. Hariri père, l’architecte libano-saoudien de Taëf, a procédé durant ces années à une « dictaturation » légale du pouvoir, en manipulant les lois électorales à son profit, assurant ainsi l’écrasement des chrétiens et le maintien d’un équilibre local entre le front pro-syrien et pro-saoudien.
Après la mort de Rafic Hariri, la révolution du Cèdre, le retrait syrien et le retour du Général Aoun au Liban, cet équilibre du pouvoir fragile et instable s’est effondré au profit d’autres acteurs et enjeux, mais les mauvaises habitudes ont continué.
La Syrie est écartée du jeu, américains et français relayent son pouvoir de tutelle en s’appuyant sur Hariri fils. Les premiers veulent instaurer le Grand Moyen-Orient dans lequel les chrétiens ne figurent pas, le président français Jaques Chirac n’exprime qu’un mépris profond pour les chrétiens du Liban (lire Chirac d’Arabie).
Par conséquent, les mêmes habitudes se sont prolongées après le retrait syrien. Ainsi, le Général Aoun, même avec 70% des voix des chrétiens, s’est vu exclu du pouvoir exécutif et à peine représenté dans le pouvoir législatif. Les ministres chrétiens qui doivent composer, selon la constitution, la moitié du cabinet ministériel, l’exclusion du Général Aoun laisse une marge de manœuvre importante et une grande flexibilité à Hariri dans la formation de son cabinet. Et même quand le Bloc du Changement et de Réforme (BCR) du Général Aoun est représenté, on cherche à pratiquer d’autres types d’exclusion :
• Affectation de ministères sans importance
• Veto sur la participation de certaines personnes du CPL
• Blocage institutionnel de l’action des ministres du bloc
• Volonté d’imposer les noms des ministres du BCR
À chaque formation d’un nouveau cabinet, à chaque projet émis par les ministres du bloc BCR, à chaque proposition de loi émanant du BCR, une résistance farouche s’organise et une propagande particulièrement dangereuse à caractère communautaire et mensongère envahit les médias.
En 2009, plus d’un milliard de dollars sont dépensés pour empêcher la formation d’un pouvoir capable de rétablir une représentation équilibrée de la société libanaise.
Cette attitude de Hariri a vu sa prolongation avec le premier ministre désigné Nagib Mikati, qui a préféré continuer dans les mauvaises habitudes héritées au lieu de « prendre très tôt de bonnes habitudes, surtout celle de savoir changer souvent et facilement d’habitudes ».
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