Lois électorales et résultats
Posted by dodzi sur décembre 1, 2009
Par Dory MOUTRAN
Quels seraient les résultats des élections législatives libanaises, si celles-ci avaient eues lieu sous une loi électorale différente? Nous avons simulé les résultats des dernières élections sous différentes lois:
- la « loi qada » de 1960 (ou la petite circonscription), appliquée en 2009,
- la loi 2000, également appelée « loi Hariri-Kanaan »
- la représentation proportionnelle appliquée sur la « loi qada »
- la proportionnelle appliquée au niveau de la Mohafaza (nous prenons ici en compte uniquement les provinces suivantes: Liban-Nord, Mont-Liban, Beyrouth, Sud-Liban, la Békaa)
- la proportionnelle nationale (une seule circonscription)
- la « loi Boutros », proposée par la commission qui porte le même nom
Notons que d’autres lois ont été simulées, mais que celles-ci différaient peu des lois ci-dessus (entre autre, la proportionnelle appliquée aux répartitions de la « loi Hariri-Kanaan » et la proportionnelle au niveau des Mohafaza réels, en comptant Baalbak, Akkar et Nabatiyé comme provinces séparées).
Notre méthode était purement mathématique, en utilisant 2 techniques utilisées dans la plupart des pays où le système proportionnel est utilisé, notamment la méthode d’allocation de D’Hondt, et celle de Sainte-Laguë.
Il est important de noter que les dernières élections n’ont pas eu lieu sous une loi proportionnelle, donc la simulation des résultats est exactement ceci: une simulation. Si la proportionnelle était appliquée en réalité, plusieurs choses pourraient modifier les résultats: l’entrée d’une 3e, voir 4e ou 5e liste, pouvant prendre des sièges dans plusieurs régions. Les coalitions pourraient également se désintégrer. En effet, avec la proportionnelle, les coalitions ne sont plus nécessaires pour gagner des sièges, chaque parti pouvant désormais être mesuré à sa taille réelle.
Les simulations
- la « loi qada » de 1960, appliquée en 2009:
La loi n’est pas nécessaire d’être simulée, si ce n’est que l’on pourrait prendre en compte que les compromis qui ont eu lieu à Beyrouth II et à Aley auraient pu ne pas avoir eus lieu. De manière similaire, le petit écart qu’il y a eu lieu entre le nombre de voix des deux listes au Matn met également des doutes dans nos calculs.
Les résultats, en n’éliminant que le compromis de Aley, seraient de 72 sièges pour les listes du 14 mars, et 56 sièges pour les listes de l’opposition.
- la « loi Hariri-Kanaan »:
La différence dans les résultats avec ceux de la petite circonscription, et le fait que Baabda-Aley forment une seule circonscription, que Zgharta se retrouve dans la circonscription Liban-Nord II, et Saïda dans la cironscription Sud-Liban I. Nous prendrons également en compte que l’opposition aurait pu rafler certains des 7 sièges dans la 3e circonscription de Beyrouth (de la loi 2000 évidemment), compte tenu de la répartition confessionnelle de cette circonscription (20% d’arméniens et 15% de chiites)… Nous prendrons en compte, cependant, que les 7 sièges seraient remportés par l’opposition, malgré que la différence entre les voix serait petite. Pour les autres circonscriptions, les résultats seraient les mêmes partout.
Le 14 mars remporterait donc les élections avec 74 sièges, contre 54 pour l’opposition.
- la « loi qada » avec la proportionnelle:
L’opposition aurait remporté les élections avec 67 sièges contre 61 pour le 14 mars
- la proportionnelle au niveau de la Mohafaza:
L’opposition remporterait les élections avec 67 sièges contre 60 pour le 14 mars.
Une alliance entre les 3e listes remporterait un dernier siège au Liban-Nord. Pour calculer les résultats des 3e listes, nous avons additionné toutes les voix obtenues par ces listes et divisé par le nombre de sièges, afin d’obtenir une moyenne. Cette même technique a d’ailleurs été utilisée pour calculer les moyennes des autres listes, la différence étant que les listes du 14 mars et de l’opposition étaient complètes, alors que les 3e listes ne l’étaient pas. Il y avait souvent bien plus de candidats tiers que de sièges.
- la proportionnelle nationale (une circonscription unique):
L’opposition remporterait les élections avec 68 sièges contre 57 pour le 14 mars. 3 sièges seraient pris par une 3e liste (même remarque que pour le point précédent). Ce résultat, avec la méthode Sainte-Laguë, diffère des résultats obtenus par la méthode D’Hondt. Cette dernière offre 69 sièges à l’opposition, 57 au 14 mars, et seulement 2 sièges pour une 3e liste unifiée.
- la « loi Boutros »
Bien plus compliquée par le fait que cette loi comprends à la fois la méthode proportionnelle que le système majoritaire. Les résultats de la simulation sont donc à prendre avec précaution. On note par exemple, la difficulté d’interpréter la réaction des électeurs face à cette loi. Comment répartiront-ils leurs voix entre les 2 systèmes (proportionnelle au niveau du Mohafaza, et majoritaire au niveau du qada)? C’est surtout difficile à prévoir dans les régions où les résultats étaient serrées et celles où un compromis a eu lieu (donc notamment à Aley et au Matn). Nous avons donc considéré qu’au Matn, un siège sur 5 serait remporté par le 14 mars, et 4 par l’opposition. Nous avons également choisi d’ignorer le compromis de Aley. Finalement, concernant Beyrouth, nous avons considéré que la première circonscription aurait été remportée par l’opposition (6 sièges). En effet, celle-ci comprends l’actuelle 1er circonscription en y ajoutant Mdawwar qui ajoute près de 28.000 électeurs arméniens entre autres. Notons également que cette loi divise le Mont-Liban en 2 qada, Mont-Liban Nord (Jbeil, Kesrouan et Matn) et Mont-Liban Sud (Baabda, Aley et Chouf).
Les résultats auraient donc été les suivants:
– l’opposition remporterait les élections avec 65 sièges (donc une très courte majorité): 38 obtenus grâce à la majoritaire au niveau du qada, et 27 avec la proportionnelle au niveau du Mohafaza.
– le 14 mars aurait obtenu 63 sièges: 39 obtenus grâce au qada, 24 avec la proportionnelle.
jeunempl said
Quelque soit la loi électroale adoptée, tant qu’elle n’est pas proportionnelle, le camp Hariri arrivera toujours par l’emporter pour la bonne et simple raison qu’il est trop simple de trafiquer les listes électorales dans un système majoritaire.
On l’a vu en juin dernier avec le transfert de 13.500 sunnites du Akkar/Doniyé vers Zahlé par le clan Hariri… cela a suffi pour contrebalancer le vote catholique qui lui était opposé et obtenir de la sorte 7 députés.
Résultat: non seulement, cela a débouché sur une victoire électorale de Hariri, mais surtout (et c’est là le plus grave) elle a abouti à un changement démographique sur la région de Zahlé, autrefois connue comme étant la capitale catholique du Moyen-Orient.
Seule la loi proportionnelle diminue l’impact d’une telle manipulation démographique. Cette mesure, couplée à une réponse de la justice face au fléau de la corruption, sauvera la démocratie libanaise.