Le nouvel album de Bernard Lavilliers: «Samedi soir à Beyrouth»
Posted by jeunempl sur février 3, 2008
(Le Matin – Karine Vouillamoz)
Dans les chansons de son nouvel album, le chanteur baroudeur mêle le groove jamaïquain à la soul de Memphis. Et pare ses textes coups de gueule de rythmes légers et ensoleillés. Du Bernard Lavilliers pur jus, donc. Ce «Samedi soir à Beyrouth» tient toutes ses promesses.
Il a un gros rhume, Bernard Lavilliers. Mais rien ne l’empêchera de parler avec passion de son nouvel album, «Samedi soir à Beyrouth». Comme le vin, le baroudeur se bonifie avec le temps. Pendant près de quarante ans, l’artiste voyageur a posé ses valises dans ces pays qu’il aime, s’en est imprégné. Avec «Samedi soir à Beyrouth», l’éternel rebelle a réussi à marier avec brio le groove jamaïquain à la soul de Memphis. Il évoque toujours les causes premières – droits de l’homme, la guerre, droit au travail -, égratigne «ceux qui prennent et qui amassent, arrachent le temps avec leurs dents», dans «Killer». Coloré, chaloupé, vibrant et puissant, «Samedi soir à Beyrouth» est un excellent cru.
Vous avez un rythme de travail très constant. N’êtes-vous jamais en panne d’inspiration?
Si, justement. Dans «Solitaire», je raconte que je suis en panne, je me plains, je me ramollis et la chanson se retourne sur moi. J’ai vécu cette panne quand je suis allé à Beyrouth. Je n’y étais pas retourné depuis 1982 quand ça bombardait fort. J’ai commencé à écrire un samedi après-midi. La veille, j’étais sorti faire la bringue avec des potes. Et puis, le lendemain, juste à côté de mon hôtel, le consulat du Danemark a été détruit à cause des caricatures de Mahomet. J’ai laissé tomber «Solitaire» pour écrire «Ordre nouveau».
Votre route ne s’est pas arrêtée à Beyrouth, elle vous a mené vers Kingston et Memphis, non?
Au départ, je voulais que le fils de Fairuz fasse les arrangements. Mais le Liban est entré en guerre avec Israël. Et puis je voulais avoir un groove jamaïquain tout au long de l’album. J’ai décidé d’apporter à la soul de Memphis des rythmes jamaïquains, pour voir si ça marchait. Ce n’était pas évident, d’ailleurs, les musiciens de Memphis ne connaissaient pas vraiment le reggae.
Vous êtes toujours dans le paradoxe: des textes graves et sombres avec une musique légère et ensoleillée…
J’aime bien ça. Ils nous ont assommés pendant un an avec leur «travailler plus pour gagner plus». Quand j’écris «Bosse», sur une musique de Jehro, un texte assez grave sur le travail, c’est plus marrant d’utiliser une musique nonchalante pour dire des choses assez graves.
Qui sont les «Killer» que vous évoquez?
C’est toute la génération qui a les dents qui rayent le plancher, qui veut gagner le plus vite possible beaucoup d’argent, épouser un top modèle. Vous voyez le genre?
Justement, les sujets que vous abordez, le travail, la violence, sont des thèmes récurrents du président français. Il vous inspire quoi?
Ils ont ce qu’ils méritent finalement! C’est ce que je leur dis, aux gens de gauche: on a le président qu’on mérite, les mecs! Tant pis, ce n’est pas moi qui ai voté pour lui. Maintenant, on va se le goinfrer pendant cinq ans. Si on se dit que l’image de la France à l’étranger est présentée par Sarkozy, je préfère être Brésilien.
Ça vous pousserait à militer contre lui?
J’estime que ce que je dis dans mon album, c’est pas mal. C’est vicieux…
Oui, mais ce n’est pas frontal…
Si ça l’était, on ne parlerait encore que de lui. Il est content quand on parle de lui, de n’importe quelle manière. Il est vingt-cinq fois par jour à la télé. J’ai vu à l’AFP, «le président est sorti du Fort de Brégançon pour aller faire un footing». C’est quand même une information de première bourre! Sans déconner, la pipolisation, je veux bien, mais les journaux sont devenus eux-mêmes comme ça, avant même Sarkozy. Il s’est adapté aux journaux. La preuve, je ne suis pas du tout dans les magazines people. Je ne fais pas la couverture de Gala avec ma femme. C’est parce que je le veux bien. Les journalistes, ça les intéresse plus de savoir combien de fois par semaine je fais l’amour que de savoir que je suis passé par Memphis pour faire de la soul.
C’est pour échapper à tout ça que vous prenez la route?
Il faut aller ailleurs. Je suis content de n’avoir jamais mangé dans la gamelle des paparazzi. Ils ne me courent pas après parce que ça ne fait pas vendre. Continuer à pouvoir écrire des albums qui ne «sont pas de la merde», comme vous dites, ne pas être obligé de négocier avec Voici pour continuer à exister, c’est pas mal. Ça a un côté «aristocrate de la rue». Je suis un prince de la rue (rires)!
A consulter aussi :
http://www.rplfrance.org/index.php?content=culture/080119blavilliers.php : reportage du RPL
http://www.bernardlavilliers.com/ : son site officiel
Thanel said
Heureusement que Bernard n’a pas fait la couverture de Gala avec sa femme, sinon le journal aurait fait faillite.