Mouvement pour le Liban

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Corruption – Karachi: Le mémorandum secret

Posted by jeunempl sur décembre 6, 2010

Le Journal du Dimanche

Dans une note confidentielle de 1996, adressée à Rafic Hariri, Ziad Takieddine dénonçait « la méthode Chirac » dans le blocage des commissions avec l’Arabie saoudite. Trois cents millions de francs ont ensuite été versés.

C’est un mémorandum secret de trois pages qui dormait depuis quatorze ans dans un coffre, quelque part à Beyrouth. Ziad Takieddine, l’auteur de cette « note confidentielle » à Rafic Hariri, a décidé de la sortir de ses archives. Comme on déterre une hache de guerre. Accusé par Dominique de Villepin et Charles Millon d’avoir été « l’intermédiaire des balladuriens » dans deux contrats militaires, au Pakistan et en Arabie saoudite, Ziad Takieddine contre-attaque méthodiquement. Lundi, ses avocats déposeront plainte contre l’ancien Premier ministre et l’ex-ministre de la Défense de Jacques Chirac pour « dénonciation calomnieuse« . Takieddine réclame aussi son audition par le juge Van Ruymbeke et entend s’expliquer sur les termes de Sawari II, le contrat de vente de frégates militaires à l’Arabie saoudite, le pendant du fameux contrat Agosta de vente de sous-marins au Pakistan.

Signés en septembre et novembre 1994, alors qu’Edouard Balladur était Premier ministre et François Léotard son ministre de la Défense, ces deux contrats, de l’ordre de 5 milliards d’euros, auraient, à eux deux, généré environ 233 millions d’euros de « frais commerciaux exceptionnels« , des commissions parmi lesquelles se cacheraient des rétrocommissions en France. Dominique de Villepin, devant le juge Van Ruymbeke, a réitéré ses soupçons de « rétrocommissions » et de « financements illicites » de partis proches d’Edouard Balladur et désigné Takieddine. Une histoire « officielle » jusque-là sans preuve, et qui cache, on va le voir, son lot de zones d’ombre. Parmi elles, une drôle d’intervention, inconnue jusqu’à présent, de Rafic Hariri, ancien Premier ministre du Liban, très proche de Jacques Chirac, dont la banque aurait débloqué, dans le plus grand secret, 300 millions de francs de l’époque… Une intervention qui pourrait relancer l’affaire.

La version officielle
A peine installé à l’Elysée, en mai 1995, Jacques Chirac demande à son Premier ministre Alain Juppé de placer des proches de Léotard sur écoute. Puis en décembre 1995, Michel Mazens est nommé à la tête de la Sofresa, l’organisme public en charge du contrat Sawari II. Devant le juge Van Ruymbeke, le 18 novembre dernier, Michel Mazens s’explique: « Trois mois après mon arrivée […], M. Millon m’a fait part d’un ordre du président de la République d’arrêter immédiatement les paiements et de détruire si possible les documents relatifs au réseau K du contrat Sawari II« . En juillet 1996, Jacques Chirac se rend en voyage officiel en Arabie saoudite où il évoque devant le prince Abdallah des commissions aux balladuriens.

« Le réseau K représentait 200 millions d’euros » mais, selon Michel Mazens, il « n’avait pas été payé« . « Quand j’ai reçu l’ordre de mettre fin au réseau K, j’en ai fait part à M. Takieddine […], je lui ai dit que j’avais reçu l’ordre, venu du plus haut niveau, de surseoir à tous les paiements à venir et de supprimer les documents nous liant. » Michel Mazens explique aussi que Frédéric Bauer « qui avait une petite société de sécurité, et était favorablement connu, y compris de l’Elysée« , s’est ensuite chargé « d’aller voir Takieddine« . A en croire le récit de Mazens, les commissions au réseau K auraient été bloquées en accord avec le prince Sultan, ministre de la défense d’Arabie saoudite, et « le trésor de guerre des balladuriens » ainsi asséché.

Une note confidentielle
En coulisses, les choses vont se passer un peu différemment, comme le prouve cette note confidentielle de septembre 1996. A cette date, dans le plus grand secret, Ziad Takieddine prend la décision d’avertir Rafic Hariri. « Afin de vous exposer des faits très importants sur le comportement actuel de la France avec un pays ami, l’Arabie saoudite, qui risque de créer un problème majeur« , écrit-il à celui qui dirige le Liban. Cette note est confiée à Rafic Hariri sous pli cacheté à bord du vol pour New York où il se rend à une réunion de l’ONU. En préambule, Takieddine revient sur la signature du contrat Sawari II, en 1994, et le « dégel » des relations de la France avec l’Arabie saoudite suite au « nettoyage de toutes les méthodes du passé« .

Après l’élection de Jacques Chirac, il raconte son déjeuner avec Charles Millon, en mars 1996, au cours duquel il est conforté dans sa mission. Puis la visite du Président français en Arabie saoudite, et la « surprise » des Saoudiens devant les « accusations portées« . « Le prince Sultan était choqué par le comportement du président Chirac » et des « règlements de comptes en France« . Takieddine apprend ensuite, par Michel Mazens, qu’il a ordre de mettre fin au « réseau K« . « Tout simplement une fabrication pour conforter leurs allégations et donner une puissance à leur démarche« , assure-t-il à Hariri.

L’homme d’affaires raconte aussi au Premier ministre libanais la visite à son domicile « d’un certain Bauer, prétendant être un émissaire du président Chirac« . « Le lendemain je reçois deux balles d’un revolver sur ma voiture, garée dans le parking de l’immeuble où j’habite. […] Je réalise alors que la fameuse ‘méthode Chirac’ s’était mise en marche, que j’étais devenu ‘la tête à abattre’: l’accident pour aller au bout d’une démarche de récupération de sommes d’argent qui appartenaient à un contrat et ils voulaient s’en emparer« , accuse Takieddine. L’homme d’affaires prévient qu’il a décidé de ne pas céder et qu’ »en accord avec le prince Sultan« , il compte « obliger la France à respecter ses engagements« .

Takieddine parle aussi de relations « envenimées » et « exécrables » entre l’Arabie saoudite et la France, et d’absence de preuves de « bakchich« … « Ce qui apparaît aujourd’hui, conclut-il, c’est un retour aux anciennes habitudes du pouvoir consistant à mettre la main sur des sommes d’argent, faisant partie intégrante d’un contrat d’Etat, sur lequel ils ont toute autorité pour, d’un côté, contrôler les paiements, et de l’autre, avoir le pouvoir de faire tout discrètement en cachant toutes les allégations et leurs actes dans le très convenable secret-défense. »

En conclusion de sa note, où il accuse les chiraquiens de vouloir faire main basse sur les commissions, l’homme d’affaires demande audience au Premier ministre libanais pour « un règlement à l’amiable« . Jusque-là, Ziad Takieddine donne sa version des choses. Parole contre parole. La suite va montrer qu’il est pris au sérieux.

Les 300 millions d’Hariri
« Hariri a lu ma note dans l’avion au-dessus de l’Atlantique. Il m’a fait dire en arrivant qu’il me verrait dès mon retour« , raconte, au JDD, Ziad Takieddine. « Nous nous sommes vus à Paris. Il m’a dit qu’il allait déjeuner le jour même avec Jacques Chirac, puis qu’il me verrait dans l’après-midi. Ce qu’il a fait. Les choses se sont alors arrangées. » Concrètement Ziad Takieddine va recevoir l’engagement du Premier ministre libanais qu’il sera bien payé! Cette promesse reçue, l’homme d’affaires accepte alors de régler le différend avec la Sofresa. En présence de leurs avocats respectifs, et aussi en présence de l’avocat personnel du Premier ministre libanais, un accord est scellé à l’hôtel Hilton de Genève…

Takieddine renonce ainsi au contrat initial sur Sawari II. Il a la garantie qu’il sera payé, et avec lui ses « contacts saoudiens« . C’est la Banque de la Méditerranée, de Rafic Hariri, qui va effectuer les règlements. En mars 1997, Ziad Takieddine reçoit quatre virements, pour un montant total de l’ordre de 300 millions de francs (45 millions d’euros). « J’ai aussitôt réglé qui je devais régler et tous les engagements ont été respectés« , assure-t-il au JDD.

Des questions en suspens
En clair, comme le démontrent les virements, Rafic Hariri, apparemment avec l’aval de Jacques Chirac, s’est chargé de verser des fonds à Beyrouth… alors qu’officiellement à Paris il était mis fin « au réseau K« . « Cela pose quelques questions« , souligne un observateur du dossier. « Qui a payé Hariri? Sur quelles bases? Que sont devenus les fonds versés à la Sofresa par les Saoudiens? » Difficile d’imaginer que le Premier ministre libanais ait sorti 300 millions de sa poche. Takieddine soupçonne aujourd’hui « des transferts« … « Toute l’équipe Chirac ment, je le prouve. Il y a une seule façon d’en avoir le cœur net, glisse-t-il, c’est de permettre au juge Van Ruymbeke d’aller dans les comptes de la Sofresa et de lever le secret-défense. Cela vous surprend? sourit Ziad Takieddine, calé dans son fauteuil sous un lustre géant dans la pénombre de son hôtel particulier, à deux pas du Trocadéro. Dans ces affaires, je connais quatre ‘intermédiaires’, dont un proche du président Chirac, qui ont eu des cancers foudroyants. Mais j’irai jusqu’au bout. Et je démontrerai que je ne suis pas intervenu dans le contrat du Pakistan. Autant en Arabie saoudite, j’ai tout fait pour arranger les choses, autant je n’ai rien à voir avec le Pakistan. » En 2002, sept ans après le blocage des commissions, une bombe tuait onze employés de la DCN. « Victimes probables de règlements de comptes franco-français« , conclut Takieddine.

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