Quel avenir pour la loi électorale libanaise ?
Posted by jeunempl sur avril 25, 2010
Par Dory Moutran – MPLBelgique.org
A l’issue des débats autour de la réforme de loi électorale (en vue des élections municipales de mai 2010) qui s’est soldée par un échec, il est important à présent de faire un pas en arrière afin de réfléchir quant à l’avenir des lois électorales au Liban, loin de toute politisation et surenchère. Les partis l’ayant fait chuter, évoquant souvent des prétextes, tels que la complexité de la loi, le temps trop court pour les mettre en application, ou même l’électeur, qui ne réussirait pas à la comprendre.
Et pourtant il s’agit d’une loi qui aurait fait avancer le Liban vers une démocratie plus consensuelle, voir tout simplement vers une démocratie, car la loi en vigueur actuellement, tant pour les législatives que pour les municipales, est tout sauf démocratique et représentative. Et la représentativité est importante. La majorité actuelle se lasse de l’argument souvent cité par l’opposition, qui prétend avoir obtenu un plus grand nombre de voix que le mouvement du 14 mars. Et pourtant, l’argument est de poids : comment une coalition peut-elle remporter des élections, alors qu’elle ait obtenu un nombre inférieur de voix ? Et la légitimité du parti gagnant est-elle remise en question dans ces conditions ? Et comment éviter ce genre de scénario à l’avenir ?
Loin de nous intéresser aux accusations liées aux fraudes – vote des expatriés, achats de voix, transferts de registres civils, etc. – nous nous intéresserons particulièrement aux résultats officiels de ces élections, ainsi qu’à la loi électorale qui a décidé de la répartition des sièges au parlement. Nous examinerons pourquoi la loi, dite « de 1960 », appliquée lors des élections législatives de juin 2009, et étant ressuscitée comme un consensus lors des pourparlers de Doha en mai 2008, ne peut nous offrir qu’une solution temporaire aux conflits interlibanais, intrinsèquement liés à la participation gouvernementale d’un parti – mais également à la part de chacun dans ce gouvernement. Elle n’offre rien de neuf, ne serait-ce qu’elle atténue légèrement les effets déséquilibrant de la loi de 2000, surnommée « loi Hariri-Kanaan ».
Nous explorerons par la suite les alternatives à la loi actuelle, et leurs applicabilités dans le contexte libanais. Le scrutin majoritaire uninominal et la représentation proportionnelle étant les deux systèmes les plus utilisés dans les pays démocratiques, nous exposerons les avantages et les inconvénients de chacun.
Enfin, nous nous attarderons sur la politisation des débats qui ont entouré la réforme manquée de la loi électorale pour les municipales, les partis ayant agi par égoïsme plutôt que par intérêt général. Nous ne manquerons pas non plus d’expliciter la problématique de la municipalité de Beyrouth.
Les inconvénients de la loi 1960
Le scrutin majoritaire plurinominal ou le vote en bloc
Le système électoral libanais est basé sur le système majoritaire, mais il ne peut cependant être comparé aux systèmes majoritaires utilisés dans les démocraties occidentales, ceux-ci étant basés sur la circonscription uninominale, soit un siège par circonscription – les Etats-Unis ou le Royaume-Uni à un tour, la France à deux tours. Les circonscriptions libanaises étant de taille moyenne, c’est-à-dire comportant plusieurs sièges chacune – allant de 2 à Becharré et à Saïda, jusqu’à 10 à Baalbeck-Hermel et à la 3e circonscription de Beyrouth – la répartition se fait donc conformément au concept du ‘winner-takes-all’.
Le gagnant peut donc se contenter de 51% des voix pour remporter la totalité des sièges de la circonscription – ou simplement recevoir le plus grand nombre de voix, fut-ce inférieur à 50 pour cent, s’il y aurait plus de 2 listes dominantes. Ce fut le cas à Achrafieh ou à Zahlé, où la majorité, ayant reçu respectivement 52 et 53 pour cent des voix, a remporté 100 pourcent des sièges qui y sont issues. Cela fonctionne également dans l’autre sens : l’opposition réalise un carton plein au Kesrouan et à Baabda, alors que celle-ci y a respectivement reçu 52 et 53 pour cent des voix également.
Un modèle dépassé
A l’origine, le scrutin majoritaire plurinominal avait une raison typiquement libanaise d’exister. Il permettait aux électeurs de voter pour des candidats individuels et/ou indépendants. En effet, de nombreux électeurs ont du mal à faire le choix entre deux partis, mais préfèrent « sélectionner » leurs candidats préférés sur des listes différentes. Le concept du toshtib permet aux électeurs « traditionnels » de ne pas avoir à faire un choix exclusif. Ils peuvent ainsi choisir de remplacer un ou plusieurs noms d’une liste particulière, par des personnalités qu’ils apprécient, que ce soit pour leur charisme, leur programme politique, pour les services – khadameet – qu’ils offrent, ou simplement par tradition – l’allégeance aux « grandes » familles.
Non-conforme avec les systèmes politiques modernes, le « vote en bloc » est le plus souvent utilisé dans les pays où les partis politiques sont soit faibles, soit non-existants. Ce système n’est d’ailleurs utilisé que dans une douzaine de pays dans le monde (15 au plus, certains utilisant des systèmes mixtes), aucun d’entre eux n’étant considéré comme une « démocratie stable et moderne ». Et la tendance est à la baisse. En Europe, seules quelques îles anglo-normandes, jouissant d’une autonomie quasi-totale, utilisent encore ce système. Nous sommes donc sur le même banc que le Koweït, les Maldives, le Laos, l’Autorité Palestinienne et… la Syrie. La Jordanie, la Mongolie, les Philippines et la Thaïlande ont remplacé ce système il y a bien longtemps, à cause de ses effets négatifs.
Ce système n’a pourtant plus sa place au Liban, car les raisons de son application ont désormais disparu. De nombreuses « prévisions » électorales pour les législatives de 2009 nous préparaient à un scénario où les sièges de certaines régions – notamment Koura, Batroun, Metn, Beyrouth I, mais également Saïda, Tripoli, Zahlé et la Bekaa de l’Ouest – soient répartis entre les 2 listes dominantes. Cela n’a eu lieu qu’au Metn, où Sami Gemayel et Michel Murr ont réussi à « percer » la liste du Changement et de la Réforme. Ailleurs, il aura fallu la bonne volonté de Walid Joumblat, afin que son rival Talal Arslan occupe une place au parlement, et un accord à la 2e circonscription de Beyrouth, pour que différentes parties soient représentées dans un même district.
De plus, sur chaque liste, l’écart entre le premier et le dernier n’était jamais très grand. En effet, les libanais, dans leur ensemble, ont voté pour des listes complètes, se conformant donc au système de partis, abandonnant plus ou moins le vote traditionnel pour les leaders locaux.
Vers un système de partis au Liban
Le coefficient de variation calcule la dispersion des nombres de voix obtenus par chaque candidat sur une liste, par rapport à la moyenne obtenue par celle-ci. En somme, il nous permet de mesurer la tendance des électeurs à offrir leurs voix à une liste unique, ou à les répartir entre des candidats de listes adverses. Le tableau ci-dessous nous offre les moyennes des coefficients de variation dans les différents districts électoraux, ainsi que les moyennes aux niveaux des Mohafazats et la moyenne nationale.
Moyennant un coefficient de variation de 5,79% pour la majorité et de 5,54% pour l’opposition sur l’ensemble du territoire, il est extrêmement bas dans les circonscriptions où la compétition est rude. Il varie dans les autres circonscriptions. Les seules exceptions concernent notamment les districts dans lesquels une coalition n’avait aucune chance de « percer » la liste adverse (ex. Tripoli), ou les districts où plus de deux listes se sont présentées, comme ce fut le cas à Jezzine.
Cela étant dit, les électeurs ont donc bien respecté les listes proposées par leurs partis favoris. La discipline de parti l’a donc emporté sur la tradition, rendant le système majoritaire plurinominal désormais inutile, voir contreproductif !
Disproportion dans les résultats finaux
En considérant les résultats finaux, nous avons un décalage radical entre le nombre de voix total obtenu par chacun des deux camps, et la part qu’ils ont reçue au sein du parlement : avec environ 707.000 voix (43%), la majorité remporta 71 sièges, alors que l’opposition, avec environ 852.000 voix (52%), n’obtint que 57 sièges.
Notons que les victoires de l’opposition à Zghorta, Kesrouan et Metn a été courte. Si le mouvement du 14 mars y avait remporté une victoire toute aussi courte, elle aurait pu jouir d’une majorité de plus des 2 tiers du Parlement – 85 sièges – avec un nombre inférieur de voix à celui de l’opposition.
Une deuxième conséquence est la mal-représentation des minorités, qu’elles soient politiques, religieuses ou locales. Rien ne justifie que les partisans du 14 mars issus du Kesrouan, ayant contribué à 45 pour cent des voix, se contentent de se sentir représentés par les députés du bloc du Changement et de la Réforme du Kesrouan, ou alors par les députés du 14 mars d’une région tierce. Similairement, il n’est pas acceptable qu’un partisan du Courant Patriotique Libre de Achrafieh doive avoir recours à l’un des cinq députés de sa région pour lesquels il n’a pas voté, afin de présenter ses doléances concernant des affaires locales.
Cela est encore plus grave dans des régions où les minorités religieuses ont peu ou aucun mot à dire quant aux résultats des élections : à Baalbeck, le poids des voix chiites éclipse celui des autres communautés, qu’elles soient chrétiennes ou sunnites. Il y a pourtant deux députés représentant chacune de ces communautés dans cette région. Pareil à Akkar, Tripoli, Jbeil, la 3e circonscription de Beyrouth, la Bekaa de l’Ouest, ainsi que de nombreuses circonscriptions du sud. Le système confessionnel – tant qu’il est de vigueur – est tel que les électeurs de chaque région doivent se sentir représentés de deux manières : politiquement et religieusement. Le système majoritaire plurinominal, dans sa forme employée au Liban, porte atteinte à la représentation des minorités locales…
Cela mène également à des confrontations électorales basées sur des coalitions confessionnelles dans certaines régions : au Chouf, à Aley, à Beyrouth II, au Metn, et à Zahlé notamment, où aucune communauté n’est majoritaire, nous faisons face à des coalitions plutôt confessionnelles que politique : druzes alliés aux sunnites ; sunnites, chiites ou arméniens faisant pencher la balance dans l’une et l’autre circonscription « chrétienne ». Cela mène également les leaders politiques à utiliser des arguments confessionnels, et certaines fois des propos injurieux vis-à-vis de toute une communauté.
Gerrymandering
Une coalition peut remporter plusieurs courtes victoires dans certaines circonscriptions, mais perdre avec un grand écart dans d’autres circonscriptions, et être déclarée vainqueur au total, alors qu’elle a reçu un nombre bien inférieur de voix. C’est ce qu’on appelle le Gerrymandering, une technique qui consiste à réorganiser les districts électoraux en faveur d’un groupe politique, ethnique ou religieux, et transformer une défaite électorale en une victoire.
Le tableau ci-dessous permet de mieux comprendre le fonctionnement du Gerrymandering :
Considérons « A » et « B », deux partis en compétition, et les circonscriptions proposées pouvant être soit les colonnes, soit les rangées. En découpant les circonscriptions en rangées, « A » remporte les élections avec 4 sièges contre 1 pour « B », alors qu’en découpant les circonscriptions en colonnes, « B » remporte les élections avec 3 sièges contre 2. On peut noter cependant qu’au total, « A » reçoit 14 voix contre 11 pour « B », mais cela ne change pas le fait que « B » pourrait remporter les élections, s’il réussit à imposer, d’une manière ou une autre, un découpage électorale lui offrant un avantage.
En terminer avec le système majoritaire
En terminer avec le système majoritaire, c’est en terminer avec le rejet de l’autre. La tradition politique au Liban veut que le parti gagnant se considère « l’unique » sur le terrain, même lorsque la marge de sa victoire ne fut que de quelques milliers de voix. D’ailleurs, peut-on dire que Omar Karame ne représente rien à Tripoli, bien qu’il ait amassé plus de 30.000 voix ? Peut-on également dire que l’opposition ne représente rien à Koura, au Batroun, à Aley, malgré qu’elle y ait eu entre 37 et 44 pour cent des voix ? Il en va de même pour le 14 mars, qui, dans de nombreuses régions chrétiennes – Zghorta, Jbeil, Kesrouan, Baabda entre autre – est présenté comme perdant, alors qu’il représente plus de 40 pour cent des électeurs.
Mais cela ne se limite pas aux régions où l’écart était réduit. Dans les régions où la bataille n’eut pas lieu, les minorités politiques, bien que considérées comme inexistantes, devraient avoir droit non seulement à une représentation, mais également à une reconnaissance. Si la représentation proportionnelle avait été appliquée à Baalbeck et dans la 3e circonscription de Beyrouth, les perdants auraient eu droit à respectivement 1 et 2 des 10 sièges disponibles, une maigre récompense ne remettant pas en doute la domination des listes victorieuses.
Quelle alternative ?
La proportionnelle est de plus en plus utilisée dans le monde entier. Lors des dernières élections européennes – ayant eues lieu le même jour que dans notre pays – la France et le Royaume-Uni, deux des derniers grands pays européens à utiliser le système majoritaire uninominal, ont, pour la première fois de leur histoire, usé du système proportionnel pour répartir les sièges. Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence : dans de nombreux pays, le débat autour du système électoral mène vers une demande pour plus de proportionnalité. De plus, le système proportionnel est le système le plus utilisé dans les démocraties établies, et notamment dans les « nouvelles démocraties ». Il est vrai néanmoins que de nombreuses grandes démocraties, telles que la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, utilisent le système majoritaire à circonscription uninominale (un siège par circonscription).
Le scrutin majoritaire uninominal
Le choix, au Liban, entre le système proportionnel et la circonscription uninominale n’est pas facile. Le principal problème avec le scrutin majoritaire uninominal, est que son application est particulièrement difficile, voire impossible, dans un pays où démocratie consensuelle rime avec parité confessionnelle entre musulmans et chrétiens d’abord, mais également entre les différentes communautés musulmanes et chrétiennes.
Diviser le Liban en 128 circonscriptions, chacune représentant une communauté, et étant représentée par un député de cette même communauté, est une tâche impossible. La conséquence principale serait que les députés seront élus par un nombre trop différent d’électeurs – vu la réalité démographique. Si la droite chrétienne se réjouirait d’un tel système, les musulmans, eux, le qualifieront très vite comme non-conforme aux valeurs démocratiques.
De plus, il est très difficile de garantir l’homogénéité des districts électoraux, notamment dans les régions et les villages mixtes. Ce système porte également atteinte à ceux ou celles qui se sont affranchis de la mentalité confessionnelle, et qui, faute de candidat reflétant leurs opinions, se retrouveront exclus du système électoral. Les électeurs seront donc forcés de voter pour des candidats de leurs propres confessions, ce qui va à l’encontre des tentatives de déconfessionnaliser la politique et les mentalités.
Le système majoritaire permet néanmoins une stabilité, excluant les petits partis aux idéologies et aux programmes peu populaires, et affaiblissant les partis extrémistes (nationalistes, séparatistes ou communistes), offrant donc au parti pourvus d’une majorité la chance de gouverner sans nuisances constantes. Cependant, dans un pays ayant connu 15 années de guerre civile, suivies de 15 ans d’occupation et encore 5 ans de crise, et dont la carte politique se subdivise en une dizaine de communautés religieuses, et un nombre bien trop grand de partis, peut-être serait-il sage de permettre une représentation plus « correcte » des libanais, et un mode plus consensuel de gouverner. Cet argument ne tient donc qu’en Europe, où ces partis déviants – par rapport aux valeurs démocratiques – sont minoritaires, et non au Liban, où les partis majoritaires ont vite recours à des discours sectaires.
Finalement, avec le système majoritaire, que ce soit sur la scène chrétienne ou nationale, nombreux sont ceux qui, faute d’alternatives, se retrouvent « obligés » de choisir entre deux camps qu’ils n’aiment pas, mais votent néanmoins pour le camp qui, à leurs yeux, serait moins dangereux que l’autre. Dans ces conditions, il est difficile pour une liste tierce, dite « modérée », « centriste » ou « indépendante », d’émerger, sans que cela ne mène vers un nouveau remaniement des alliances électorales. Le système majoritaire mène directement à un système bipolaire, et souvent à des alliances dites « contre-nature », entre des partis aux idéologies trop différentes.
La représentation proportionnelle
Le principal avantage de la représentation proportionnelle est la recherche d’une adéquation entre le total – national ou régional – de voix accordées à un parti, et le nombre de sièges obtenus par celui-ci. Ainsi, un parti ayant obtenu 40 pourcent des voix, recevrait environ 40 pourcent des sièges.
Cela est surtout avantageux pour les petits partis, ou pour les partis jouissant d’une popularité dispersée sur l’ensemble du territoire – par opposition au système majoritaire uninominal, qui avantage plutôt les partis jouissant d’une popularité équivalente, mais concentrée sur un petit territoire. Ainsi, un petit parti ayant obtenu 20% du total des voix, mais répartis sur l’ensemble du territoire, pourrait être récompensé par environ 20% des sièges au Parlement grâce au système proportionnel, alors qu’il risque de se retrouver totalement exclu avec le système majoritaire.
De plus, le système proportionnel permet à un plus grand nombre de partis ou de coalitions de participer aux élections, en offrant aux électeurs de voter pour des partis reflétant réellement leurs idéaux, plutôt que de les « forcer » à choisir entre deux listes, et de voter pour « le moindre de deux maux ». Contrairement au système majoritaire, les listes dites tierces ou « indépendantes », ne dérangent pas la rivalité entre deux camps dominant, mais sont offertes une opportunité de gouverner, équivalente à leur taille, sans qu’il y ait question de « gaspillage de vote ». Le système proportionnel offre donc aux électeurs d’être réellement représentés, plutôt que représentés « par défaut ». Il incite donc la représentation politique, religieuse et socio-culturelle des électeurs.
Notons également que le Gerrymandering devient particulièrement impossible sous le régime proportionnel. Le transfert de voix – on parle de 12.000 voix « sunnites » transférées vers Zahlé afin de faire pencher la balance en faveur du 14 mars – étant également une sorte de Gerrymandering, celui-ci perd également son utilité. En effet, le transfert de ces 12.000 voix qui pourrait, sous la proportionnelle, faire gagner à un parti un siège supplémentaire, lui en ferait perdre un autre dans le ou les districts desquelles ces voix sont issues. Similairement, la proportionnelle mettrait fin au conservatisme du système électoral libanais, qui stipule que les électeurs votent dans leur village d’origine. La balance démographique ne serait donc nullement affectée.
Le fonctionnement du système proportionnel
S’il existe une difficulté dans l’adoption de ce système, c’est bien son adaptabilité au système confessionnel. Il s’agit néanmoins uniquement de la difficulté à expliquer cette adaptation, et non la faisabilité de celle-ci.
La répartition des sièges sous le régime proportionnel se fait de manière… proportionnelle. Les systèmes les plus utilisés sont les système D’Hondt et Sainte-Laguë, explicités dans l’exemple ci-dessous.
La répartition des sièges au sein de chaque liste se fait à travers les voix préférentielles : en votant pour une liste X, l’électeur peut également faire le choix de ses candidats favoris au sein de chaque liste. Ainsi, les candidats ayant obtenu le plus de votes préférentiels sont hissés vers le haut de leur liste, et obtiennent donc une meilleure chance d’être élus, au détriment des autres candidats de la même liste.
Au Liban, cependant, on ne peut se résoudre à répartir les sièges de cette manière. Il faut, en plus, tenir compte du système confessionnel. Nous devons donc avoir recours à un système nettement plus complexe.
Prenons donc la situation suivante :
Dans une circonscription similaire à celle du Metn, 80.000 électeurs sont appelés aux urnes pour élire 8 députés (4 maronites, 2 orthodoxes, 1 grec catholique et 1 arménien orthodoxe). Une liste A obtient 40.000 voix (50%), une liste B 28.000 voix (35%), et une liste C 12.000 voix (15%). La division successive par 1, 2, 3, 4, 5, etc. (méthode D’Hondt) est utile pour décider de l’ordre (décroissant) dans lequel les sièges seront attribués (la méthode Sainte-Laguë divise le nombre de voix par 1, 3, 5, 7 etc.). Le premier siège est donc attribué à la liste A, le deuxième à la liste B, le troisième à la liste A de nouveau, puis B, A, C, A et B. La liste A obtient donc 4 sièges (50%), la liste B 3 sièges (37,5%), et la liste C 1 siège (12,5%).
Le tableau de droite indique le classement des voix préférentielles offertes par les partisans de chaque liste aux différents candidats de celle-ci. Les sièges seront alloués suite à la division successive du nombre de voix total (par 1, puis 2,3, 4, 5, etc.), et en prenant les 8 plus grands quotients dans l’ordre. Ainsi, les candidats arménien et maronite (MA4) de la liste A, devront céder leurs places aux candidats maronite de la liste B, et arménien de la liste C. De même, bien que ces mêmes candidats aient reçu un nombre de voix préférentiels supérieur au candidat grec catholique de la même liste, ce sera ce dernier qui sera élu.
Ce système peut sembler tordu a priori, mais il cache une réalité bien plus complexe : le fait que la liste A soit menée par des maronites, et la liste C par un arménien, reflèterait l’identité confessionnelle de ces 2 listes. Ainsi, un parti arménien, bien que largement minoritaire, pourrait en arriver à faire élire son candidat pour le seul siège arménien, sans avoir recours à des alliances qui remettraient en cause son idéologie ou sa neutralité. En effet, à l’instar du Tachnag, qui représente la majorité de la communauté arménienne du Liban, cette liste C qui, dans un système majoritaire, s’allierait à l’une des 2 listes dominantes pour réussir ou non à faire élire son représentant, pourra, dans un système proportionnel, conserver son indépendance et sa neutralité tout en parvenant à faire élire son principal candidat. Cet avantage du système proportionnel peut être reproduit dans toutes les circonscriptions où une minorité confessionnelle s’oppose à une majorité politique, ou tout simplement là où des minorités confessionnelles s’opposent politiquement. Ceci ne vaut évidemment que lorsque ces minorités représentent une part équivalente ou supérieure au minimum requis pour l’obtention d’un siège. En effet, une communauté représentant moins de 10% d’un district où moins de 10 sièges sont disponibles, ne bénéficie pas d’une force électorale suffisante pour faire élire un candidat. Dans ce cas-ci, il lui est toutefois possible de bâtir une alliance avec un groupe politique – minoritaire ou dominant – afin d’exercer une influence plus importante sur les résultats.
D’autre part, dans un contexte où les partis seraient laïcs ou pluriconfessionnels, les voix préférentielles seront plus vite liées aux points de vue politiques et aux compétences des candidats qu’à leur appartenance confessionnelle. Le système proportionnel admet donc une évolution des mentalités politiques et une politique de partis, alors que le système majoritaire uninominal préserve un vote strictement communautaire, renforçant ainsi l’esprit de fiefs confessionnels, mais également traditionnels – les « chefs de clan », les leaders locaux, ces derniers étant plus souvent élus pour les « services » ou les « faveurs » qu’ils offrent à leurs électeurs qu’à leurs compétences et leurs réalisations politiques.
Quelles circonscriptions ?
La taille des circonscriptions peut être discutée et peut résulter d’un compromis. Plus les circonscriptions sont grandes, plus la répartition des sièges reflètera mieux les résultats électoraux totaux. En effet, un système proportionnel à circonscription unique – ou nationale – représentera les partis politiques à leur juste taille. Néanmoins , plus les districts électoraux sont petits, plus il y aura de risques de disproportions. En effet, dans un district électoral à deux sièges, une liste obtenant 35% des voix, et une autre obtenant 65%, remporteront toutes les deux un siège, soit 50% du total. De même, un parti obtenant 10% des voix dans une circonscription ne peut jouir de 10% des sièges que lorsque le nombre de sièges disponible est suffisamment grand. Il pourra peut-être jouir d’un siège dans une circonscription comprenant 10 sièges, mais pas dans une petite circonscription à 3 sièges.
Les petites circonscriptions renforcent également les petits partis et les leaders locaux, dont la popularité se concentre dans un « fief », alors que les grandes circonscriptions renforcent les partis, petits ou grands, dont la popularité se répartit de manière plus ou moins équitable sur l’ensemble du territoire.
Mais comment justifier l’une ou l’autre taille de circonscription ? Les théories d’Arendt Lijphart sur le consociationalisme – théories s’attardant sur les modes de gouvernance dans les pays faisant état de division forte, d’un point de vue socio-politique mais surtout culturel ou ethno-religieux – présentent les circonscriptions de taille moyenne comme le compromis idéal. Ainsi, les leaders locaux, les minorités – politiques, confessionnelles ou socio-culturelles – et les partis à popularité concentrée, maintiendront une certaine importance dans leurs « fiefs », préservant ainsi les particularités et les identités politiques régionales, ce qui contribue en conséquence à une stabilité politique.
Ainsi, on pourrait par exemple prendre comme base de circonscription, les provinces libanaises (entre 19 sièges à Beyrouth et 35 dans le Mont-Liban), ou même une division de taille similaire aux districts électoraux de la loi 2000 (autour de 15 sièges par circonscription environ).
La politisation des débats
Toutes les propositions de réformes ont le potentiel de diviser la classe politique ainsi que la population, au point que beaucoup d’entre elles finissent par ne jamais être adoptées. Mais dans le cas que nous avons étudié, il s’agit d’une réforme qui rendrait le pays plus démocratique.
Alors pourquoi a-t-elle chuté à la veille de ces élections municipales en 2010? Ce n’était certainement pas les prétextes utilisés, tel que le temps ou la complication. Notons que le système proportionnel est plus simple à appliquer aux municipales où, contrairement aux législatives, la parité confessionnelle n’est pas requise (sauf à Beyrouth, où celle-ci n’est pas issue du cadre de la Constitution, mais à travers un accord entre chrétiens et musulmans de la capitale).
En réalité, les partis ayant rejeté la proposition de loi sont ceux qui ont le plus de raisons d’y perdre. En première ligne, nous avons le Courant du Futur, mais également la majorité sunnite en général. La raison est que la communauté sunnite, contrairement aux autres grandes communautés, notamment les communautés maronite et chiite, est regroupée dans quelques grandes villes, et non sur un vaste territoire. Tripoli, Beyrouth et Saida, sont les 3 grandes villes sunnites par excellence, sur lesquelles la classe politique sunnite dans son ensemble exerce son influence et son contrôle. De plus, dans ces 3 districts, les sunnites y exercent un contrôle quasi total. Par bonne volonté, la communauté a traditionnellement accordé une part des sièges à ses alliés des communautés chrétiennes (la moitié à Beyrouth). Ainsi, la loi électorale actuelle leur permet de maintenir le contrôle sur l’ensemble de la ville, ainsi que sur ses alliés, dont la présence dépend entièrement de la bonne volonté, et non du processus démocratique.
Deuxièmement, nous avons également le Hezbollah et le parti Amal. Ces deux partis, représentant la majorité de la communauté chiite, ont traditionnellement soutenu le système de représentation proportionnelle. Mais le rejet récent de celui-ci fait état d’une certaine hypocrisie. En effet, et sans détour, leur soutien de la proportionnelle provient notamment du fait que la communauté chiite est la plus grande communauté du pays. C’est aussi celle qui grandit le plus rapidement. Sur le plan national, pour les législatives, cette coalition contrôle Baalbeck et l’ensemble des districts du Sud-Liban, à l’exception de Jezzine et de Saida. Avec la proportionnelle, elle continuera de dominer ces régions, mais exercera une influence plus grande et grandissante sur d’autres districts, tels que Jbeil, Baabda, Jezzine, Zahlé, la Bekaa de l’Ouest et Beyrouth. Son soutien pour un district unique national sur base de la représentation proportionnelle est aussi dû au fait qu’avec le système actuel, la communauté chiite n’est pas représentée conformément à sa taille réelle. Disposant de 27 sièges au parlement (soit 21% du Parlement), la communauté représente bien plus que cela selon les estimations démographiques. Cependant, l’alliance chiite fait preuve en quelque sorte d’une hypocrisie, car elle appelle souvent à une déconfessionnalisation du système politique, tout en ne cachant pas que cette revendication est motivée par sa volonté de répercuter la croissance démographique de sa communauté sur son poids politique. Elle a refusé cependant d’ouvrir la voie à plus de démocratie dans les régions qu’elle contrôle. En effet, la proportionnelle dans les districts chiites veut dire que les villes de Baalbeck, Tyr et Nabatiyeh devront s’ouvrir à plus de compétitivité, entre l’alliance Hezbollah-Amal et des partis tiers d’une part, et entre le Hezbollah et Amal d’autre part.
Le Parti Socialiste Progressiste, lui, a également émis ses réserves quant au système proportionnel. La communauté druze est une petite communauté qui est également une minorité dans son propre fief – le district du Chouf. Ayant récemment réussi à consolider la communauté, en se réconciliant avec l’émir Arslan, et à s’ouvrir aux partis de l’opposition sans rompre son alliance avec les mouvements du 14 mars, le but de Joumblatt est de maintenir le pouvoir et l’influence des druzes dans le sud de la montagne. Maintenant le soutien de nombreux chrétiens et sunnites de sa région, et maniant des alliances solides avec les grandes familles chrétiennes de « la Montagne », Joumblatt peut exercer un contrôle total sur les régions du Chouf et Aley, non seulement pour les législatives, mais également pour les municipales, dans les villages mixtes. L’introduction de la proportionnelle rime donc avec la fin du pouvoir de Joumblatt dans son propre fief.
Finalement, les partis chrétiens étaient divisés, comme d’habitude. Le Parti Kataëb a fait preuve de beaucoup d’instabilité dans ses positions. En premier lieu, il a posé comme condition une application de la proportionnelle à toutes les municipalités, et non seulement à Beyrouth. La raison pour cela est que Beyrouth, plus spécifiquement Achrafieh, est, avec Bikfaya et le Metn, un des fiefs des phalangistes. Avec la loi électorale actuelle, sa place à Beyrouth est assurée grâce à une alliance avec Hariri, et elle exclut ses principaux opposants, notamment le Courant Patriotique Libre (CPL). De même, à l’opposé du CPL, le parti jouit d’une popularité plus grande dans la montagne du Metn que dans les villes du littoral. Son soutien pour le système proportionnel partout dans le pays, plutôt qu’uniquement appliqué à Beyrouth est issu d’une part d’une position démocratique, mais reflète également ses intérêts : elle permet non seulement au CPL de faire son entrée à Beyrouth, mais également aux phalangistes d’avoir leur place dans les grandes villes du littoral. Au final, la représentation proportionnelle a néanmoins été rejetée par le parti au Parlement. Cette position changeante reflète également le débat interne au parti, qui, suite à la formation du gouvernement, a déclaré s’être retiré du 14 mars. Il a alors adopté une position plus critique vis-à-vis du gouvernement, mais demeure néanmoins allié à Hariri. Le soutien à la base pour la proportionnelle est dû au fait que le parti souhaite plus d’indépendance.
Les Forces Libanaises (FL), elles, se sont contentées de rester à l’écart des débats. Leurs discours ont cependant fait état d’un rejet des réformes, prétextant vouloir maintenir les élections à leurs dates prévues. Les FL représentent le plus grand parti chrétien du 14 mars, et jouissent donc d’une grande influence sur ce mouvement. Il demeure néanmoins un parti très minoritaire sur le terrain, ne pouvant donc pas jouir d’un grand pouvoir indépendamment du 14 mars. Ainsi, il préfère consolider le bloc, plutôt que de le voir se désintégrer. La loi électorale actuelle est donc le meilleur moyen d’assurer cet avantage.
Le Courant Patriotique Libre a, en premier lieu, préféré ne pas soutenir la représentation proportionnelle pour les municipales, indiquant que celle-ci pourrait engendrer des problèmes de gouvernance dans les petites municipalités. Il a préféré plutôt appeler à la division de Beyrouth en plusieurs districts électoraux, tout en maintenant la fédération municipale de Beyrouth. La raison est bien sûr politique. Dans le camp chrétien, le CPL est le plus fort dans les villes du littoral, c’est-à-dire dans les grandes municipalités chrétiennes, et plus faible dans certains petits villages plus éloignés. Ainsi, son souhait est de consolider son influence sur ces villes, mais aussi de faire son entrée à Beyrouth. Il a néanmoins été le seul parti à avoir apporté un soutien sans faille à la représentation proportionnelle, une fois celle-ci proposée par le Ministre Baroud et approuvée au Conseil des Ministres. Son rejet par le Parlement fut donc une grande déception, au point que les députés du CPL ont quitté la session parlementaire pour protester contre l’hypocrisie des autres partis politiques. Le CPL est également le parti qui a la plus grande influence sur la communauté chrétienne du pays. Mais il ne jouit pas d’une majorité à lui seul. Pour obtenir une majorité, et donc pour gagner des sièges au Parlement et aux conseils municipaux, le CPL se doit donc de construire des petites alliances – par opposition aux coalitions larges des courants du 14 mars – faute de quoi il se retrouvera isolé et non-représenté. La loi électorale actuelle est donc gênante pour un parti qui a pour slogan « réforme et changement », car elle le force à construire des alliances qui portent atteinte non seulement à l’intégrité du parti, mais également à sa popularité. Le CPL préfère donc soutenir une loi électorale basée sur la proportionnelle qui, comme pour le parti Kataëb, lui offrira plus d’indépendance. Il faut toutefois dire que le CPL avait été fort absent lors des dernières élections municipales en 2004. Ces élections municipales de 2010 seront donc les premières auxquelles il participe officiellement sur l’ensemble du territoire. Toute loi lui serait favorable, à l’exception de Beyrouth.
La municipalité de Beyrouth
Car la question de Beyrouth est importante. Nous parlons de la plus grande municipalité du pays, qui jouit des plus grandes ressources financières, et de loin. Mais hormis la question d’intérêts des partis, il faut prendre en compte la particularité de cette ville, et la différence entre la taille de celle-ci et celle des autres municipalités. Les districts du Mont-Liban – mais également du Liban entier – sont divisés en un grand nombre de municipalités, dont la moyenne se situe entre 3 et 4 000 électeurs par municipalité. Beyrouth comporte environ 440 000 électeurs, tous réunis dans une seule municipalité ou un seul district électoral, élisant donc toute une liste en un seul bloc conformément au système majoritaire plurinominal. L’opposition, qui représente environ le tiers de cette municipalité (32% des voix de l’ensemble de Beyrouth, lors des dernières législatives, 46% à Beyrouth I), ne sera donc nullement représentée. Le fait que cette municipalité soit unie en un seul district électoral est fortement injuste. Jounieh, par contre, est unifiée en une seule fédération municipale, mais compte bien 4 districts électoraux. La taille de Beyrouth, au niveau des électeurs inscrits, est environ équivalente à celle des circonscriptions de Jbeil, Kesrouan, Metn et Baabda mis ensemble. La différence de taille de ces districts électoraux est donc trop grande pour être juste, et la loi électorale en soi est trop anti-démocratique pour survivre le processus de démocratisation du pays, de la région et du monde !
Conclusion
La démocratisation des institutions gouvernementales libanaises ne se fait pas qu’à travers sa loi électorale. Mais cette dernière est fort importante dans la mesure où elle accorde une légitimité aux partis au pouvoir, ainsi qu’aux décisions prises dans le cadre de leurs mandats.
D’autres réformes sont également indispensables afin de moderniser le pays. Concernant la loi électorale, il est nécessaire de mentionner les modalités techniques, telles que les dépenses électorales, les bulletins de vote officiels pré-imprimés, l’abaissement de l’âge de vote à 18 ans, l’autorisation accordée au personnel militaire, le droit de vote aux expatriés, la facilitation de l’accès des handicapés aux bureaux de vote, etc.
La démocratie requiert également une lutte plus efficace contre la corruption. Ainsi, un organe indépendant de contrôle administratif et pourvu d’un pouvoir judiciaire devrait être mis en place. La corruption affecte également le processus électoral, que ce soit à travers l’achat de voix ou le transfert, illégal ou non, d’électeurs d’une partie du pays vers une autre, dans un but purement électoral. De plus, le mode de supervision et de contrôle des élections doit également être plus démocratique, et plus juste. En effet, les dépenses électorales ont largement surpassé les quotas autorisés, et l’achat de voix (direct ou à travers l’offre de billets d’avions gratuits) a eu lieu sans aucun commentaire de la commission électorale, du ministère de l’intérieur, ou de la part des institutions judiciaires. Ces dernières font également état de très peu d’indépendance. Les recours déposés par les candidats perdants ont tous été rejetés, et ce ne sont pas des arguments légaux qui furent évoqués, mais plutôt l’argument du contexte d’unité nationale, et de la nouvelle entente entre les partis dans le cadre de la formation du gouvernement…
Il est donc essentiel que les citoyens de notre pays puissent jouir de plus d’indépendance dans leurs choix démocratiques, afin se libérer de l’ambiance bipolaire qui règne actuellement sur la scène politique nationale.
Sommaire
Introduction
Les inconvénients de la loi 1960
Quelle alternative ?
La représentation proportionnelle
La politisation des débats autour de la loi municipale
Conclusion
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