Mar Béchara Boutros Rahi: Le patriarche du renouveau maronite
Posted by jeunempl sur mars 18, 2011
Julien Abi Ramia – L’Hebdo Magazine
Elu au 13e tour de scrutin, l’évêque de Jbeil, Béchara Rahi, est donc le 77e patriarche d’Antioche et de tout l’Orient. Charismatique, rassembleur et fin connaisseur des institutions, il correspond trait pour trait au profil idéal dressé par le Vatican. Sa mission première, revigorer l’Eglise maronite sous toutes ses formes.
Il faudra désormais l’appeler Mar Béchara Boutros Rahi. Lorsqu’il apparaît sur le perron du siège patriarcal de Bkerké, il ne porte ses ornements sacrés que depuis quelques minutes. Quelques minutes, c’est peu pour savourer la consécration d’une vie. Ceux qui l’ont côtoyé le savent, l’évêque n’est pas homme à étaler ses sentiments. Il faut donc croire que son sourire révèle un bonheur infini. Son regard perçant l’horizon, plus familier, un honneur et une immense fierté. Quelques minutes, c’est peu pour entrer dans la peau d’un personnage. Mais la volonté du Saint-Esprit est infaillible. A voir sa façon de saluer la foule et de descendre les marches, le doute n’est plus permis. Le rôle et la fonction lui vont comme un gant. Dans la chapelle qui donne sur la cour, entouré de ses deux gardes Farid Heykal et Amine el-Khazen, et devant un parterre de journalistes, le patriarche égrène la longue liste de remerciements. Le phrasé est clair, posé et solennel. Aux premiers rangs, on retrouve de nombreux évêques, dont son prédécesseur Nasrallah Sfeir, mais aussi le nonce apostolique à Beyrouth, l’archevêque Gabriele Caccia et le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation des Eglises orientales rattachées au Saint-Siège.
«Nous n’avions jamais vécu d’élections comme celle-ci, pleine de joie, de bonheur et d’amour», déclarera le nouveau chef de l’Eglise maronite. Béchara Rahi a été élu par 34 voix sur 39 possibles au bout du 13e tour de scrutin. Jusqu’alors, le résultat des dépouillements offrait quatre ou cinq possibilités. Boulos Matar, Guy Njeim, Youssef Béchara et Mansour Hobeika en faisaient certainement partie. A chacun son profil. Au premier, sa popularité au sein du collège électoral, au second le candidat de consensus par excellence. Dans notre édition du 11 mars, nous expliquions que la procédure de vote déterminait à elle seule les candidatures qui devaient se disputer la victoire, sauf surprise prématurée. Chacun des électeurs a d’abord voté pour son favori, sur des bases qui tiennent plus à l’affect et à la connivence personnelle, chaque évêque, compte tenu du petit nombre d’électeurs, étant candidat par nature. A mesure que les candidatures se réduisent, les possibilités de dégager une majorité des deux tiers s’amenuisent en parallèle. Dans la nuit de samedi, personne n’était en mesure de remporter l’élection. Alors, qu’est-ce qui a fait pencher la balance?
Visite inopinée du nonce
Une visite inopinée. Plusieurs sources concordantes expliquent que l’élection s’est jouée dans la journée de dimanche. «Tout était presque joué dimanche soir», a confié Béchara Rahi à des journalistes. «Je priais dès le matin en demandant à Dieu de me donner le détachement intérieur dont j’avais besoin pour me dépouiller de toute attente personnelle et m’aider à accepter ce qui serait décidé, car personne de nous ne peut dire qu’il en est digne ou qu’il le mérite». Ce jour-là, le nonce apostolique, l’ambassadeur du Saint-Siège au Liban, s’est rendu dans la salle bunkérisée du conclave. A-t-il subodoré le nom du futur patriarche?
Les liens entre Rahi et Rome sont de notoriété publique. Le Vatican connaît très bien cet homme. Ces liens ne sont pas étrangers à sa consécration. Dans une interview accordée à l’Hebdo Magazine le 31 juillet 1998, il déclarait qu’«agir pour devenir chef de l’Eglise maronite est contraire à la volonté de Dieu». Comme tous les prétendants, Béchara Rahi ne s’est jamais déclaré. Il n’a jamais fait campagne. Lundi soir, c’est Béchara Rahi, l’un de ceux dont le profil correspond le plus aux attentes du Vatican, qui a été élu.
Quelle sera la mission du nouveau patriarche? C’est lui, en filigrane, qui l’énonce. «Avec le patriarche et les évêques, nous avons prié et passé en revue tous les besoins et toutes les attentes au Liban, au Moyen-Orient et dans le monde de l’émigration. Nous vous avons portés dans nos cœurs et nous avons envisagé les moyens d’être au niveau des attentes de notre peuple et des besoins de notre Eglise. Nous priions en particulier pour le Liban, pour une sortie de crise, pour qu’il prenne conscience qu’il incarne un message fondamental, un message que nous portons dans nos prières au moment même où l’Orient vit des moments difficiles et dangereux. Nous œuvrerons pour que le Liban joue à nouveau un rôle vital dans notre monde arabe». Ce sont là de beaux défis. Très ambitieux.
«Les attentes de notre peuple». Difficile de ne pas y voir un appel du pied politique. Où se situe-t-il? «Je me suis toujours inscrit ses déclarations dans le sillage des communiqués mensuels de l’Assemblée des évêques maronites, même si ses prises de position ont pu être parfois vertement exprimées». Certains voient dans ces communiqués un discours clivant. Le patriarche Rahi aura la difficile tâche de rassembler les fils de la communauté chrétienne. Le chef du CPL, qui s’est rendu à Bkerké jeudi, a déclaré souhaiter «le voir aux côtés de l’unité nationale et de l’ouverture en direction du Machreq».
Il fait également référence aux «besoins de notre Eglise». Le nouveau patriarche donne plus de détails. «Le conclave a choisi d’élire un moine comme patriarche. C’est le signe que les ordres religieux monastiques sont comme au cœur de la vie et de la mission de l’Eglise. Nous aspirons à un surcroît de coopération et de travail en commun entre les diocèses et les ordres religieux, afin que nous accomplissions notre mission au Liban, en Orient et dans le monde de l’émigration».
C’est le secrétaire général de l’Assemblée des évêques maronites, Mgr Youssef Tawk, qui a lu l’annonce officielle de l’élection du nouveau patriarche. Il sera intronisé le 25 mars, date de la fête de l’Annonciation. Avec Béchara Rahi, l’Eglise maronite opère un gros changement de style et de méthode.
L’histoire d’un parcours éclectique
Entre Hemlaya dans le Metn et Bkerké, il y a huit kilomètres à vol d’oiseau et 71 ans d’une existence à plusieurs vies. L’histoire dit que la vocation de Béchara Rahi lui est venue très vite.
Fils de Youssef et de Taminé, le nouveau patriarche est donc né dans le petit village de Hemlaya le 25 février 1940. Benjamin d’une famille de six garçons et deux filles, il ne voit son père que très rarement. Les Rahi sont extrêmement pieux. Tous les dimanches, toute la famille assiste à la messe. Lors de ces offices, l’attention du petit Béchara est attirée par le mode de vie monacale de religieuses du Sacré-Cœur qui y assistaient. Une révélation. Dès la petite enfance, il décide de consacrer sa vie au Seigneur.
A 13 ans, il rejoint donc le couvent mariamite Notre-Dame de Louaïzé où il trouve un oncle, le père Gebrayel Rahi et un cousin de son père Boulos Rahi.
Mais au bout de trois ans, l’adolescent commence à douter. Il se dit qu’il n’est pas fait pour cette vie-là. Il prévient les régisseurs du couvent qui acceptent son départ. Les valises en main, Béchara croise sur le chemin de la sortie le père Boulos. Le jeune Béchara lui explique qu’il s’en va. «Ce n’est pas ma vocation». Le père Boulos lui répond alors: «Attends une journée, tu partiras demain, si tu y tiens toujours». Finalement, il restera et ne quittera plus jamais les institutions de l’Eglise.
Après de brillantes études secondaires au collège Notre-Dame de Jamhour des pères jésuites, Rahi s’envole pour Rome en 1962. Il ne reviendra au Liban qu’en 1975. Durant ces 13 ans, il étudiera la philosophie et la théologie à l’Université Saint-Jean de Latran et décroche un doctorat en Droit canon.
Il sera ordonné prêtre le 3 septembre 1967 et par la suite, il prendra la direction des émissions en arabe de Radio-Vatican.
De retour au Liban, il prend la direction du collège Notre-Dame de Louaïzé jusqu’en 1981. Entre-temps, il crée en 1978 l’université Notre-Dame de Louaïzé qu’il préside jusqu’en 1984.
Entre 1982 et 1992, il occupe des postes au sein de la magistrature ecclésiastique. Il devient tour à tour juge, contrôleur et président de la cour d’appel maronite. De 1986 à 1991, il devient administrateur de Caritas Liban. Il devient professeur de droit à l’USJ et dans plusieurs autres universités. 1986 est aussi l’année où le pape Jean-Paul II le nomme vicaire patriarcal.
En 1990, il devient évêque du diocèse de Jbeil, poste qu’il occupera jusqu’à ce qu’il devienne patriarche.
En 1992, le pape Jean-Paul II est nommé coordinateur du Synode maronite pour le Liban. Il assumera au cours de ces vingt dernières années une quinzaine de responsabilités différentes auprès du Synode maronite et du patriarcat. En 2009, il sera nommé président de la Commission épiscopale libanaise pour les médias.
Trois questions à Hareth Chéhab
Selon quels critères se sont déroulées les élections du nouveau patriarche?
D’abord, sur la base d’un mélange judicieux de spiritualité et de connaissance des affaires nationales. Ensuite, le nouveau patriarche sera apte à jouer un rôle de levier de la chrétienté, non seulement au Liban mais aussi en Orient, à une période tellement sensible où les chrétiens d’Orient sont sujets à nombre de vexations et de persécutions dans beaucoup de pays et où le dialogue islamo-chrétien auquel le Vatican est attaché doit prendre une tournure nouvelle.
Vous envisagez un rôle qui va au-delà du Liban pour le nouveau patriarche?
Sûrement. Il en a toujours été ainsi. Je suis témoin de l’importance que les patriarches d’Orient accordent au rôle de Bkerké. Si Bkerké flanche, les répercussions ne seront pas des moindres sur le plan moyen-oriental. Le nouveau patriarche doit être au service de toute la chretienneté et doit porter un nom particulièrement attachant, relatif à l’Eglise d’Antioche, la première Eglise du Christ. Il a un lourd héritage.
Certains contestent le rôle national de Bkerké?
Personne ne peut occulter ce rôle. Il remonte à plus de 16 siècles. Les patriarches ne sont pas de simples pasteurs, ils étaient et restent les chefs de la nation maronite. Au cours des siècles, Bkerké a été l’un des supports de l’accession du Liban à l’indépendance, et a toujours été un élément d’unification des différentes composantes de la société libanaise, pour que le Liban soit réellement, comme l’a dit le pape Jean-Paul II, plus qu’un pays, un message de convivialité, de tolérance et d’amour. Il existe une valeur à laquelle Bkerké est toujours attaché, et le patriarche sortant a été l’un des meilleurs symboles de cette valeur, celle de la liberté. Propos recueillis par Arlette Kassas
Soeur wardé MAKSOUR said
C’est formidable comme effort de classification et d’ouverture
Soeur wardé MAKSOUR said
Toutes mes félicitations pour le nouveau Patriarche qui a su réjouir tous les coeurs et accueillir toutes les catégories.