Pour le lancement de son CD « Ala maak » au Liban, Nayla répond aux questions de Libnanews
Posted by jeunempl sur novembre 23, 2008
Une femme passionnée de culture et d’art, une libanaise aux allures ibériques, un cœur débordant de sensibilité et d’humanité avec des idées et des rêves pleins la tête, voici en quelques mots le portrait de Nayla. Auteur compositeur et interprète, Nayla chante l’amour et le Liban sur une musique aux couleurs méditerranéennes, témoignant de la double culture qui coule dans son sang : une synergie de l’Orient et de l’Occident qu’elle présente dans son CD « Ala Maak », actuellement en vente dans tous les branches du Virgin au Liban. Autour d’un café libanais, Nayla a accordé à Libnanews une interview exclusive lors de son passage à Beyrouth pour le lancement de son CD :
Libnanews – « Ala maak », ce qu’on traduit en français par « Dieu soit avec toi », tel est le titre de votre CD. A qui Nayla dit-elle « Ala Maak » ?
Nayla – A tout le monde, à tous les Libanais, à tous ceux qui écouteront mon CD. « Ala Maak » c’est une façon de saluer, mais c’est aussi une façon de dire au revoir. Jusqu’à présent au Liban, lorsqu’on passe dans un village à pied, on entend les gens nous saluer et dire « Ala Maak ». ça n’a pas de connotation religieuse, c’est plutôt traditionnel, mais il n’y a pas de mal non plus à vouloir dire « Dieu soit avec toi ».
Lib – Vos chansons témoignent de la présence de nombreuses influences, la musique orientale, le flamenco par exemple. Est-ce qu’ainsi vous tentez de rassembler le plus grand nombre de culture sous un nouveau style ?
Nayla – Oui, on peut dire cela. En Espagne, ce genre de musique métissée marche bien. Les gens fredonnent « Ala Maak », « Ya rayeh ». Au Liban, ca peut marcher. On n’a pas besoin de comprendre les paroles d’une chanson ; il nous arrive de chanter phonétiquement quelque chose, je le faisais surtout en espagnol il y a longtemps. Rassembler le plus grand nombre de culture, du Liban, de l’Espagne, et de la France, puisque dans mon cd il y a également des chansons françaises.
Lib – Comment pouvez-vous qualifier ce style ?
Nayla – Je le qualifierai de style « culturel » si je peux me le permettre. Nous les Libanais, nous avons la chance d’être ouverts à plusieurs langues : pourquoi ne pas chanter en plusieurs langues ? Si j’arrive à écrire en Français, en Libanais ou en Espagnol, pourquoi se priver de cela ? Parce que je suis libanaise ? Non. Lorsqu’on me pose la question : d’où est-ce que tu es Nayla ? je leur réponds : de la planète Terre. La musique n’a pas de frontière, je n’arrête pas de le dire : la musique se sent, et ne pas comprendre les paroles ne pose pas de problème.
Lib – Ambassadrice du Liban en Espagne, ou ambassadrice de l’Espagne au Liban. Quel rôle vous plairait-il le plus ?
Nayla – Ambassadrice du Liban en Espagne, oui, mais ambassadrice nationale, parce que l’ambassade diplomatique c’est quelqu’un d’autre.
Ambassadrice de l’Espagne au Liban, il y aurait beaucoup d’Espagnols qui ne seraient pas contents (rires). Mais je voudrais bien créer un pont entre Beyrouth et Madrid, entre le Liban et l’Espagne : un pont culturel, un pont musical. J’aimerai bien que lorsqu’il y a quelque chose qui concerne l’Espagne que les Libanais se disent : Ah, ça me rappelle Nayla. Et en Espagne, je crois que je suis une référence pour le Liban, pour les renseignements, pour les médias, pour pleins de choses. Lorsque quelqu’un a besoin de quelque chose sur le Liban, on me contacte directement ; ne serait-ce que dernièrement, avec la visite du patriarche en Espagne.
Lib – Vous êtes actuellement au Liban pour le lancement de votre CD. Mais nous savons également que vous êtes une artiste engagée pour le Liban, et pour des causes humaines. Pouvez-vous nous en raconter plus ?
Nayla – Quelles causes ? … Je suis partie leur dire au revoir (en parlant des mères des détenus présentes dans la tente près de l’UNESCO). Chaque mère, femme, sœur, frère, père au Liban doivent se sentir familiers d’un prisonnier en Syrie : ils ne sont pas nombreux – encore faut-il savoir par rapport à qui ils ne sont pas nombreux – mais on est sûrs qu’il y a des prisonniers libanais, certains sont là-bas depuis 25 ans. Il faut savoir quel a été leur sort ; les laisser là-bas, ce n’est pas possible, ce sont nos hommes à nous. Alors il faut savoir bien savoir s’ils sont vivants, il faudra les libérer, et s’ils sont morts les familles ont le droit de récupérer leur corps et avoir le droit de les voir pour faire le deuil. Sur ce, l’état libanais se doit de faire quelque chose. Il n’y a qu’un ou deux députés qui s’occupent de cette cause, mais ce n’est vraiment pas suffisant. Il est impossible de laisser ce dossier en suspens avec un grand point d’interrogation, il y a de quoi de venir fou. Je m’imagine à la place d’une sœur qui a son frère là-bas depuis 17 ans, et je me dis que je n’aurais jamais supporté cela. Je me demande bien pourquoi ces gens qui ont un membre de leur famille détenus dans les prisons syriennes lorsqu’ils vont vers l’état, ils sont automatiquement renvoyés, sans aide, sans aucune importance accordée à leur drame. Cette cause me tient à cœur, à chaque passage au Liban je me rends à la tente et je passe du temps avec les mères, les sœurs, les frères, et les anciens détenus. Je sens que je fais partie de ces familles, et si chaque Libanais se rend et les soutient, il y aurait plus de solidarité et leur cause aurait beaucoup plus de poids, et l’état sera obligé de les écouter. Malheureusement, il y a des Libanais qui ne savent pas où se trouvent cette tente, et qui ont même oublié cette cause et qui pensent que la tente des mères n’existe plus. Si le peuple libanais entoure ces familles, si un grand nombre demande une ligue internationale qui ira dans les prisons syriennes chercher les Libanais détenus et portés disparus, ils l’obtiendront, mais tant que ces familles sont seules et que les Libanais ne se sensibilisent pas à cette cause, elles ne peuvent rien faire. J’invite, à travers Libnanews, tous les Libanais et les Libanaises à aller à la rencontre de ces personnes, nous avons tant à leur donner, et ils ont tant à nous enseigner.
Mais il y a d’autres causes aussi, j’ai été voir l’association qui milite pour le droit à la nationalité aux enfants des Libanaises mariées à des étrangers. Je pense que c’est un droit à la femme libanaise de donner la nationalité à ses enfants. Personnellement je n’ai aucun problème de ce côté, mais j’ai des amies en France qui sont plus libanaises que n’importe qui, et qui se trouvent dans l’obligation de faire un visa à leurs enfants quand elles viennent avec leurs familles au Liban uniquement parce que le mari est français. Sur le papa d’un enfant, il peut y avoir toujours un doute, il peut être le pharmacien, le concierge ou le vrai papa (rires), mais sur la maman il n’y a jamais de doutes, alors qu’on ne vient pas me parler de palestiniens ou d’autres choses : une maman libanaise qui est mariée à n’importe qui, a le droit de donner la nationalité à son fils ou à sa fille. Je suis prête à faire tout mon possible pour aider dans cette cause-là.
Lib – Après avoir vécu la guerre alors que vous étiez une enfant au Liban, vous vous trouvez en 2006 en Espagne, et vous découvrez devant vos yeux un Liban meurtri encore une fois par la guerre. Quelle a été votre réaction ?
Nayla – En 2006, lorsque la guerre a éclaté, je me trouvais au Liban, et j’ai pu quitter le 13 juillet 2006. Ma première réaction a été devant ce Liban meurtri de le défendre comme si je défendais mon enfant. Une fois en Espagne, j’ai pris la cause de mon Liban à ma charge, j’ai parlé, j’ai chanté, j’ai représenté le Liban comme il le fallait en 2006, et si c’était à refaire, je le referais encore une fois et peut-être même plus fort.
Lib – Libnanews est témoin de votre mobilisation en 2006, et c’est grâce à votre engagement pour le Liban que l’équipe a eu la chance de faire votre connaissance.
Nayla – Tout à fait. J’ai organisé des concerts pour le Liban. J’ai traduit beaucoup de lettres du Français à l’Espagnol et vice versa, venant de la part de Libanais ou d’étrangers qui voulaient témoigner de leur sympathie avec le peuple libanais, j’ai participé à plusieurs émissions de radio, notamment à la Radio Nationale d’Espagne, parfois à 2h du matin, uniquement pour faire des programmes pour que le nom du Liban soit prononcé, pour informer d’avantage de personnes sur le Liban. Je ne voulais pas que les autres parlent en notre nom, cela ne serait pas très objectif. Il y va du devoir de chaque Libanais, que là où il se trouve, il fasse connaître le Liban sous son vrai visage. A l’étranger, et notamment en Espagne, on ne parle pas du Liban lorsqu’il y a un évènement culturel, sportif, scientifique où le Liban a excellé, on n’en parle que lorsqu’il y a des incidents ou des attentats. Dernièrement aux Jeux paralympiques de Pékin, l’athlète libanais Edward Maalouf a gagné 2 médailles de bronze : il y a très peu de gens qui le savent, que ce soit au Liban ou à l’étranger.
En fin de compte, le Liban est pour moi comme un enfant en train de nager : parfois il se noie, il essaye de remonter à la surface et reprendre sa nage, et quelqu’un vient lui donner un coup pour l’enfoncer de nouveau dans l’eau et l’empêcher de respirer et de continuer son parcours.
Lib – Qu’est-ce qui pourrait, à part les conflits, empêcher le Liban enfant d’aller de l’avant selon vous ?
Nayla – Le fait de toucher à notre Culture. Il ne faut pas toucher à la Culture dans un pays, lorsqu’on touche à cette dernière ainsi qu’à l’Education, on touche au fond et à la base d’un pays. A tous ceux qui veulent toucher à notre Culture et à notre Education, je leur dis merci, on n’en a besoin ni d’argent, ni de subvention, on a réussi jusque-là à préserver notre culture, jusqu’à quand on peut le faire, je ne sais pas. Le Liban ne produit pas de pétroles et de richesses, il produit des Libanais, des personnes qui, partout au monde où elles se trouvent, savent garder la tête haute, et excellent dans le domaine qu’elles choisissent. Le message que j’adresse à tous les Libanais est de garder et de préserver notre culture, parce qu’elle est le salut de notre peuple.
Lib – Nous avons commencé par le rêve, et nous terminerons également avec le rêve : quels sont les rêves pour lesquels Nayla œuvre afin de les voir se concrétiser ?
Nayla – Le rêve le plus proche, c’est de voir le CD Ala Maak dans les magasins libanais, mais je ne le verrais pas parce que je serai en Espagne. Un autre rêve, c’est de chanter à Byblos. Enfin, un rêve pour le Liban, c’est qu’une fois que j’aurai un peu plus d’argent, c’est de venir à Beyrouth et de mettre la première pierre pour un centre culturel, pour que la culture soit gratuitement à la disposition des enfants libanais, comme partout ailleurs. En Espagne, tout est à la portée de tout le monde, alors qu’ici, celui qui n’a pas d’argent ne peut rien faire, ni apprendre la musique, ni la peinture, ni la danse, ni même lire parce que les livres deviennent de plus en plus chers. Mon rêve c’est de mettre au point le premier centre culturel où je pourrais organiser des ateliers où les enfants, les jeunes ou même les personnes âgées qui n’ont pas les moyens puissent apprendre ce qu’ils veulent. Il y a beaucoup de talents mais qui n’ont malheureusement pas d’accès à la culture. C’est un projet dur à réaliser, il faudra trouver des sponsors, des personnes prêtes à donner 2h de leur temps par semaine pour apprendre aux autres, mais rien n’est impossible, et les rêves sont faits pour être réalisés.
Propos recueillis par MJR
Libnanews
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