Mouvement pour le Liban

Représentant le Courant Patriotique Libre en Belgique

Ehden! Tu te souviens?

Posted by jeunempl sur juin 13, 2008

(Tayyar.org – Extraits du livre de Georges Farshakh intitulé « Oum Farès »)

Massacre des Frangieh à Ehden - Les 31 tuésTony FrangiehCe jour là de ce mois-là de cette fameuse année, le 13 juin 1978, alors qu’Israël se préparait à se retirer du sud et que le printemps prenait ses airs d’été dans nos montagnes, alors que l’arôme des genets, du thym et du myrte flottait dans l’air, que le patriarche Douwayhi et Youssef bey Karam couvraient Ehden de leur protection, des Maronites se sont infiltrés sur des chemins maronites, pour monter à l’assaut d’un fief maronite, en vue d’assassiner d’autres Maronites. A une heure qui restera éternellement gravée dans tous les esprits, ils ont ouvert le feu. Chaque Maronite en a été blessé.

Mensonge, hypocrisie, ineptie. Le parti a assassiné Tony Frangieh, a réussi à violer Ehden. Au nom de qui, de quoi, de quels principes ? Au service de quelle cause sacrée ?

Tony Frangieh dormait tranquillement dans sa maison, enlaçant sa fillette et sa femme, sûr de la protection de Douwayhi et de Karam. Quelqu’un était venu lui dire, la veille de l’opération, qu’il y a avait une grande agitation dans les parages, qu’il serait sage de descendre à Zghorta. Il a ri : « Ehden ? Personne ne vient à Ehden. Celui qui viendra à Ehden en traître le regrettera. »

C’est lui qu’ils ont visé d’abord. La force la plus importante s’est dirigée vers le palais, tandis que d’autres se sont postées aux entrées de la ville. A quatre heures et demie ils ont lancé une bombe et des grenades sur le palais. Au même moment toutes les autres forces ont fait feu sur les axes menant au palais pour dissuader ceux qui essaieraient de leur porter secours. Malgré l’effet de surprise, la pluie de grenades et d’obus, l’homme a résisté. Il a pu toucher le commandant de cette opération de traîtrise. Lorsqu’il est tombé, parce qu’il fallait qu’il tombe afin que le malheur s’accomplissent, ils ont pris la maison d’assaut, ont achevé tous ceux qui se trouvaient là et ont sorti sur la place les corps de Tony, de Véra et de Jihane laissant le corps de la gouvernante Fadwa Barakat et celui du chauffeur Joseph Mansour à l’interieur.

Comment ont-ils pu toucher les corps et les traîner ? Tony, on comprend, c’était un chef politique et le métier a ses dangers. Véra on peut essayer de comprendre, c’était sa femme, elle partageait ces dangers. Mais Jihane ? La petite fille de trois ans ! Qui peut nous expliquer ? Où est l’explication ? Qui est volontaire pour nous la donner ?

Khalil Karam. Un jeune homme frais comme une branche de basilic. Il n’avait pas vingt ans. Etudiant a l’université. Il fait honneur au beau nom qu’il porte. Il a bondi hors de son lit quand il a entendu les premiers tirs, il s’est précipité en vêtements de nuit, voir ce qui se passait au palais. Ila l’ont abattu à la porte. Ils ont tué Sarkis Badawi Iskandar, 27 ans. Nabil Halim Frangieh, 24 ans. Antoine Youssef Finianos, 25 ans. Tony Boulos Frangieh, 23 ans. Des jeunes gens pleins de force et de santé. Leur seul crime était d’être des Maronites d’Ehden.

Je connais des Maronites qui seraient restés enfouis sous leurs couvertures, redoublant leurs ronflements, au bruit des balles et des bombes. D’autant qu’ils ne savaient pas qui était contre qui. Mais les Maronites d’Ehden, leur sang n’a fait qu’un tour. Dès le premier tir, ils étaient dehors. Les assaillants les ont tués devant la porte de leur demeure. Ils ont tué tout ce qui bougeait, de la fillette de trois ans à l’homme de quatre vingt dix ans. Qabalan Qabshi, quatre vingt dix ans, a été tué dans son lit. Halim Jaytani, 55 ans allait dans son verger de Bqoufa, tué. Badawi Shiab, 45 ans, s’était mis à courir depuis Kfar Sighab, ils l’ont tué au pont de Bou Trab d’une rafale. Ils ont tué Antoine Semaan Antoine Frangieh, 28 ans près de Dawalib.

Si tu avais vu le fils de Dahdah ! Il s’est levé comme un tigre blessé lorsqu’il a entendu les explosions venant d’Ehden. Il a pris son fusil cabossé pendant la guerre des deux ans et il a couru sur la route descendant d’Ehden vers Bayt Balis. Au carrefour, se trouvaient des voitures armées entourées de beaucoup d’hommes. Il leur a demandé de loin, en courant : « Qu’est ce qui se passe ? Qui êtes-vous ? Pourquoi tous ces tirs à Ehden ? » Ils ont crié : « Nous sommes le parti, jette ton arme. » Il s’est immobilisé. Le parti ? En une seconde, en moins d’un seconde, il a pensé : « que fait le parti ici avec tant de forces ? Pourquoi ce ton hostile ? Pourquoi jeter son arme, s’ils sont du parti ? » Il a crié : « Venez la prendre si vous êtes des hommes. » Puis, Il a fait demi-tour en courant.

Dahdah, l’intrépide ! Il a appelé son fils Mounir, 27 ans et sans discours et sans explication, ils ont coupé la route. Lorsque les voitures du parti se sont approchées, les deux Dahdah s’y sont opposés, se moquant du grand nombre, des armes lourdes et du parti. Les saints et les anges auraient décidé d’attaquer Ehden que le feu des Dahdah se serait déclenché sur eux. Ils ont empêché le convoi d’avancer pendant une heure entière, jusqu’à l’épuisement de leurs dernières munitions, jusqu’à ce qu’il ne leur reste plus une cartouche. Sa femme leur a crié de rentrer a la maison, lui et son fils, il lui a repliqué : « Il ne sera pas dit que les assaillants d’Ehden sont passés devant la maison de Mohsen Dahdah alors qu’il était encore en vie. » Ils l’ont tué, lui et son fils et ils ont poursuivi leur repli. […]

Les balles avaient à peine sifflé qu’un mince filet de sang s’est écoulé. Il est passé sous la porte de la chambre de Tony, a traversé le salon, est sorti dans la rue. Il a pris le plus court chemin, a tourné a droite, a tourné a gauche. Il a fait le tour du rond-point. Il a salué les deux lions, a obliqué sous Belmont et il a pris le chemin qui descendait. Il ne s’est pas arrêté à Ejbeh, ni à Aytou. Il a étonné les gens de Seb’el, il a failli sortir du chemin au virage de la croix. Il a fait un demi-tour sur lui même et a continué à descendre. On a essayé de l’arrêter à Karmsada en mettant des blindés sur son chemin, il est passé outre. On lui a tiré dessus des RPG, il a enflé. En vue de Bnachii, il a hésité un instant. Peut-être voulait-il que le sang qui avait coulé ici autrefois, mais pas de la main des maronites, l’accompagne. Il a traversé Kfar Fou et Arjess, s’est dépêché à Sahl ej-jedidé. Il s’est incliné devant l’église de Saint Même, à Kfar Hata, est arrivé au rond-point du palais de Zghorta. Il a fait un tour complet et a musardé dans les rues et les ruelles. Toutes les rues et toutes les ruelles. Puis il a pris la rue principale Assahat à son debut, depuis el-Tell, et l’a descendue pouce par pouce. Chez Abou Assaad, il a tourné à gauche. Trente mètres après, il a tourné à droite. Cinquante mètres plus loin il était sur l’esplanade de Notre-dame, qu’il a traversée d’un bond pour entrer à l’église par la porte interdite aux cavaliers. Personne n’a jamais su comment le mince filet de sang est parvenu à saisir la corde de la cloche. Personne n’a jamais su comment il s’est mis à sonner la cloche. […]

« Les cloches de Zghorta n’appellent pas à la prière, les cloches de Zghorta annoncent une opération de trahison. Des Hyènes d’une autre espèce attaquent la ville. Debout ! »

Ils ont écouté leur fierté et sont partis. Ils étaient dans un état second. Une attaque du parti sur Ehden ? Ce devait être un cauchemar ! Plus rien ne comptait. N’était ce pas ce que voulaient et ce qu’attendaient les auteurs de l’agression ? Ne comptaient-ils pas sur cette fougue instinctive qui agiterait toute la ville ? Les voitures ont commencé à affluer sur le chemin de Ehden dans le désordre.

La première voiture venait tout juste de prendre le virage de Karmsada, qu’un RPG et une pluie de balles se sont abattues sur elle. Elle a pris feu et est allée heurter le bord de la route. La deuxième voiture est arrivée à toute vitesse, un nouveau tir de RPG est parti avec des rafales de balles. La troisième voiture est arrivée. L’amour maronite couronné de lauriers l’a accueillie et il a tué tous ses occupants.

Où es-tu Abou Wakim ? Dépêche-toi sergent ! De toute ta vie, tu n’as jamais été en retard. Ce jour là non plus le sergent Tanos Yamin n’était pas en retard. Il était toujours en tête et menait ses hommes avec courage et sagesse. […]

Dans cette ambuscade, seul Abou Wakim est mort en combattant. Les autres: Tony Jarjas Frangieh, 30 ans, Semaan Frangieh 26 ans, son frère Sayed 23 ans, Youssef Frangieh 50 ans, son fils Antoine 24 ans, Moussa Raidi 37 ans, Shahid Iskandar 26 ans, Joseph Badawi Iskander frère de Sarkis 18 ans, Joseph Mikhail Maksissi 25 ans, Samir Tanos Ebchi 23 ans, sont morts dans les trois voitures qui été accueillies par le débordant amour maronite, a coups de RPG. […]

Le journaliste étranger est revenu avec la photo de Jihane, les noms et le nombre de balles dans le corps de chaque martyr. Je lui ai dit : « Nous pardonnerons, nous n’oublierons pas. Nous pardonnerons quand la justice aura suivi son cours, quand ils auront reconnu le crime, mais nous n’oublierons jamais pour que personne n’ose à nouveau une telle action. » […]

Quelle est la faute du [zghortiote]? Quelle est la faute de la mémoire et de celui qui se souvient ? Il puise dans ce qu’ont gravé temps et événements. Ils ont rempli cette mémoire des cadavres de la trahison et on lui demande de se souvenir. Puis on le blâme s’il ressort la trahison et les morts. On l’interroge, sur un ton de reproche, parfois même sur un ton d’ironie : «Pourquoi ne te souviens-tu pas comme se souviennent les autres ? Pourquoi veux-tu toujours te distinguer des autres ? » En effet, pourquoi ne pas se souvenir comme se souviennent les autres ? S’il s’étonne du ton de surprise et de reproche, on lui dit : « regarde El Tanzim, regarde El Hourras, regarde El Ahrar et son président, on leur a tué vingt fois plus qu’à Ehden et ils ne se souviennent pas. Mieux, ils fêtent avec eux le jour de « l’unification des fusils » et ils vivent mille fois mieux. Rien ne leur manque, ils font du commerce et gagnent de l’argent. Ils représentent les Maronites et encaissent le prix de la représentation. » C’est vrai pourquoi ? […]

Mais la mémoire est plus forte et plus obstinée. [Le zghortiote] demande a son tour : « pourquoi voulez-vous que je les égale en infidélité et en indécence ? Je ne réclame pas la vengeance, mais la justice. Je pardonne et n’oublierai pas afin que le crime ne se répète pas. Ils ont voulu, pour nous, un tombeau, il a été pour nous une aube. Je ne veux pas qu’une nouvelle fois, ils infligent des blessures à cette aube. Le soleil en assez de se lever dans le sang des innocents, et si nous n’y prenons garde, il va partir ailleurs, quelque part dans cet univers, ou la grâce de Dieu habite encore certaines âmes. »

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3 Réponses vers “Ehden! Tu te souviens?”

  1. samer mahmoud said

    Pourquoi ? et par qui ?
    Vous m’avez fait pleuré sur mon lieu de travail ( facile pour moi etant jaafarite ) mais je ne connais cette histoire que de loin ( karbala ou Ehden meme combat )
    je sais que le pourquoi du comment n’est pas important dans cette tragique histoire mais tout de meme POURQUOI ? et comment les autorités religieuses ont elle accepté et de nos jours que font il pour rendre justice afin d’eviter la vengence car apres vous avoir lu je suis un habitant d’Ehden et je veux la justice .

  2. Victor said

    un lien interessant :

    http://www.voltairenet.org/article159614.html

    Comment le Mossad a assassiné Tony Frangieh

    bonne lecture.

  3. dodzi said

    Tony Frangieh a été assassiné par un groupe de commandos des Forces Libanaises menée par le faux-docteur Samir Geagea, sur les ordres de Bachir Gemayel…

    Lier tous les problèmes du Liban à Israël et à la Syrie, est une approche peu pragmatique et manquant sérieusement d’application dans la recherche, qui est utilisée par de nombreux Occidentaux (qui lient tout soit à l’axe du mal, soit à l’impérialisme Americano-Sioniste) et la plupart des libanais (qui se défendent de tous les maux, préférant jeter la faute sur les juifs, les syriens, les palestiniens, les iraniens, les saoudiens, les américains, les turques, les égyptiens, les srilankais…).

    Une approche plus correcte pour comprendre la guerre civile libanaise est de considérer les intérêts communs et particuliers des gouvernements, partis, milices, individus pendant la guerre, selon les différentes périodes de l’histoire. Vous y apercevrez que tout le monde a changé de côté (par exemple, les phalangistes s’alliant aux palestiniens, au milieu des années ’80, pour défaire les milices chiites, et vice versa quelques années plus tôt), selon la direction du vent!

    Les complots existent, mais il faut également faire attention de ne pas automatiquement chercher la solution la plus compliquée pour des problèmes simples à résoudre!

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