La gestion globale de l’eau, entre protection des ressources et rationalisation de la demande
Posted by jeunempl sur juillet 6, 2010
(L’Orient le Jour)
Comment élaborer des stratégies sur l’eau quand on n’a pas une idée exacte des ressources disponibles, du gaspillage et des abus ? Comment faire pour protéger et utiliser durablement l’or bleu au Liban ? C’est à des questions aussi fondamentales qu’a tenté de répondre la conférence organisée samedi par le Parti libanais de l’environnement (LEP).
Le président du LEP, Habib Maalouf, a présenté, au cours de cette conférence financée par la Fondation Friedrich Ebert et organisée à l’hôtel Commodore, une étude intitulée « À l’ombre des changements climatiques, quelle stratégie nationale pour la gestion de l’eau au Liban ? ». Le ministre de l’Environnement Mohammad Rahhal a participé à la séance d’inauguration, ainsi que le consultant Abdo Tayyar, représentant le ministre de l’Énergie et de l’Eau Gebran Bassil, et Samir Farah, représentant de Friedrich Ebert au Liban.
M. Maalouf a beaucoup insisté sur l’idée que l’option des barrages, n’étant pas sans impact écologique, devrait être considérée avec beaucoup de prudence et après que toutes les alternatives furent épuisées, critiquant qu’au Liban, cette option soit si prioritaire (cette idée a été très discutée au cours des débats). « La nature nous a appris qu’elle stocke l’eau sous terre et non au-dessus », a-t-il dit, soulignant les risques de pollution et d’infiltration dans le sol libanais poreux.
M. Maalouf a précisé que le document qu’il présente porte principalement sur l’état des ressources et les moyens de les économiser, notant qu’au Liban, les chiffres manquent. « On dit que 70 % des ressources sont utilisées dans l’agriculture étant donné le système d’irrigation vétuste, a-t-il poursuivi. On sait aussi qu’environ 50 % de l’eau est gaspillée dans les canalisations. Est-ce que ces problèmes arrêteront d’exister si l’on construit des barrages ? De plus, nous n’avons aucune idée du nombre de puits artésiens illégaux construits dans le pays. Le LEP est prêt à participer avec les ministères concernés à un recensement des puits. Enfin, pourquoi n’existe-t-il aucune donnée sur la consommation d’eau dans le secteur du tourisme, qui est considérable, notamment en été ? »
Sur la question des puits artésiens, M. Tayyar a rappelé que le ministère de l’Énergie et de l’Eau en est très conscient et que « le ministre Bassil, depuis sa nomination, a refusé d’octroyer un quelconque permis, en attendant l’adoption d’une méthodologie qui mette fin au chaos actuel et garantisse les intérêts de l’État autant que ceux des citoyens ». Il a annoncé, pour sa part, que le ministère avait entamé le processus de rédaction d’une stratégie globale de gestion de l’eau, qui sera prête d’ici à la fin de l’année. La réalité sera sondée, ainsi que les moyens de développer l’infrastructure, suivant des paramètres comme les besoins futurs de la population, le taux de développement, les progrès de l’économie et du tourisme… M. Tayyar a également déclaré qu’un accord avait été signé entre le ministère et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour la création d’un centre pour la rationalisation de l’utilisation de l’eau.
Le ministre Rahhal a déploré pour sa part que les plans se multiplient et se retrouvent souvent dans les tiroirs. « Dans l’administration libanaise, il n’y a aucune continuité, et les ministres nouvellement venus négligent ce qui a été fait par leurs prédécesseurs », a-t-il ajouté. Il a constaté amèrement qu’« il y a eu assez d’études sur le Qaraoun pour financer un nouveau lac ». « Un ministère ne peut tout faire, j’en suis convaincu aujourd’hui, voilà pourquoi il faut que les concepts écologiques soient intégrés au travail de tous les ministères », a-t-il dit.
260 plaintes… sans suivi
L’aspect légal de la question de l’eau a été traité lors de la première session de la conférence. L’avocat Hyam Mallat a parlé de la perspective historique des droits acquis sur l’eau, qui sont souvent entrés dans les us et coutumes, précisant que notre histoire est riche en exemples depuis le XVIe siècle. Le spécialiste a estimé qu’on ne peut annuler les droits acquis séculaires d’un coup de crayon, préférant l’option que l’État indemnise les habitants.
Le juge Hassan Chami, consultant au ministère de l’Énergie, a déploré l’absence d’une loi unique sur l’eau au Liban. Il a relevé par le fait même les conflits d’intérêts opposant souvent le ministère et les offices autonomes de l’eau, dans ce contexte de prérogatives floues. « Il faut que les lois soient appliquées », a-t-il martelé.
Par ailleurs, en réponse à une question sur la loi, il a été précisé au cours de la conférence qu’il existe un projet de code sur l’eau au ministère. La question de la justice a été soulevée à maintes reprises, et en réponse à une interrogation sur le sort des plaintes contre les abus sur les biens-fonds maritimes ou fluviaux, Salim Catafago, directeur de l’Office du Litani, a précisé que 260 plaintes ont été déposées sur des cas de pollution du fleuve sans qu’aucune n’ait encore été tranchée…
M. Catafago a fait une présentation sur la gestion de la demande sur l’eau, plaidant pour une protection des ressources à tous les niveaux, déplorant le gaspillage systématique. Il a constaté que le Liban ne jouira pas de l’autosuffisance à moins qu’il adopte une politique hydraulique globale, ce qui ne l’empêchera pas de connaître une crise d’ici à 40 ans malgré tout. Il a constaté que les efforts de réforme du secteur n’ont pas atteint leurs objectifs parce que beaucoup de textes ont été refusés au Parlement.
Kamal Slim, professeur à l’Université libanaise (UL) et membre du LEP, a présenté son étude en cours sur la pollution du Qaraoun, évoquant des cyanobactéries extrêmement toxiques qu’il est très difficile d’empêcher de proliférer. Il a précisé que leur multiplication provient des courants aériens ou des oiseaux migrateurs, soulignant qu’il s’agit d’un problème qui se déclare en général avec le temps dans les barrages.
Enfin, Bassam Jaber, professeur et consultant continu du ministère de l’Eau, a parlé de l’intérêt des compteurs et de l’importance de les choisir minutieusement, afin qu’ils mesurent exactement la consommation, et permettent, à terme, de rationaliser l’utilisation de l’eau.
Parmi les recommandations de la conférence, la nécessité d’élaborer des stratégies claires, le recensement des puits artésiens, la réparation des canalisations, la rationalisation de l’utilisation de l’eau, le changement des méthodes d’irrigation, l’organisation du secteur de l’eau en bouteilles et la réouverture du laboratoire central…
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