Les fantômes de Tripoli refont surface…
Posted by jeunempl sur août 25, 2009
(Scarlett Haddad)
Brusquement, les incidents sécuritaires se multiplient. À Tripoli d’abord, notamment le long du front toujours prêt à s’enflammer entre Bab Tebbaneh et Baal Mohsen, ensuite dans le Nord où les tensions postélectorales ne se sont pas encore calmées et enfin, tout près de la frontière syrienne à Masnaa, lui-même tout près de Majdel Anjar, devenu le village de tous les extrémismes. Ces incidents divers pourraient n’avoir aucun lien, mais toutes ces coïncidences, en cette période de quasi-néant politique, ne peuvent pas relever du simple hasard. Les questions commencent donc à se poser, d’autant que ce scénario ressemble étrangement à la période précédant l’assainissement des relations entre Damas et Riyad, lorsque alaouites et sunnites menaçaient l’ordre à Tripoli et lorsque la scène sunnite était secouée par des soubresauts souvent liés à la lutte entre les modérés et les extrémistes dans le monde arabe.
Les experts sont toutefois unanimes : ces incidents sécuritaires ne risquent pas de se développer et de remettre en cause la stabilité du pays. Un communiqué de l’armée a confirmé hier cette affirmation, puisqu’il a rappelé que la sécurité est bien contrôlée et qu’il n’y a aucun risque de dérapage. Mais les citoyens restent malgré tout inquiets. Une petite fille est morte à Baal Mohsen depuis quelques jours et les vieux réflexes de peur ont repris le dessus, d’autant, affirment les habitants, que presque tous les soirs des explosions se font entendre. Ils se demandent d’ailleurs non sans raison pourquoi ce sont toujours les mêmes régions qui constituent un terrain fertile de toute tentative de déstabilisation. Les analyses sont nombreuses, mais elles ramènent toutes aux relations entre la Syrie et l’Arabie saoudite. Pour les uns, ces incidents sont fortuits, mais face au gel actuel dans les relations entre Damas et Riyad, des parties politiques internes se croient autorisées à les exploiter dans le débat actuel, tout en sachant qu’il n’y a aucun risque de dérapage puisque pour l’instant, les parties régionales et internationales sont d’accord pour « laisser souffler le Liban ». Pour d’autres, ce serait la Syrie qui encouragerait ces incidents dans le but de rappeler à Riyad la nécessité d’accélérer le processus de rapprochement avec elle, en utilisant la situation sécuritaire interne libanaise pour montrer que le calme dans ce pays reste précaire et que tout pourrait basculer si on laisse trop traîner le statu quo actuel. Ce n’est pas par hasard, estiment les partisans de cette théorie, si les incidents se produisent généralement dans les régions sunnites pour titiller encore plus l’Arabie saoudite et la pousser à réagir au plus vite. Pour d’autres enfin, ce serait plutôt l’Arabie saoudite qui pousserait certaines factions sunnites à agir, dans le but justement de faire pression sur la Syrie, qui, aux yeux des défenseurs de cette thèse, ne fait rien pour aider le Premier ministre désigné et accélérer la formation du gouvernement. Selon ce scénario, ce serait donc sciemment les groupuscules armés de Bab Tebbaneh qui lanceraient régulièrement des tirs contre le quartier de Baal Mohsen et provoqueraient ainsi les alaouites, considérés comme les alliés de la Syrie. Quelle que soit la thèse adoptée, ces incidents sont le reflet du malaise politique qui règne au Liban et du blocage dans les relations syro-saoudiennes. Le vieux contentieux qui avait entraîné de graves affrontements à Tripoli l’an dernier n’a pas été réglé en profondeur, comme il aurait dû l’être. En dépit de la réconciliation entre alaouites et sunnites conclue au domicile du mufti de Tripoli et en présence du chef du Courant du futur Saad Hariri, les rancœurs sont encore vivaces et elles ont été exacerbées au cours de la campagne électorale. Même si en fin de compte, et sur directive de la Syrie, les alaouites de Baal Mohsen ont voté en bloc en faveur du député Mohammad Safadi, rien n’a été fait concrètement pour rapprocher les sunnites de Bab Tebbaneh des alaouites de Baal Mohsen. La tension est encore grande entre les deux quartiers comme elle l’est aussi entre les partisans des divers candidats dans le Nord, à Bkaasefrine en particulier, mais aussi à Denniyé et ailleurs. Les contentieux demeurent les mêmes et la mouvance intégriste de Tripoli qui se sent exclue du gâteau électoral n’hésite pas à manifester son mécontentement à sa manière. Tout comme les discours politiques incendiaires comme ceux du député Mohammad Kabbara et du responsable au sein du Courant du futur Moustapha Allouche ne sont pas de nature à faciliter un retour au calme, alors qu’ils vont à l’encontre du discours apaisant de Saad Hariri. En l’absence de directives claires et d’appels concrets au calme, chacun se croit ainsi autorisé à agir selon ses penchants du moment, alimentant la polémique politique et constituant en fait un message adressé à toutes les parties libanaises et régionales. Maillon faible de la situation sécuritaire, Tripoli reste le lieu idéal pour déverser les rancœurs confessionnelles et autres. Les habitants de la ville ont appris à prendre les choses avec philosophie, conscients qu’il n’y a pas de solution possible avant un règlement politique global au Liban. En attendant, ils se rassurent en se disant que nul n’a intérêt à aller trop loin. Un peu de tension donc pour pousser à une action rapide ? Sans doute. Mais si l’attente se prolonge, le feu qui couve sous la cendre pourrait se rallumer. Tel est sans doute le plus important message qu’envoient les incidents sécuritaires des derniers jours…
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