Le Liban célèbre la censure au nom du dialogue interreligieux
Posted by jeunempl sur août 19, 2010
Par Jihad NAMMOUR
Le ministre de l’Information a beau le nier, la déprogrammation du feuilleton iranien sur Jésus-Christ constitue bel et bien un acte de censure. Et en dépit des apparences, cette censure est étatique. Il est vrai qu’elle n’a pas emprunté les mécanismes habituels de la censure, c’est-à-dire le bureau spécialisé de la Sûreté générale. Mais le processus qui a abouti à la déprogrammation de ce feuilleton télévisé a tout de même impliqué le président de la République, le ministre de l’Intérieur, le ministre de l’Information, quelques députés et le directeur de la Sûreté générale. Elle illustre une fois encore la préférence qu’ont les acteurs politiques pour les voies informelles où des agents publics agissent en court-circuitant les mécanismes institutionnels. Ce que la censure étatique informelle a de pire est qu’elle ne dit pas son nom, qu’elle ne s’assume pas, qu’elle nie même son existence. Comme dans un tableau de Magritte, le ministre de l’Information l’a répété à ceux qui voulaient l’entendre : « Ceci n’est pas une censure. » La progression du double langage au Liban semble irréfrénable.
La censure en tant que réflexe
Confronté au feuilleton iranien, le Centre catholique d’information (CCI) entendait l’expurger « des séquences offensantes pour la foi chrétienne », mais le ministre de l’Information s’est « rendu compte qu’il y avait trop à faire », et que par conséquent sa déprogrammation se révélait nécessaire. En somme, les deux parties avaient intériorisé la logique du bureau de censure : lorsqu’une œuvre gêne, soit on la modifie, soit on l’interdit. En d’autres mots, soit on porte atteinte à l’intégrité d’une œuvre soit on sacrifie la liberté d’expression. Toute autre option est exclue.
En fait, une même logique paternaliste sous-tend les deux modalités de la censure étatique. L’autorité qui s’arroge le droit de mutiler une œuvre ou d’en interdire la diffusion usurpe la qualité de gardien ou de tuteur. Elle traite les citoyens comme des mineurs qui ont besoin d’être protégés contre une œuvre qui suscite en eux une émotion violente et irrépressible. Cette censure paternaliste ne s’adresse pas à des citoyens autonomes et raisonnables ; elle infantilise la société et cherche à la protéger d’une émotion qu’elle ne saurait gérer. Le plus saisissant dans l’affaire est que cette mesure éminemment autoritaire se veut consensuelle, d’ailleurs elle en épouse superficiellement les formes.
Ainsi, Tarek Mitri – ministre de l’Information et professionnel du dialogue interreligieux – s’est appliqué à justifier cette censure au nom du dialogue religieux. Lors d’une conférence de presse au CCI, il a même déclaré: « Une fois de plus, le Liban se place à l’avant-garde du dialogue des religions, en respectant l’une des règles d’or du dialogue : celle de tenir sur l’autre un discours tel que ce dernier puisse s’y reconnaître. »
L’adultération du dialogue interreligieux
Peut-on légitimement justifier la censure d’une œuvre culturelle à caractère religieux en se fondant sur une supposée « règle d’or du dialogue » ? À vrai dire, il ne s’agit pas ici de « tenir sur l’autre un discours tel que ce dernier puisse s’y reconnaître » mais plutôt « d’interdire à l’autre tout discours dans lequel on ne se reconnaît pas ». Or cette « règle » retournée est particulièrement problématique dans le cas qui nous intéresse puisque le feuilleton ne tient pas un discours sur les chrétiens, mais sur Jésus-Christ, figure à la fois biblique et coranique. Or cette figure n’est pas la même dans les deux textes ni dans les deux traditions.
Le père Abdo Bou Kasm, directeur du CCI, affirme que « si l’unique référence du feuilleton était le Coran, il n’y aurait pas eu de problèmes. C’est parce qu’il s’appuie sur l’Évangile de Barnabé – un texte apocryphe qui n’est pas reconnu par l’Église – qu’il pose problème, car cet écrit nie la divinité du Christ et déforme des événements réels ». Cette phrase laisserait croire que la différence entre les traditions chrétiennes et musulmanes s’arrête à l’Évangile de Barnabé, alors qu’elle se situe au niveau des textes sacrés : le texte coranique ne reconnaît ni la divinité de Jésus ni sa crucifixion ; deux éléments fondamentaux dans les Évangiles canoniques. La particularité de l’Évangile de Barnabé tient justement à sa conformité au récit coranique et à la figure de Jésus qui s’en dégage.
Lorsqu’on entend l’archevêque maronite de Jbeil, Mgr Béchara el-Raï, se féliciter de la déprogrammation du feuilleton iranien en s’exclamant que « la vérité a triomphé », on comprend vite qu’il s’agit là du triomphe d’une vérité religieuse sur une autre. On est bien loin des règles d’or du dialogue religieux.
Le révélateur d’un christianisme oriental en crise
À deux mois du synode des évêques pour le Moyen-Orient, l’affaire de feuilleton iranien sur Jésus-Christ révèle l’ampleur de la crise de la société chrétienne en Orient. Au lieu de promouvoir la liberté religieuse et d’entreprendre un dialogue interreligieux serein et respectueux des différences (même théologiques), les élites chrétiennes ont laissé libre cours à l’émotion et ont brandi l’arme de la censure. La campagne conduite par le CCI a montré une société chrétienne sur la défensive, craintive et recroquevillée sur elle-même. Au lieu d’entrer en dialogue aussi bien avec leurs fidèles qu’avec « l’autre », les élites tant religieuses que politiques ont préféré nourrir la vague émotionnelle et surfer sur elle. Le rappel récurant de l’affaire des caricatures de Mahomet a montré que la dynamique interreligieuse s’éloigne d’une émulation où chacun est porté à se dépasser, et relève plutôt de la surenchère et du mimétisme des franges les plus conservatrices et réactionnaires de chaque religion.
La diffusion d’un feuilleton sur Jésus-Christ par deux chaînes musulmanes durant le mois de ramadan se voulait un signe d’ouverture et une démarche œcuménique. C’est dans cette perspective que des affiches publicitaires se sont multipliées dernièrement dans les quartiers à dominante chrétienne pour annoncer sa programmation. Eu égard au contenu du feuilleton, l’initiative était manifestement maladroite. Mais elle n’était certainement pas mal intentionnée. Alors pourquoi la couvrir d’opprobre ? Au lieu de vouloir à tout prix censurer le feuilleton, n’aurait-on pas pu saisir l’opportunité de sa diffusion pour l’accompagner d’un véritable dialogue interreligieux où les différences et les susceptibilités de chacun sont expliquées aux téléspectateurs ?
N’en déplaise au ministre de l’Information, la déprogrammation du feuilleton sur Jésus-Christ est loin de constituer « une victoire du Liban, de son originalité culturelle et religieuse ». Au contraire, elle met au jour les limites d’une approche politisée, élitiste et paternaliste du dialogue interreligieux qui malheureusement s’est érigée en tradition nationale.
Jihad NAMMOUR
Chercheur en sciences sociales
KOCH said
Cher(e)s Ami(e)s,
Les sujets théologiques et religieux restent délicats puisque la présentation de Jésus Christ est aussi inscrite dans l’Islam, sert de base à la Chrétienté et est implicite chez les Israelites messianistes.
Je vais parler en fonction de ma formation à la théologie syriaque, chez les Syro-Antiochiens – bien que d’un autre rite chrétien oriental – mais ce sont les seuls à m’avoir accepté, il y a 32 ans.
les Musulmans traditionnels que je connais, me disent que la fin des temps viendra avec le retour de Jésus, qui, pour eux , est un prophète.
Certains rites de diverses origines turques vénèrent conjointement des Saints avec des Eglises chrétiennes et vont même jusqu’à se référer à Saint Jacques frère de Jésus de Nazareth comme à Saint Nicolas ou vont à certains pélerinages en France( comme celui de Sainte Anne en Bretagne ).
Des Chrétiens Mozarabes vénèrent de Saints Hommes, ermites ou non, pieux et sages Musulmans, en Afrique du Nord, sur la grande péninsule arabique.
Mêrme en Russie et dans l’ex-URSS, ces brassages existent.
Chrétiens et Musulmans partagent l’Apocalypse et sont oonfrontés tant à des versions tronquées de leurs livres saints – dans l »histoire – que par la non inclusion de nombreux textes dans le Grand livre saiont ou vulgate officielle. les textes rapportés, même s’ils sont l’oeuvre de témoins, disciples ou scribes sous la dictée du Messager de Dieu, sont inscrits dans le Grand Livre postérieurement et ce n’est qu’aujourd’hui que nous retrouvons les fragments ou papiers originaux ou leurs copies anciennes. On en sait plus sur ce qui se passait à Médine à une certaine époque et comment et en quelles langues on écrivait les premiers textes chrétiens et musulmans retrouvés de leurs lieux de mise à l’abri.
Tout ceci ne remet pas en cause la diffusion du message duvun mais le complète car , dans chacune des deux grandes religions inspirées, il existe des interprétations sur la nature tant de MOHAMED que de JESUS.
Pas d’atteinte aux fondamentaux de la foi partagée tant avec les vérifications que nous offre l’archéologie couplée aux techniques humaines les plu sophistiquées. Les découvertes de documents anciens originaires abondent. Ils confortent la nécessité d’accepter que nos fois révélées aient été forgées dans le temps pour imprégner progressivement les Hommes et les Femmes pour les aider dans leur cheminement terrestre.
Un bon Ramadan aux Musulmans du Liban.
Une bonne fête de Saint Michel archange aux Chrétiens du Liban.