Discours du Général Aoun à l’occasion du diner annuel de la Diaspora : « Bienvenue sur la terre de votre mère patrie »
Posted by jeunempl sur décembre 30, 2009
Traduit par RPL France
En 1998, j’étais invité à l’Université de Sydney en Australie pour donner une conférence et je devais me présenter aux australiens et d’où je viens ; avec un peu d’embarras car je ne savais pas comment leur indiquer la localisation de ce pays dont on est incapable de mettre son nom sur son territoire sur la carte et on le met toujours dans la mer. Ce petit pays, présent à l’est de la méditerranée couvre en réalité le monde, du pôle nord au pôle sud. Vous avez le droit d’être fier de ce pays, sans chauvinisme, car il vous procure la confiance et vous donne des dimensions culturelles multiples qui vous permettent de vivre dans n’importe quel pays. Vous portez en vous l’essence des civilisations dans votre éducation et votre culture.
Notre langue d’origine était l’araméen. Les phéniciens sont ceux qui ont inventé la lettre et ont trouvé le lien entre l’œil et l’oreille en donnant une image au son et un son à l’image. Cette lettre était le récipient qui a pu contenir les connaissances et les sciences du monde que nous héritons et nous développons. Par la suite, nous avons parlé le grec et nous avons enseigné la philosophie, et nous avons enseigné les mathématiques. Puis nous avons parlé le latin, en plus de notre langue d’origine et nous avons enseigné le droit. D’ailleurs, l’école de droit de Beyrouth était la première au début des siècles chrétiens, d’où le titre de « Beyrouth, mère des lois ». Plus tard, nous avons adopté la langue arabe, en l’enrichissant et en la protégeant, ainsi qu’en développant la presse, domaine où nous étions des pionniers. Tout était relié dans le temps dans un pays qui ne s’est jamais coupé de la civilisation.
Dans notre liturgie, nous avons préservé nos langues anciennes avec le syriaque, l’araméen, le grec et le latin. Cette histoire démontre notre enracinement dans la civilisation ainsi que notre culture pluridimensionnelle qui nous a permis de voyager dans tous les continents et que nous vivons ici au Liban aussi.
Sous l’empire ottoman, connu pour son obscurantisme, nous avons tissé des liens avec l’Europe qui commençait sa renaissance en Toscane au XVIème siècle, avec l’émir Fakhreddine qui était l’ami des Médicis. Au XVIIème siècle, la renaissance s’est installée en France où beaucoup de libanais l’ont accompagné en se formant et en formant, dont Sahyouni et Haklani. Le Liban est un pays qui ne s’est jamais coupé de la civilisation et dont le peuple a été constitué de groupes qui ont en commun la préservation de ses croyances et de sa liberté.
Sous la bannière de la liberté pour laquelle nous avons été poussés à l’exode à plusieurs reprises, nous devons être d’accord aujourd’hui sur la valeur la plus importante qui a permis de libérer l’Homme et l’a transformé en défenseur du droit, de la vérité et de la vie. Pour ceux qui contestent que le Liban soit une nation, il faut qu’ils sachent que le Liban moderne s’est formé au XVIème siècle, avec une autonomie au sein de l’empire ottoman. 400 ans plus tard et après la première guerre mondiale, il a été déclaré comme république sous protectorat français, pour obtenir son indépendance en 1945 et devenir membre constituant des Nations Unies en 1945. Nous avons connu des moments très difficiles car nous sommes l’antithèse du racisme et de l’extrémisme religieux et politique et nous haïssons la pensée unique d’où elle vient et nous ne pouvons être radicaux. Notre religion est universelle, notre civilisation est universelle et nous pouvons nous adapter avec tous les peuples. Le seul point faible qui peut nous être fatal est l’isolationnisme car ainsi nous aurons changé notre essence et notre mission que nous avons assurées depuis l’aube de l’Histoire à ce jour.
Nous avons vécu des erreurs historiques répétées mais relativement éloignées dans le temps et qui ne sont rien par rapport à la notion de guerres vécues par les autres peuples. Entre 1860 et 1980, plus de cent années se sont écoulées, alors que l’Europe a connu la guerre des cent ans, puis celle des trente ans ainsi que les guerres de 1870, de 1914 et de 1939 dans lesquelles des centaines de millions ont péri.
Nous ne sommes pas un peuple sanguinaire ou violent comme le pensent certains, mais la violence nous est parvenue de l’extérieur et toute notre action était de revenir les uns vers les autres. Il faut tuer la politique de la peur des uns et des autres, le renfermement sur soi, et prêcher la culture de l’ouverture, de l’amour et du dialogue. Ceci doit constituer le début de toute solution et l’abolition des barrières entre les gens. Pour y arriver, le Courant Patriotique Libre, qui était un courant populaire qui nous a permis de lutter contre la domination syrienne, s’est transformé en parti politique. Le mot « parti » est comme un costume que nous portons mal car trop petit. Nous sommes plus qu’un parti car nous n’avons pas une idéologie partisane réduite mais un projet de société nouvelle qui renverse les donnes politiques et les coutumes désuètes pour accompagner notre temps, tout en sauvegardant les coutumes saines et justes. Nous sommes un projet de société possédant une charte et non un régime économique car notre économie ne peut être organisée selon les classes, comme le projet communiste qui a échoué, ni selon le modèle capitaliste qui monopolise et abuse. Notre richesse est notre Homme et les relations entre nous ainsi que nos principes dans cette charte qui prône la culture de la confiance, que nous avons appelé union nationale, qui renforce la confiance entre les différentes composantes de la société libanaise afin de vivre en harmonie à l’intérieur du pays et avec l’entourage.
Nous avons tous les mêmes origines dans cet orient. C’est là où naquissent le judaïsme, le christianisme et l’islam. Toutes les religions célestes ont vu le jour dans cette société et toutes prônent la fraternité. Ceux qui lui ont fait porter la violence, la radicalisation et le refus de l’autre les ont défiguré et ont falsifié l’histoire car un message divin ne peut se baser sur l’animosité ou la haine de l’autre.
Nous cherchons à bâtir un état que les uns appellent laïc et les autres civile. Nous préférons l’appeler civile pour éviter l’amalgame. L’état civil n’est pas athée car nous n’avons pas de radicalisme laïc comme en France où les laïcs combattent les croyants car ils sont devenus des extrémistes à leur tour. Notre laïcité croit dans nos valeurs communes sur la base desquelles nous avons élaboré notre charte ainsi que celle des droits de l’Homme et à travers elles nous oeuvrons pour bâtir la nation.
Les membres engagés sont le CPL et l’environnement dans lequel évolue le parti est la vôtre, ou les « aounistes » pour différencier entre les membres du parti, les sympathisants et les supporters et les trois constituent une unité indissociable au service du pays et de son développement. Nous sommes un jeune parti qui a 4 ans d’âge, un laps de temps insuffisant pour bâtir un parti. Nous portons de courtes expériences car notre société subit les conséquences d’une certaine pollution due à tout ce que nous avons vécu pendant 40 ans d’affrontements et de virus que nous avons eu. L’adhésion au CPL nécessite un assainissement de la conscience et un travail permanent pour l’immuniser contre les réactions négatives. La plus grande opération que nous avons dû affronter était les dernières législatives avec plus d’un milliard de dollars dépensés pour corrompre notre société. Son résultat a été relativement modeste par rapport au CPL et à ses supporters mais a laissé des traces négatives dans la société. Notre renaissance doit se baser aujourd’hui sur la bataille contre la corruption politique qui entraîne l’argent politique qui entraîne à son tour un régime corrompu qui dilapidera les biens publics. Il est impossible de bâtir une société sur la corruption et toute société qui délaisse ses valeurs est vouée à l’effondrement. Nous avons l’honnêteté, la solidarité et l’amour de la patrie qui commence par l’amour des citoyens qui constitue leur union et préserve leur terre.
Vous, les membres de la diaspora dans le monde, n’ayez pas peur pour le Liban qui a entamé une nouvelle ère de paix et de sécurité pour les citoyens. Nous pensons toujours à vous car vous êtes sujets à la désinformation. Depuis la guerre de 2006 à ce jour, nous constatons que la presse dans toutes les langues défigure notre image et nous classe comme terroristes ou dans l’axe du mal. Je n’ai pas de honte à vous dire que ce sont les sionistes et les états qui soutiennent cette presse. Votre seule mission aujourd’hui est celle de ne pas céder à cette presse. Nous sommes chez nous, nous n’avons commis aucun acte terroriste, ni à New York, ni au Pentagone, ni à Madrid, à Paris ou à Londres, de même nous n’avons commis aucun assassinat politique dans le monde. Je ne peux me désolidariser de tout citoyen qui défend sa terre, dans le sud comme partout ailleurs, pour le salut de son pays et pour sa liberté. Nous sommes un dans la défense de notre Liban et pour la libération de notre terre. C’est ça notre vision en tout réalisme et nous lutterons avec tous nos moyens. Nous n’avons pas de différends avec les peuples européens et américains, mais ce sont les politiques officielles qui soutiennent Israël sans condition qui prônent l’implantation des palestiniens en dehors de leur patrie. Nous sommes avec le droit au retour des palestiniens et nous ne prônons aucune position en dehors des droits et de la justice. Tous ceux qui sont contre ces valeurs ne pourront jamais être nos amis. Notre refus de l’implantation des palestiniens revient d’abord pour soutenir les palestiniens qui souhaitent retourner sur leur terre volée et récupérer leur identité perdue, mais aussi pour des raisons internes car vous savez que le Liban ne peut intégrer toute cette population vu les ressources limitées et le territoire réduit. Vous-mêmes, membres de la diaspora, vous connaissez les raisons de votre émigration. Le Liban tente de régler ses problèmes, depuis 200 ans, par l’émigration et c’est pour cette raison que nous sommes présents en nombre conséquent en Australie, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et dans les pays arabes, surtout celles du golfe, ainsi que les autres pays du monde. Ne vous souciez pas de l’intérieur, soyez rassurés et laissez-nous vous revoir lors des prochaines saisons touristiques.
Général Michel AOUN
Dîner de la diaspora
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