1990 – Devoir de mémoire: La population libanaise témoigne (Annexe)
Posted by jeunempl sur avril 16, 2009
(Livre Blanc du conflit Armée Libanaise – Forces Libanaises)
Ce texte entre dans le cadre plus large de la publication du Livre Blanc, regroupant les témoignages de la population lors de la guerre civile libanaise en 1990. Vous pouvez suivre l’intégralité de ce document sur cette page:
1990 – Devoir de mémoire: La population libanaise témoigne
– Parce que les politiques ont voulu effacer de notre mémoire, à travers une loi d’amnistie, toutes les exactions qu’ils ont commises durant la guerre civile,
– Parce que les médias n’assurent pas leur rôle de conscientisation de la population,
Le Livre Blanc reste encore aujourd’hui une référence pour rappeler à la population, de tous ages, les malheurs que peuvent engendrer tout conflit opposant un Libanais à son propre frère libanais. En attendant que l’état assure un jour pleinement ce rôle de mémoire au niveau de ses institutions, nous vous publions en plusieurs parties le Livre Blanc, rédigé à la fin de la guerre civile par de jeunes étudiants français, extérieurs au conflit, venus au Liban dans le seul but de comprendre. Pour cela, ils partent à la rencontre de la population témoin des exactions de la milice des Forces Libanaises dans le conflit l’opposant à l’Armée Libanaise.
Livre Blanc: Annexe
Nous donnons ci-après le texte d’une lettre d’une religieuse française, en mission au Liban, adressée à sa Maison-Mère en
France, relatant la succession des événements conflictuels du Liban.
…Je reprends un petit peu la chronologie: donc, le 31 janvier, redéclenchement des affrontements entre l’armée régulière, nationale, et les éléments armés de la milice de Samir Geagea, appelés les « Forces Libanaises » depuis que Bachir Gémayel eût regroupé les différents groupes armés sous cette dénomination, avec un seul commandement militaire. Geagea ambitionnait le pouvoir depuis la fin du mandat de Amine Gémayel. Or, c’est le Commandant en chef de l’Armée qui fut nommé Premier ministre par le président sortant.
Depuis, le siège présidentiel était donc vacant. Parallèlement à ce gouvernement légal du Général Aoun, Premier ministre nommé légalement par le pouvoir légal, se formait à l’Ouest un autre gouvernement avec, comme Premier ministre, celui qui était démissionnaire sous le mandat Gémayel, Sélim el Hoss.
Nous entrions dans l’ambiguïté gouvernementale basée sur la formation illégale d’un gouvernement non nommé. Nous allions vivre cette ambiguïté qui consommait de facto la rupture entre l’Est chrétien et l’Ouest musulman. Désormais, les papiers officiels établis à l’Est devenaient illégaux à l’Ouest ; d’où l’impossibilité pour les habitants de l’Est de Beyrouth de passer à l’Ouest pour prendre l’avion, par exemple, ou d’y débarquer munis de papiers valables seulement à l’Est!
Mais il n’en allait pas de même de notre côté, le Général Aoun tenant à préserver avant tout l’unité du pays et n’admettant pas de reconnaître la présence illégale de l’autre gouvernement. Comme vous le savez, le cessez-le-feu accepté le 22 septembre dernier avait rendu au pays un calme subit par le silence des canons. Puis, avait eu lieu l’élection illégale d’un président de la République, élu par des députés d’une Chambre dissoute. Néanmoins, René Moawad sortait président élu sous l’égide syrienne, à la suite des accords de Taëf, non reconnus par le Général Aoun ni le peuple de l’Est. Ce pauvre président, n’exécutant pas assez vite les désirs syriens, fut proprement liquidé dans un atroce attentat à l’Ouest. Vite, la Syrie reconvoqua la Chambre pour élire un « meilleur» président, plus dévoué à sa cause : Elias Hraoui sortit de l’urne… et se mit donc à gouverner selon les vues de Damas.
Dès lors, il décida qu’il allait prendre de force le palais présidentiel de Baabda, aidé en cela par l’armée syrienne qui devait attaquer à la fois par terre et par air. Le peuple se leva pour aller protéger son Général. Ce fut le début du « sit-in » le 27 novembre, qui devait durer jusqu’au 2 février et où tout un peuple, en fête, retrouvait enfin sa joie de vivre libre et d’exprimer sa véritable identité, ses traditions ancestrales, sa foi, ses qualités profondes et son caractère sociable, heureux, accueillant, hospitalier, etc…
Malheureusement, ce qui est arrivé à Jésus, arriva aussi au Général : la trahison d’un frère vendu à l’ennemi. Samir Geagea vint un jour à Baabda embrasser le Général Aoun et faire des discours menteurs. Moins de quinze jours après, c’était l’attaque de Tahwita contre l’armée régulière. Le baiser de Judas portait son fruit de mort. Les éléments armés des Forces Libanaises (F.L.) allaient se déchaîner contre l’armée et contre le peuple qui avait été acclamer le Général à Baabda : désormais, pillage, massacre, torture, viol, attaque contre les occupants des immeubles, tueries impitoyables, incendies, tirs de canons dans les immeubles, destructions apocalyptiques, se sont perpétrés depuis 28 jours.
L’armée a dû faire l’assaut dans les localités où les F.L. étaient groupées dans des casernes fortifiées: Dbayé, Aïn-el-Remmaneh, etc… afin de libérer le peuple qui était littéralement écrasé sous ce régime totalitaire des F.L. depuis 15 ans. L’assaut fut terrible car les F.L., reprenant les traditions des Palestiniens, avaient disposé les canons et les munitions dans la population, dans les immeubles civils, dans les rues, d’où ils tiraient sur les positions de l’armée, entraînant les ripostes de celle-ci. Ceci, afin de pouvoir accuser l’armée d’attaquer une population désarmée et innocente. En fait, la population servait de bouclier aux attaques des F.L. et, en même temps, devenait le fer de lance des blâmes lancés contre l’armée qui était présentée comme responsable des massacres.
Confusion satanique dont les médias, habilement, se sont emparés aussitôt, ici comme à l’étranger. On cherche à ternir l’image du Général Aoun en lui attribuant exactement ce que fait Geagea, tout en présentant celui-ci comme la pauvre victime d’un général cruel dont les armées sanguinaires tuent et massacrent les innocents et leurs sauveurs. La vérité est ainsi bafouée à grande échelle. Pendant ce temps, l’armée, entrée dans les casernes tombées entre ses mains, découvrait avec horreur les salles et les instruments de torture, les réserves de drogue, les faux billets (dollars), les maisons closes des prostituées à l’usage privé des F.L.
Les populations libérées sortaient des abris après 17 jours de combat, où elles avaient manqué d’eau, de nourriture, sans parler du reste : les descentes armées des F.L. dans les abris poursuivant les « déserteurs » pour les massacrer sans pitié, eux et ceux qui se trouvaient avec eux. Sous les yeux des gens, on tirait tel ou tel jeune qui se cachait pour ne pas rallier les F.L. et on le découpait morceau par morceau, tout vivant, en le narguant dans cet horrible supplice qu’on infligerait pas à une bête cruelle. Tout ce qui bougeait était abattu, même si c’était une maman risquant sa vie pour monter chercher un peu à manger en espérant que quelque chose restait encore de l’appartement. Ce fut une véritable tuerie faite par les F.L. pourchassées, en se retirant des régions où elles exerçaient leur tyrannie depuis si longtemps.
Ces forfaits dépassent les pires horreurs des nazis. Et le comble, c’est l’étonnement affiché par Geagea dans ses discours devant ce qui se passe et qu’il qualifie d’intolérable cruauté commise par le Général Aoun et son armée ! On reste pantois devant le mensonge, la calomnie aussi froidement étalée.
Maintenant, il y a une trève très fragile. Mais, géographiquement, l’Est est découpé en plusieurs morceaux, chacun impénétrable par le voisin. C’est ainsi que Achrafieh, étant encore aux mains des F.L., est devenu inaccessible.
L’entrée en est minée sur tout le pourtour; on passe à pied, avec le risque d’être ajusté par tel ou tel franc-tireur posté en haut des immeubles réquisitionnés. Les parents de Mademoiselle Laure, qui habitent le quartier de l’Hôtel-Dieu, ont reçu une bombe qui a détruit deux murs, tombés sur eux. Les voisins sont venus les retirer des décombres. Le père a 90 ans et est aveugle.
La mère a 86 ans. Tous deux ont été blessés et on les a descendus chez leur fille qui habite une maison un peu plus protégée à quelques pas de là. Pendant six jours, impossible de les transporter nulle part ailleurs. La famille présente a fait ce qu’elle pouvait pour leur porter les premiers soins! Dès que nous avons été au courant de cela, Mademoiselle Laure est allée en voiture jusqu’au Musée, puis, de là, est entrée à pieds dans Achrafieh, jusqu’à la maison de sa soeur. Elle a vite pris son papa qui ne peut plus marcher depuis longtemps et a essayé de le faire avancer quand même, tandis que ses nièces essayaient de faire de même avec la maman, plus valide. Au bout de 25 mètres, le papa s’est effondré, ne pouvant plus marcher! Marina, très courageusement, a fait signe à un élément armé des F.L. qui était là à les regarder sans bouger, de venir l’aider à relever son papa. Il est venu, a soulevé le vieux papa et l’a soutenu jusqu’à la limite minée de Achrafieh. Normalement, il ne pouvait pas aller plus loin, puisque c’est l’Armée Libanaise régulière qui est au-delà. Mais, Marina lui a fait tellement pitié et honte, qu’il a appelé un copain; tous deux ont passé les lignes et sont allés, avec leur fardeau, jusque dans la voiture pour installer le papa.
Marina leur a promis que ce geste leur vaudrait une bénédiction (barakat) spéciale de Dieu pour eux et sur leurs parents. Puis, la maman est passée sans problème et, quelque temps après, Marina arrivait au Monastère pour que nous embrassions les rescapés de l’enfer avant de les laisser aller jusqu’au village de Kfarchima, à 17 km, chez leur autre fille. Quelle épopée et quelle émotion! Aujourd’hui, Mademoiselle Laure est retournée à Achrafieh pour tâcher d’en faire sortir, cette fois, ses deux nièces (exposées au viol) avec leurs parents (c’est-à-dire sa soeur et son mari). Le but est de leur faire échapper à un assaut éventuel dirigé contre Achrafieh, où ils se trouvent en première ligne. Une autre soeur de Marina, plus proche encore de la ligne, a dû céder sa maison aux F.L. qui la lui ont réquisitionnée pour occuper les étages afin de tirer contre l’Armée Libanaise qui est en face! Elle a fui avec son mari et leurs sept enfants, semant ceux-ci chez des frères ou des soeurs qui peuvent les accueillir. Si les deux nièces qui sortent aujourd’hui ne savent où aller, elles viendront ici.
Déjà, nous avons accueilli une vieille dame de 84 ans, Française établie au Liban depuis 25 ans, veuve d’un Libanais, que le Consulat de France nous a demandé d’héberger depuis une semaine. Elle était à l’Hospice de Aïn-el-Remmaneh pendant l’assaut. Dix-neuf dames âgées ont péri, suffoquées par les incendies des voitures du quartier dégageant des gaz toxiques dans les abris non aérés. Une autre dame française a été blessée, qui n’a pu être transportée et est morte aussi après 3 jours de souffrances et d’agonie. Ces personnes âgées sont restées 17 jours dans l’abri, sans lumière, sans manger autre chose que du fromage blanc avec du pain dedans, sans eau du tout à boire, sans pouvoir se laver, sans pouvoir nettoyer les endroits servant de sanitaires, etc… La pauvre dame était toute noire quand elle est arrivée chez nous, amenée par les Gardes de Sécurité (CRS) de l’ambassade. Il a fallu plusieurs jours pour lui faire retrouver un aspect humain. Une grosse bronchite la faisait tousser sans arrêt, car ils étaient entassés, à deux par matelas à même le sol, en plein courant d’air dans la cave. Un médecin français, bénévole au Liban depuis deux ans, vient chaque jour voir sa petite « Poupette » et, doucement, la remettre sur pieds. Inutile de dire que nous la choyons et l’entourons avec tendresse. Les 49 autres personnes âgées ont été transportées chez des religieuses de la montagne, car l’Hospice a été tellement bombardé qu’il est inhabitable. Là encore, les F.L. avaient eu soin de mettre leurs batteries de canons tout autour pour que l’armée soit obligée d’arroser tout le quartier. C’est affreux.
Voilà la sauvagerie incroyable dans laquelle nous sommes plongés. Et cela donne au monde l’impression que « les chrétiens du Liban s’entretuent ». Mais, qu’est-ce que ce christianisme qui n’en a que le nom et qui agit en terrorisme, comme un vulgaire état totalitaire ?
L’avenir ? Vers quoi allons-nous ? Cela reste la grande interrogation. Certes, le mieux aurait été que l’Armée puisse continuer le nettoyage complet des F.L. Le Général Aoun ne cesse de supplier Geagea pour qu’il se rallie à l’Armée régulière, lui et ses éléments armés, afin qu’il n’y ait qu’une seule force armée et unie dans le pays pour lutter contre l’occupant.
Malheureusement, Geagea a fait appel au Patriarche pour que le Général « cesse de tuer les innocents et, en premier lieu, les F.L. victimes de tueries ». Le Patriarche s’est ému et, pour des raisons qu’on ignore, a épousé la thèse de Geagea. Il a donc demandé au Général de cesser les combats. Celui-ci, grand chrétien comme vous le savez, et ne cherchant qu’à défendre les valeurs chrétiennes par des moyens chrétiens et avec un esprit chrétien, a voulu se soumettre à l’autorité religieuse… Il a donc arrêté les combats. Mais, pendant ce temps, les F.L. ont renforcé leurs positions, apportant des armes lourdes et des munitions, montant des remparts de terre, bâtissant des fortifications dans les rues d’Achrafieh, menaçant tout le monde, semant la terreur partout. Le quartier s’est vidé de sa population, ce qui laisse tout loisir et toute possibilité de piller et d’incendier les maisons.
Parmi les habitants qui restent, beaucoup sont l’objet de menace.
A plusieurs reprises, des personnes qui faisaient la queue pour le pain ont été tuées à bout portant pour achever de terroriser les rares personnes encore là. Le chantage entretenu jette le monde entier dans l’erreur au sujet du Liban et de ce qui s’y passe réellement. A cause du mensonge colporté (qui, de surcroît, arrange bien les diplomaties qui ont des intérêts en jeu dans les pays arabes) à cause du mensonge colporté, donc, aucune nation « sensée » ne viendra jamais prêter main forte au Général Aoun, seul dans ce marécage de fausseté, à dire la vérité bien haut et bien fort.
En effet tout se ligue contre nous. Si on repense aux crimes de la deuxième Guerre mondiale, tout le monde se souvient qu’ils furent unanimement condamnés dès qu’ils furent découverts et connus et que Hitler soulevait la réprobation universelle. Cela avait provoqué la levée des armées alliées qui étaient venues sauver les peuples pris dans l’étau nazi. Ici, nous avons pire que les nazis et ce sont des chrétiens qui torturent des chrétiens : pas question de racisme !
Toutes les nations approuvent Geagea qui, seul, accepte le beau projet de Taëf, où le Liban était censé trouver la paix qu’on nous préparait si amoureusement… Quelle paix ? Et à quel prix ? Dès lors, ce refus de Aoun et de son peuple à ce projet-suicide expose l’un et l’autre au génocide impitoyable qui s’exécute sous les yeux d’un monde trompé sur la vérité. La Syrie, n’a même plus besoin d’intervenir et se tient tranquille. Et pour cause ! Le ver est dans le fruit… pourquoi se fatiguer ?
De plus, nous savons fort bien que le problème du Liban ne se réglera que dans le règlement global du Proche-Orient qui veut favoriser Israël tout en ménageant une patrie de rechange pour les Palestiniens. Ce plan américain s’accomplit, étape par étape, depuis 15 ans. Nous avons lutté pied à pied pour le contrecarrer. Il eût été facile à n’importe quel pays européen de nous aider un peu. Mais on ne peut à la fois satisfaire ses propres intérêts et venir au secours de l’ami menacé.
Il faut donc choisir. Et le choix tomba sur les intérêts privés, qui laissèrent le Liban s’enliser dans de faux problèmes créés de toute pièce par l’Amérique appuyée par l’Europe (la France notamment).
Alors, le Général Aoun reste aujourd’hui tout seul en face d’une marée de mauvaise volonté, avec, comme seul appui, son peuple fidèle. Tous, nous persévérons dans la Foi, dans l’Espérance et dans l’Amour, sûrs que, à la suite du Général, nous sommes en train de sauver nos vraies valeurs chrétiennes et que, pour cela, il vaut la peine d’en mourir. Ce n’est pas de l’héroïsme, mais tout simplement la conséquence logique du baptême. Dans ce sens, on peut dire que notre avenir, c’est notre Foi, c’est Dieu notre Père, son Fils fait chair et l’Esprit Saint.
…Nous avons à affirmer cette Foi face au monde et face aux hommes qui se disent chrétiens et ne savent pas qu’ils ne le sont plus. Face au défi qui nous est lancé, nous choisissons de prendre le risque de nous engager sur la voie de la vérité qui rend libre. Il y faut une grâce particulière de Dieu, qui exauce ainsi les prières de tant et tant de personnes qui prient pour le
Liban depuis si longtemps. Oui, le Liban va devenir un signe lumineux pour les peuples en quête de vraies valeurs, plus ou moins perdues quelquefois, faisant ainsi échec à cette civilisation matérialiste et scientifiste venue du Nouveau Monde, qui a balayé l’âme des peuples. Nous choisissons de rester libres et chrétiens, plutôt qu’esclave du mensonge.
Dernière minute : Mademoiselle Laure est revenue d’Achrafieh avec ses deux nièces, Maguy et Rita, très choquées, malades, terrorisées où elles manquaient d’oxygène, de lumière et de soleil. Depuis un mois, elles n’osaient plus sortir du tout à cause du risque d’être enlevées ou violées… Elles vont rester au Monastère le temps de reprendre un peu de paix et d’oxygène.
En descendant de voiture, Maguy s’est précipitée dans mes bras en sanglotant, complètement traumatisée par les événements.
L’un de leur frère est lieutenant dans l’Armée Libanaise et a fait une partie de ses classes d’Officier en France. L’autre frère est officier dans les Forces Libanaises et se cache pour n’être pas obligé d’aller combattre contre l’armée qui reviendrait à tuer son propre frère, comme cela s’est trouvé récemment. Mademoiselle Laure a pu sauver l’uniforme d’officier de l’armée que doit revêtir son neveu pour son mariage, ainsi que sont épée et son képi. Une partie de son armement est ainsi en sécurité au couvent ! Demain, elle va essayer de faire sortir la mère avec la robe de mariée pour la fiancée… Ils auraient dû se marier le 7 février et nous avions reçu une ravissante invitation…
Il restera encore la famille de Mademoiselle Lydie, qui est au centre de Achrafieh, mais pas en danger aussi immédiat que celle de Mademoiselle Laure. S’il y a des risques d’assaut, nous irons aussi les chercher tous et les ramener au couvent. La famille de Mademoiselle Aline est plutôt du côté de Baouchrieh, calme pour l’instant. Nous restons éveillées et prêtes à porter secours.
Pendant ce temps, nous faisons les Exercices Spirituels de Saint Ignace avec le Père N…, jésuite en vacances forcées. Nous avons donc profité de ce chômage involontaire pour l’embaucher! Mais, vu la tension qui règne, nous avons opté pour une retraite un peu spéciale… Les matinées sont libres et le Père vient nous donner « les points » (c’est-à-dire la matière des Exercices) le soir, à 4 heures. Puis, nous avons la messe, suivie de Vêpres. Nous faisons récréation chaque jour aussi, afin de pouvoir dire à la Communauté où nous en sommes et donner des nouvelles des familles évacuées. La retraite ne nous retire pas de la réalité, mais nous permet de vivre, dans la chair, le drame du pays.
Les Scouts de Cluses sont venus deux fois : ils étaient au Monastère le 1er février, juste au début des combats. Ils sont repassés il y a quelques jours, nous annonçant que les containers sont en route. Quel problème, cette fois ! L’endroit où ils doivent normalement être débarqués se trouve en zone F.L. alors que nous sommes, nous, en zone de l’Armée. Nous craignons que tout ne soit pillé au débarquement. Pierre Devant est allé voir le Patriarche pour qu’il fasse pression sur Samir Geagea, et celui-ci sur ses sbires, afin que rien ne soit volé. Espérons que tous ces bons offices se révèleront efficaces! Ce n’est pas si sûr.
Et tant que nous n’aurons pas été averties d’avoir à aller chez les carmélites, nous tremblerons à la pensée que tout ne soit perdu!
Encore faudra-t-il faire un grand détour par la montagne pour arriver chez les carmélites, puisque le pont du Nar-el-Kalb a été obstrué par 4 mètres de terre par les F.L. afin d’empêcher l’Armée de progresser. Nous confions ce débarquement à vos prières, car nous attendons avec impatience cette aide plus utile que jamais pour les familles pauvres de Aïn-el-Remmaneh qui ont tout perdu, maisons, biens et voitures.
Pendant les rudes combats, les F.L. ont attaqué le « Central téléphonique international » où travaillait Claire. Tout est détruit et incendié. Les câbles ont été sciés. Toutes les centrales électriques sont détruites. Les réservoirs de mazout et de gaz, une fois de plus, ont été incendiés. Nous manquons donc de tout.
Mais cela n’est rien si nous parvenons à nous libérer du mensonge et de la fausseté. Les régions encore occupées par les F.L. réclament à grands cris le Général de l’Armée.
Que le Seigneur nous sauve de la manière qui lui plaira, même si nous perdons tout. Après tout, tout n’est rien si nous perdons la Foi. Gardons la Foi et tout est sauvé !
Toute la Communauté vous remercie de votre gentillesse fraternelle et de vos Prières.
Les Religieuses de…
Beyrouth, Liban
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