Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

1990 – Devoir de mémoire: La population libanaise témoigne (Chapitre 6)

Posted by jeunempl sur avril 15, 2009

(Livre Blanc du conflit Armée Libanaise – Forces Libanaises)

Ce texte entre dans le cadre plus large de la publication du Livre Blanc, regroupant les témoignages de la population lors de la guerre civile libanaise en 1990. Vous pouvez suivre l’intégralité de ce document sur cette page:
1990 – Devoir de mémoire: La population libanaise témoigne

– Parce que les politiques ont voulu effacer de notre mémoire, à travers une loi d’amnistie, toutes les exactions qu’ils ont commises durant la guerre civile,
– Parce que les médias n’assurent pas leur rôle de conscientisation de la population,

5-livre-blanc_miliciens-flLe Livre Blanc reste encore aujourd’hui une référence pour rappeler à la population, de tous ages, les malheurs que peuvent engendrer tout conflit opposant un Libanais à son propre frère libanais. En attendant que l’état assure un jour pleinement ce rôle de mémoire au niveau de ses institutions, nous vous publions en plusieurs parties le Livre Blanc, rédigé à la fin de la guerre civile par de jeunes étudiants français, extérieurs au conflit, venus au Liban dans le seul but de comprendre. Pour cela, ils partent à la rencontre de la population témoin des exactions de la milice des Forces Libanaises dans le conflit l’opposant à l’Armée Libanaise.

Chapitre 6: Miliciens

Les miliciens morts ont souvent été enterrés à la sauvette. Les parents ne sont pas toujours prévenus. Quoi de plus horrible pour une mère que de rester dans l’incertitude du sort de son fils ?

Combien de familles ont eu la même réponse que celle donnée à ce père de famille allé demander des nouvelles de son enfant.
Un responsable des F.L. lui a rétorqué : « Allez voir chez Aoun, il n’est pas chez nous». Alors qu’il s’apprêtait à partir, un autre milicien le prend à l’écart et lui révèle que son fils est mort et que son corps était entreposé dans la chambre froide de Zouk-Mikhaël – initialement destinée à la conservation des pommes.
Le père, au désespoir, se rend au lieu dit et reconnaît effectivement son fils.

Tous n’ont pas eu cette « chance ». Des parents continuent de vivre encore dans le doute comme le montrent les faits suivants:

Après la bataille d’Ajaltoun, des miliciens sont allés chercher un Père du haut Kesrouan et ils lui ont bandé les yeux dans la voiture pour qu’il ignore sa destination. Une fois arrivé, on lui enlève son badaud et le religieux découvre un camion rempli de cadavres qu’il devait bénir et un énorme trou qui devait les contenir. Cette nuit-là, les habitants avaient entendu un bulldozer sur une colline proche du Casino du Liban creuser un trou pendant environ un quart d’heure.

Un autre Père a rapporté le même événement à la différence près qu’on ne lui avait pas bandé les yeux et qu’il n’y avait que 6 cadavres.

Pourquoi cette dissimulation ? S’agit-il de ne pas porter atteinte au moral des troupes en évitant de publier des chiffres trop élevés de victimes ? Ou ces morts seraient-ils des déserteurs que l’on enterre en cachette pour ne laisser aucune trace de leur exécution ?

Car les miliciens des F.L. sont obligés de combattre. Et toute défection est passible d’exécution sans autre forme de procès.
Combien auraient déserté sans cette menace ? Nous avons rencontré des miliciens complètement démoralisés. Beaucoup ne se sentaient plus concernés par le Liban. Ils connaissaient les sentiments de la population à leur égard et n’avaient qu’une envie : s’en aller, loin, à l’étranger, au Canada, en Australie ou aux Etats-Unis, peu importe, l’essentiel étant de partir.

L’Armée et les Forces Libanaises emploient tous deux des mineurs – ce qui en soi est inadmissible – à la différence près que parfois ces jeunes sont recrutés ou retenus de force par les F.L. :

Antoine, professeur de Droit à l’Université Saint Joseph, bloqué à Jounieh pendant deux semaines a voulu rentrer chez lui à Hazmieh. Au barrage de Nahr-el-Kalb, un jeune milicien, âgé d’une quinzaine d’années, lui demande ses papiers, les vérifie et après les lui avoir remis, s’accoude à la portière de la voiture sans rien dire. Deux minutes plus tard, le jeune milicien supplie Antoine : « Ne partez pas, ne nous laissez pas ». Et Antoine de lui répondre : « Viens, monte avec moi, je te ramène chez toi ».
Le jeune milicien lui dit alors avec un regard vide : « Parce que vous croyez que je peux le faire ? On a pris mes parents et on nous oblige à être là » Antoine a supposé que le jeune homme faisait allusion à d’autres personnes dans son cas.

La lettre adressée à un haut responsable du Vatican par une instance ecclésiastique est révélatrice d’un état d’esprit que d’autres sources nous ont confirmé : « La Supérieure d’une école sur le littoral du Kesrouan, n’étant pas parvenue à empêcher l’installation d’un ensemble de canons dans le voisinage immédiat de son école, a essayé, par ses bonnes manières, de réduire les séances de bombardements. Elle a fini par rencontrer à la chapelle son personnel et tous les combattants, pour prier chaque soir aux pieds de la Sainte Vierge, aux intentions de la paix. Elle avait essayé de conscientiser le chef canonnier afin de l’inciter à ne pas attaquer directement les hommes ou leurs biens en lui rappelant son devoir d’obéir au Patriarche qui a menacé d’excommunication ceux qui commandent et exécutent le carnage de leurs frères et des innocents. Et la soeur de me résumer le résultat de ses interventions par ces termes : Un soir, à la suite de la prière commune, le chef de la troupe, qui était resté le dernier à la chapelle, toujours agenouillé et serrant tête et front dans ses deux mains, est venu furtivement dans mon bureau pour me dire en confidence secrète : Je suis totalement bouleversé. Il m’a été impossible de dire un seul Ave Maria.
Comment prier avec paix, a-t-il affirmé, alors que ma conscience est alourdie des crimes que je puis avoir commis. Je vous prie de m’aider à sortir de cet enfer. Je ne puis fuir car je serai abattu, ou ma femme et mes deux enfants seront maltraités ». Ce même chef qui semblait intraitable au début des combats s’est effondré en pleurs et de scander d’un ton tremblant : « Sauve-moi, sauve-moi, je t’en prie ».

On comprend mieux son dilemme en lisant la suite du rapport:
« Sept miliciens de la caserne de Mar Challita (Ghosta), qui auraient essayé d’échapper ou de se rendre à 1’Armée, ont été arrêtés et condamnés à mort.
« Un Père d’un couvent voisin à Nesbay, a été invité à aller les assister avant leur exécution. Ce Père a exigé de connaître les noms de ces miliciens, probablement dans le but légitime de rapporter leurs derniers propos à leurs familles (cette caserne prépare aux grades d’officiers des miliciens ayant une certaine formation intellectuelle). La demande de ce Père a été catégoriquement refusée ». « Je ne suis pas certain qu’un autre prêtre soit venu au secours de ces ‘bons chrétiens’, qui ont été exécutés ».

Ces assassinats puisqu’on ne peut les qualifier autrement se sont répétés partout avec la même férocité de manière à éviter des désertions en chaîne. Ainsi, juste avant que l’Armée ne prenne Aïn-el-Remaneh, treize miliciens qui voulaient déserter ont été exécutés froidement d’une balle dans la tête à côté de la caserne de Kassardjian, celle conduite par Zorro – surnom du chef de la caserne.

Image: Les bombes tombaient sur l’Asile des Vieillards des Soeurs maronites de Sainte Thérèse
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