Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

Quel avenir pour la loi électorale libanaise : La politisation des débats autour de la loi municipale

Posted by jeunempl sur avril 30, 2010

Par Dory Moutran – MPLBelgique.org

La politisation des débats

Toutes les propositions de réformes ont le potentiel de diviser la classe politique ainsi que la population, au point que beaucoup d’entre elles finissent par ne jamais être adoptées. Mais dans le cas que nous avons étudié, il s’agit d’une réforme qui rendrait le pays plus démocratique.

Alors pourquoi a-t-elle chuté à la veille de ces élections municipales début 2010? Ce n’était certainement pas les prétextes utilisés, tel que le temps ou la complication. Notons que le système proportionnel est plus simple à appliquer aux municipales où, contrairement aux législatives, la parité confessionnelle n’est pas requise (sauf à Beyrouth, où celle-ci n’est pas issue du cadre de la Constitution, mais à travers un accord entre chrétiens et musulmans de la capitale).

En réalité, les partis ayant rejeté la proposition de loi sont ceux qui ont le plus de raisons d’y perdre. En première ligne, nous avons le Courant du Futur, mais également la majorité sunnite en général. La raison est que la communauté sunnite, contrairement aux autres grandes communautés, notamment les communautés maronite et chiite, est regroupée dans quelques grandes villes, et non sur un vaste territoire. Tripoli, Beyrouth et Saida, sont les 3 grandes villes sunnites par excellence, sur lesquelles la classe politique sunnite dans son ensemble exerce son influence et son contrôle. De plus, dans ces 3 districts, les sunnites y exercent un contrôle quasi total. Par bonne volonté, la communauté a traditionnellement accordé une part des sièges à ses alliés des communautés chrétiennes (la moitié à Beyrouth). Ainsi, la loi électorale actuelle leur permet de maintenir le contrôle sur l’ensemble de la ville, ainsi que sur ses alliés, dont la présence dépend entièrement de la bonne volonté, et non du processus démocratique.

Deuxièmement, nous avons également le Hezbollah et le parti Amal. Ces deux partis, représentant la majorité de la communauté chiite, ont traditionnellement soutenu le système de représentation proportionnelle. Mais le rejet récent de celui-ci fait état d’une certaine hypocrisie. En effet, et sans détour, leur soutien de la proportionnelle provient notamment du fait que la communauté chiite est la plus grande communauté du pays. C’est aussi celle qui grandit le plus rapidement. Sur le plan national, pour les législatives, cette coalition contrôle Baalbeck et l’ensemble des districts du Sud-Liban, à l’exception de Jezzine et de Saida. Avec la proportionnelle, elle continuera de dominer ces régions, mais exercera une influence plus grande et grandissante sur d’autres districts, tels que Jbeil, Baabda, Jezzine, Zahlé, la Bekaa de l’Ouest et Beyrouth. Son soutien pour un district unique national sur base de la représentation proportionnelle est aussi dû au fait qu’avec le système actuel, la communauté chiite n’est pas représentée conformément à sa taille réelle. Disposant de 27 sièges au parlement (soit 21% du Parlement), la communauté représente bien plus que cela selon les estimations démographiques. Cependant, l’alliance chiite fait preuve en quelque sorte d’une hypocrisie, car elle appelle souvent à une déconfessionnalisation du système politique, tout en ne cachant pas que cette revendication est motivée par sa volonté de répercuter la croissance démographique de sa communauté sur son poids politique. Elle a refusé cependant d’ouvrir la voie à plus de démocratie dans les régions qu’elle contrôle. En effet, la proportionnelle dans les districts chiites veut dire que les villes de Baalbeck, Tyr et Nabatiyeh devront s’ouvrir à plus de compétitivité, entre l’alliance Hezbollah-Amal et des partis tiers d’une part, et entre le Hezbollah et Amal d’autre part.

Le Parti Socialiste Progressiste, lui, a également émis ses réserves quant au système proportionnel. La communauté druze est une petite communauté qui est également une minorité dans son propre fief – le district du Chouf. Ayant récemment réussi à consolider la communauté, en se réconciliant avec l’émir Arslan, et à s’ouvrir aux partis de l’opposition sans rompre son alliance avec les mouvements du 14 mars, le but de Joumblatt est de maintenir le pouvoir et l’influence des druzes dans le sud de la montagne. Maintenant le soutien de nombreux chrétiens et sunnites de sa région, et maniant des alliances solides avec les grandes familles chrétiennes de « la Montagne », Joumblatt peut exercer un contrôle total sur les régions du Chouf et Aley, non seulement pour les législatives, mais également pour les municipales, dans les villages mixtes. L’introduction de la proportionnelle rime donc avec la fin du pouvoir de Joumblatt dans son propre fief.

Finalement, les partis chrétiens étaient divisés, comme d’habitude. Le Parti Kataëb a fait preuve de beaucoup d’instabilité dans ses positions. En premier lieu, il a posé comme condition une application de la proportionnelle à toutes les municipalités, et non seulement à Beyrouth. La raison pour cela est que Beyrouth, plus spécifiquement Achrafieh, est, avec Bikfaya et le Metn, un des fiefs des phalangistes. Avec la loi électorale actuelle, sa place à Beyrouth est assurée grâce à une alliance avec Hariri, et elle exclut ses principaux opposants, notamment le Courant Patriotique Libre (CPL). De même, à l’opposé du CPL, le parti jouit d’une popularité plus grande dans la montagne du Metn que dans les villes du littoral. Son soutien pour le système proportionnel partout dans le pays, plutôt qu’uniquement appliqué à Beyrouth est issu d’une part d’une position démocratique, mais reflète également ses intérêts : elle permet non seulement au CPL de faire son entrée à Beyrouth, mais également aux phalangistes d’avoir leur place dans les grandes villes du littoral. Au final, la représentation proportionnelle a néanmoins été rejetée par le parti au Parlement. Cette position changeante reflète également le débat interne au parti, qui, suite à la formation du gouvernement, a déclaré s’être retiré du 14 mars. Il a alors adopté une position plus critique vis-à-vis du gouvernement, mais demeure néanmoins allié à Hariri. Le soutien à la base pour la proportionnelle est dû au fait que le parti souhaite plus d’indépendance.

Les Forces Libanaises (FL), elles, se sont contentées de rester à l’écart des débats. Leurs discours ont cependant fait état d’un rejet des réformes, prétextant vouloir maintenir les élections à leurs dates prévues. Les FL représentent le plus grand parti chrétien du 14 mars, et jouissent donc d’une grande influence sur ce mouvement. Il demeure néanmoins un parti très minoritaire sur le terrain, ne pouvant donc pas jouir d’un grand pouvoir indépendamment du 14 mars. Ainsi, il préfère consolider le bloc, plutôt que de le voir se désintégrer. La loi électorale actuelle est donc le meilleur moyen d’assurer cet avantage.

Le Courant Patriotique Libre a, en premier lieu, préféré ne pas soutenir la représentation proportionnelle pour les municipales, indiquant que celle-ci pourrait engendrer des problèmes de gouvernance dans les petites municipalités. Il a préféré plutôt appeler à la division de Beyrouth en plusieurs districts électoraux, tout en maintenant la fédération municipale de Beyrouth. La raison est bien sûr politique. Dans le camp chrétien, le CPL est le plus fort dans les villes du littoral, c’est-à-dire dans les grandes municipalités chrétiennes, et plus faible dans certains petits villages plus éloignés. Ainsi, son souhait est de consolider son influence sur ces villes, mais aussi de faire son entrée à Beyrouth. Il a néanmoins été le seul parti à avoir apporté un soutien sans faille à la représentation proportionnelle, une fois celle-ci proposée par le Ministre Baroud et approuvée au Conseil des Ministres. Son rejet par le Parlement fut donc une grande déception, au point que les députés du CPL ont quitté la session parlementaire pour protester contre l’hypocrisie des autres partis politiques. Le CPL est également le parti qui a la plus grande influence sur la communauté chrétienne du pays. Mais il ne jouit pas d’une majorité à lui seul. Pour obtenir une majorité, et donc pour gagner des sièges au Parlement et aux conseils municipaux, le CPL se doit donc de construire des petites alliances – par opposition aux coalitions larges des courants du 14 mars – faute de quoi il se retrouvera isolé et non-représenté. La loi électorale actuelle est donc gênante pour un parti qui a pour slogan « réforme et changement », car elle le force à construire des alliances qui portent atteinte non seulement à l’intégrité du parti, mais également à sa popularité. Le CPL préfère donc soutenir une loi électorale basée sur la proportionnelle qui, comme pour le parti Kataëb, lui offrira plus d’indépendance. Il faut toutefois dire que le CPL avait été fort absent lors des dernières élections municipales en 2004. Ces élections municipales de 2010 seront donc les premières auxquelles il participe officiellement sur l’ensemble du territoire. Toute loi lui serait favorable, à l’exception de Beyrouth.

La municipalité de Beyrouth

Car la question de Beyrouth est importante. Nous parlons de la plus grande municipalité du pays, qui jouit des plus grandes ressources financières, et de loin. Mais hormis la question d’intérêts des partis, il faut prendre en compte la particularité de cette ville, et la différence entre la taille de celle-ci et celle des autres municipalités. Les districts du Mont-Liban – mais également du Liban entier – sont divisés en un grand nombre de municipalités, dont la moyenne se situe entre 3 et 4 000 électeurs par municipalité. Beyrouth comporte environ 440 000 électeurs, tous réunis dans une seule municipalité ou un seul district électoral, élisant donc toute une liste en un seul bloc conformément au système majoritaire plurinominal. L’opposition, qui représente environ le tiers de cette municipalité (32% des voix de l’ensemble de Beyrouth, lors des dernières législatives, 46% à Beyrouth I), ne sera donc nullement représentée. Le fait que cette municipalité soit unie en un seul district électoral est fortement injuste. Jounieh, par contre, est unifiée en une seule fédération municipale, mais compte bien 4 districts électoraux. La taille de Beyrouth, au niveau des électeurs inscrits, est environ équivalente à celle des circonscriptions de Jbeil, Kesrouan, Metn et Baabda mis ensemble. La différence de taille de ces districts électoraux est donc trop grande pour être juste, et la loi électorale en soi est trop anti-démocratique pour survivre le processus de démocratisation du pays, de la région et du monde !

Sommaire
Introduction
Les inconvénients de la loi 1960
Quelle alternative ?
La représentation proportionnelle
La politisation des débats autour de la loi municipale
Conclusion

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