Mobilisation pour le mariage civil
Posted by dodzi sur octobre 1, 2008
(Courrier International)
Un groupe d’universitaires utilise le réseau social Facebook pour réunir les partisans de la légalisation du mariage civil. Et ainsi contrer le pouvoir des communautés religieuses, relate le site Internet Nowlebanon.com.

Dessin: Mike Jaso, Barcelone
Si le Liban demeure le seul pays du Moyen-Orient à reconnaître les unions civiles en dehors de ses frontières, ses efforts pour légaliser le droit au mariage civil restent décevants du fait d’un ensemble complexe de questions sur la citoyenneté, de l’identité religieuse et d’un système politique sectaire [le mariage au Liban est une institution confessionnelle, dont l’état civil est tenu de prendre acte].
Des espoirs sont cependant permis. Une campagne en faveur du mariage civil – « All for Civil Marriage in Lebanon » (Tous pour le mariage civil au Liban) – a ainsi fait son apparition sur le réseau social Facebook, menée par un groupe de jeunes militants libanais en pleine expansion. Ce groupe a été créé par un professeur de l’Université américaine de Beyrouth et sa gestion est assurée par des étudiants et des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Selon les derniers chiffres, il compterait plus de 6 810 membres sur sa page « Groupe » et plus de 15 650 sur sa page « Causes ».
« All for Civil Marriage in Lebanon » a été lancé début 2007 pour permettre à ses membres comme à ses opposants d’exprimer leurs opinions sur la question du mariage civil, explique Ahmad Al-Nakib, l’un des responsables et président du Student Activism Club de l’Université américaine de Beyrouth. En témoignent les innombrables messages qui apparaissent chaque jour sur Facebook. Très vite, de nombreux jeunes ont rejoint sur Internet ce mouvement, qui est devenu une sorte d’organe fédérateur des militants en faveur du mariage civil.
Jusqu’aux affrontements de mai dernier [entre les partisans de la présence syrienne au Liban et les antisyriens], le noyau du groupe Facebook – entre 7 et 9 personnes – s’est réuni régulièrement au deuxième étage du Zaatar W Zeit, la grande chaîne libanaise de fast food. Les organisateurs ont notamment invité un éminent islamologue à donner une conférence, distribué des tracts en trois langues sur le mariage civil, proposé des questionnaires aux étudiants pour connaître leur position sur la question, et contacté sur Internet les participants de la dernière grande campagne sur le sujet, qui a eu lieu en 1998. M. Al-Nakib est très optimiste quant à la portée de leur action. « Nous avons touché un tas de gens », nous a-t-il confié. « De nombreux Libanais sont favorables au mariage civil. Si nous nous en donnons les moyens, nous pourrons sensibiliser toujours plus de monde. »
Le groupe rédige également une loi civile de statut personnel – qui englobera le mariage civil – en s’inspirant de la loi Hrawi [projet de loi relatif au mariage civil facultatif, présenté en février 1998 au Conseil des ministres à la demande du président Hrawi], passée à la trappe en 1998 [Le projet instaurait entre autres l’égalité entre les deux sexes en cas de divorce et reconnaissait le principe d’adoption ou celui qui accorde aux tribunaux civils le droit de statuer sur les affaires d’héritage et de testament.]. Ce projet est piloté par l’avocat Nael Kaedby, un autre membre de « All for Civil Marriage in Lebanon ». Ce dernier s’efforce de tirer les leçons de l’échec de la loi sur le mariage civil de 1998 en déterminant les dispositions qui lui ont été fatales, comme l’autorisation de l’adoption – une initiative jugée contraire aux principes islamiques – et l’obligation pour les hommes souhaitant divorcer d’obtenir l’approbation d’un juge.
Au dire de Karam Karam, un spécialiste des organisations civiles au Liban, la jeune génération est beaucoup plus ouverte au mariage civil. En ce sens, les groupes présents sur Facebook ont de grandes chances d’amener les jeunes à prendre parti pour le mariage civil.
Selon une étude réalisée en 2005 par Jean Murad, un professeur de sociologie de l’université Saint-Joseph, 68,1 % des 1 500 Libanais de tous âges interrogés pour les besoins de l’enquête considéraient le mariage civil comme contraire aux principes religieux. En revanche, l’étude statistique menée par le groupe Facebook auprès de 1 100 étudiants – de Beyrouth pour la plupart – a fait apparaître que 70 % à 90 % des jeunes étaient favorables au mariage civil.
Tout cela est encourageant, mais il reste à affronter les puissantes institutions religieuses du Liban, qui ont intérêt, tant pour leurs finances que pour leur pouvoir, à faire barrage à la légalisation du mariage civil. Les militants présents sur Facebook sont conscients que, sans un soutien suffisant des milieux politiques et de la population, tous les efforts pour promouvoir leur cause resteront vains.
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